Le 1er Mai, qu'en faire ?


Fête du Travail ou des travailleurs et des travailleuses ?


Que célèbrera-t-on, un peu partout, mardi prochain, 1er mai ? A Paris, chacun aura son Premier Mai à lui (ou à elle). Fête de Jeanne d'Arc pour le Front National et Marine Le Pen; Fête du Travail, le vrai, le sien, celui qu'il veut à tout prix garder, pour Nicolas Sarkozy; Fête des Travailleurs pour la gauche et les syndicats. Et à Genève, une semaine après le plus gros licenciement collectif de l'histoire locale (la fermeture de Serono par la multinationale allemande Merck, la suppression de 1250 postes de travail, le licenciement pur et simple de plusieurs centaines de salariées et de salariés), que fera-t-on de cette journée ? A Paris, , les syndicats et la gauche veulent, selon le mot de Mélenchon, faire du 1er Mai « un moment stupéfiant d'unité et de puissance ». Mais pour célébrer quoi, ce « moment d'unité et de puissance » ? Pas « le travail », comme le voudrait Sarkozy, mais celles et ceux qui y sont contraints...


Quand les raisons de vivre sont ôtées par l'octroi des moyens d'exister en échange du temps de travailler


Par le mot de « travail », il a toujours été formulé deux réalités différentes : d’une part, celle de l’activité, constitutive de l’humanité (en tant qu'elle se veut différencier de l’animalité) de transformation de la réalité donnée : le travail est ce qui transforme le monde, en transformant un peu du monde -du silex que l’on taille à la tour que l’on construit. Et d’autre part, l’esclavage -l’activité contrainte, la mise des uns au travail par les autres, pour leur profit ou leur subsistance. Le travail (au sens, essentiellement, de travail salarié) fut longtemps, et reste le plus souvent, le seul moyen de survie pour ceux qui, contraints de vendre leur temps et leur force et de les vouer à d'autres, doivent se vendre eux-mêmes pour ne point périr. La torture laborieuse était la condition de la survie physique. Nous n’en sommes plus là (encore qu'on y meurt encore de trop travailler) dans les pays du « centre », ceux du capitalisme socialisé, si nos semblables y sont encore à la périphérie, et nous ne jurerons pas que le travail soit encore « chez nous » le moyen de la survie physique, s’il reste le moyen de la survie sociale -à condition cependant, de la confondre avec l’intégration sociale, le travail étant alors la marque de l’adhésion à la norme sociale.
Le compromis social élaboré à la sortie de la Guerre Mondiale est un échange : celui du travail salarié contre la protection sociale. Hier, qui ne travaillait pas ne mangeait pas. Aujourd’hui, qui ne travaille pas peut désormais manger, mais mal, l’aide sociale ou les restos du cœur y pourvoyant, l’apparent gaspillage de la charité étant pour l’ordre social infiniment préférable au réel désordre de la famine. Dès lors que l'aide sociale peut suppléer à la fonction « sécuritaire » du travail, son caractère socialement identitaire, normatif, du travail devient déterminant : c’est par lui que l’on reste inside, que l’on évite le rejet dans la marge, que l’on peut continuer à satisfaire à la norme sociale. A quel prix ? au prix le plus lourd : celui du temps. Car ce par quoi dans le travail, aujourd’hui et dans le capitalisme socialisé, le travailleur est exproprié de lui-même n’est pas la captation du produit du travail, mais la captation du temps passé au travail, c’est-à-dire le salariat. C’est par le salaire que le travailleur est exploité, par le salaire que la force et le temps qu’il vend lui sont achetés, par le salaire que cette vente aboutit à la vente du travailleur lui-même, par lui-même, en tant que travailleur. La condition de l’existence est en même temps la cause du vide de l’existence, les raisons de vivre sont ôtées par l’octroi des moyens d'exister en échange du temps de travailler.
Que le grand nombre travaille pour nourrir le petit nombre est révoltant ; que nul ne travaille en y étant contraint, telle devrait être notre exigence. La même que celle que proclama il y a plus d'un siècle Paul Lafargue, celle d'un « droit à la paresse » qui se confondrait avec le droit à la liberté et à la dignité. Et c'est là tout le sens du projet de « revenu de base »...

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