Que faire d'une borne ? la passer...

« Pourquoi des élus dépassent les bornes ? », s'interrogeait, apparemment angoissée, mais néanmoins toute frétillante, la « Tribune de Genève », à propos des dernières péripéties parlementaires genevoises. Pourquoi des élus (le masculin n'est pas innocent) dépassent-ils les bornes ? D'abord parce que les bornes, s'agissant des débats parlementaires, ce sont les élus eux-mêmes qui les posent, et qu'ils en font donc ce qu'ils veulent -celles et ceux qui les ont élus étant seuls légitimés à les sanctionner. Ensuite parce que les bornes sont faites pour être dépassées (elles ne sont pas des murs). Enfin, parce que les parlements ne sont pas seulement des lieux de décision, mais aussi des lieux de joutes...

Allons nous faire voir chez les Grecs... nous en venons...

Répétons-le : les parlements ne sont pas seulement des lieux de décision, mais aussi des lieux de joutes, des agoras, des tribunes, depuis toujours -et qui ce qui peut aujourd'hui s'y produire à Genève comme ailleurs, n'est jamais, même devant les caméras de la télé locale, que l'ombre de la copie d'un ersatz de ce qui s'y produisait naguère : on s'est battus, à Genève, au parlement et dans la rue, mais vraiment battus, et pour ce qui en valait la peine, pas pour faire parler de soi ou essayer de convaincre qu'on en a dans la culotte, au risque de surtout convaincre qu'on n'en a pas beaucoup dans la tête.

Les attaques sur la vie privée, les propos racistes, sexistes, homophobes, sont sans doute le dernier refuge, ou le seul terrain, sur lequel peuvent se situer quelques un-e-s de nos parlementaires. De ceux là, et de leurs parti (ou de leur parti, puisqu'il en est un qui s'en est fait une spécialité), il serait illusoire d'attendre autre chose. Et de quelques grands media, gratuits ou payants, illusoire d'attendre qu'ils privilégient les affrontements politiques aux défoulements caractériels, les débats de fond aux règlements de compte personnels. Les députés Pierre Weiss et Eric Stauffer ne s'aiment pas ? Et alors ? personne ne leur a demandé de s'aimer, on leur demande seulement de se confronter politiquement... Le Conseiller municipal Denis Menoud est allergique aux femmes de gauche ? Elles s'en consoleront aisément.

Le Conseiller municipal ou la conseillère municipale, le député ou la députée, qui ne s'est jamais demandé ce qu'il (qu'elle) faisait à siéger là où il (elle) siège n'a rien à faire dans un parlement. Mais ce qui nous guette, au Grand Conseil ou au Conseil municipal, est moins l'indignation devant les dérapages de quelques uns que l'ennui devant l'analphabétisme bredouillant et le conformisme bêtifiant des autres. Nous sommes encore quelques-un(e)s à ne pas siéger dans ces «institutions » pour les révérer et en donner une image qu'elles ne méritent pas plus que d'autres, mais pour les changer. Et si le spectacle que nous donnons n'est pas toujours de la plus haute tenue, il faut, de la part des grands media du coin, bien de la mauvaise foi pour nous le reprocher : qui le met en avant, ce spectacle ? Nous n'avons pas besoin de rappels à l'ordre, mais d'un rappel au débat -à la confrontation des idées et des projets. Une confrontation qui peut être vigoureuse, polémique, mais une confrontation qui est dans la tradition de cette République -celle de Rousseau, de Fazy, de Nicole, de Tronchet... cela s'appelle la politique. Un truc qui nous vient des Grecs. Et précisément, la blochérienne Weltwoche nous voit en « Grecs de la Suisse »... Alors soit ! et même, banco ! Soyons-en dignes, de cette étiquette que ceux qui nous la collent croient sans doute infâmante. Soyons dignes d'être plus grecs que suisses, que nous le soyons au nom de Platon et d'Aristote ou au nom de Diogène et d'Héraclite, selon que l'on révérera ou non les institutions.

Parce qu'enfin, qui a civilisé l'Europe ? Les Grecs ou les Alamans ? Et où a été inventée la politique ? à Athènes ou sur le Grütli ?

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