Fermeture de Merck Serono : Une mauvaise graisse : les salariés
Merck, Serono et Alinghi sont en bateau, Serono tombe à l'eau...
Le président du Conseil d'administration de Merck, Karl Ludwig Kley, avait annoncé il y a quatre jours que le groupe allait supprimer des emplois pour réduire ses coûts. Et avait ajouté cette forte sentence héraclitéenne en guise d'explication: le monde change. Le monde, peut-être, pas les argumentaires des « dégraisseurs d'entreprises » : Merck explique qu'elle fait face à un enjeu de renouvellement et d'innovation industriels et son patron déclare qu'il va poursuivre sa « stratégie d'internationalisation en se concentrant toujours sur l'Amérique du Nord et sur l'Asie » pour une «allocation optimale des capitaux». Traduction : on ferme Serono pour regonfler les bénéfices de Merck. Serono assurait pourtant 60 % du chiffre d'affaire du groupe (près de six milliards d'euros sur dix), et un résultat d'exploitation de plus de 300 millions d'euros, mais cela ne suffisait pas. La filiale genevoise, que le responsable du secteur pharma de Merck qualifiait de « monstre bureaucratique », sera donc liquidée. Et le gouvernement genevois, qui ne tentera rien pour qu'il en soit autrement, jouera les andouilles, comme le fait le Conseiller d'Etat François Longchamp : « Nous savions que l'entreprise avait des difficultés, mais nous n'imaginions pas à ce point là ». Et son parti, le PLR, demande que « les autorités genevoises prennent toutes les mesures possibles pour atténuer le choc pour les employés et faire le maximum pour les aider à retrouver un emploi qui corresponde à leurs compétences ». Bref, que les collectivités publiques jouent les pompiers. Mais dans ces réactions, pas un mot, pas l'ombre d'une idée de condamnation de la logique à l'oeuvre dans la décision d'une multinationale qui fait dix milliards d'euros de chiffre d'affaire, augmente les dividendes de ses actionnaires de 20%, mais liquide purement et simplement une filiale parce que ses bénéfices (car elle en fait) ne sont pas assez élevés, et lourde des centaines de salariés comparés à de la « mauvaise graisse » empâtant les « muscles »... Le PLR, qui n'a rien à dire sur la décision de Merck, a cependant trouvé le moyen d'en rendre les socialistes genevois, et tout particulièrement Sandrine Salerno, quasiment responsables pour avoir critiqué une politique économique cantonale consistant à attirer à coups de cadeaux fiscaux à Piogre des sièges de multinationales, sans se soucier de la pérennité de cette installation, et en ignorant superbement la contradiction flagrante entre les intérêts de ces multinationales, leur logique, et ceux d'une économie fondée durablement sur un tissu d'entreprises réellement ancrées dans la région. Le syndicat Unia dénonce d'ailleurs lui aussi « les politiques de promotion économique des cantons de Genève et de Vaud qui attirent des entreprises internationales avec des cadeaux fiscaux sans exiger la conclusion de conventions collectives de travail, ni de contrepartie en matière d'emploi ». Et qui ensuite ferment leurs filiales genevoises parce qu'elles ne rapportent pas assez. Et s'opposent à l'organisation d'assemblées syndicales sur les différents sites promis à la casse. Ce qui ne semble pas gêner outre mesure ni le Conseil d'Etat, ni le PLR.
Petit rappel utile : Serono avait été vendue à Merck en 2006 pour seize milliards de francs par Ernesto Bertarelli (vous savez, le grand navigateur en bassin, le régatier de la Coupe America...), qui s'en était mis dix dans la poche, de ces seize milliards. Ironique, Sandrine Salerno a « une pensée émue pour celui qui a su vendre sa société à temps ». On partage l'émotion de notre Conseillère administrative préférée : après tout, il fallait bien que l'Alinghignol puisse se les payer ses jolis bateaux, non ? Au prix du naufrage de la boîte familiale, certes, mais qu'importe ?
Le siège flambant neuf de Serono à Sécheron ressemble aujourd'hui au Titanic et Bertarelli a quitté le navire comme un vulgaire capitaine de Costa Croisière, mais c'est dans l'ordre des choses capitalistes. Serono coule, Bertarelli navigue, les salariés vont ramer.
Un sonore « Vada a bordo, cazzo ! » s'impose...
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