Fonds de tiroir


« Pourquoi la traversée du Léman s'enlise à Berne ? », se demande « Le Temps » de samedi, à propos des réticences de la Confédération à financer le machin qui, en pont ou en tunnel, devrait relier à travers le Petit Lac le Vengeron et la Pointe à la Bise. Pour la modique somme d'au moins trois milliards de francs.  Réponse : parce que ce machin n'entre dans aucune des cases du fonds d'infrastructure qui devrait être mis à contribution : ce n'est ni un achèvement du réseau des routes nationales, ni un moyen d'éliminer un « goulet d'étranglement » du trafic, ni une réponse à un besoin de mobilité accru. Ou alors, si on croit les promoteurs du machin, c'est tout ça à la fois. Ou encore, il ne s'agirait que d'un projet d'agglomération tentant de se faire passer pour une infrastructure routière. Ou encore, pour nous, un gros gadget politicien très coûteux et très nuisible qu'on veut faire payer par la Confédération parce qu'à force de vider les caisses cantonales en accordant des cadeaux fiscaux, on n'a pas les moyens de se le payer soi-même. Une sorte de grosse Genferei bétonnée, quoi.

Et voilà, les fronts sont clarifiés et pour l'élection partielle au Conseil d'Etat genevois, le 17 juin prochain, y'a trois camps : la gauche, avec Anne Emery-Torracinta, la droite, avec Pierre Maudet, l'extrême-droite, avec Eric Stauffer. Et entre les tranchées zonent un vert libéral et un « pirate » qui vont compter un peu pour beurre, mais qui s'en foutent puisqu'ils sont là pour qu'on voie que leurs partis existent. Or donc, l'UDC appelle à voter pour le candidat du MCG, et renonce à la fois à présenter une candature qui soit la sienne, et à soutenir celle du PLR Pierre Maudet. Et le PLR n'est pas content, mais alors pas content du tout: il dénonce une action «impulsive et sournoise» de l'UDC et l'accuse d'avoir « vendu ses électeurs au plus offrant » (Alain-Dominique Mauris, président du PLR) dans une alliance que Maudet définit comme le résultat d'une « cuisine électorale». Ben oui, c'est de la cuisine électorale. A consommer pendant longtemps : les délégués de l'UDC ont entériné un accord électoral qui porte jusqu'en 2014 (échéance du mandat du procureur général Jornot, en passant par les élections générales au Grand Conseil, au Conseil d'Etat et à la Cour des Comptes). Et la présidente de l'UDC Céline Amaudruz a précisé qu'en cas d'élection de Pierre Maudet, Eric Bertinat serait candidat en Ville de Genève. Préparer un candidat en cas de moins en moins vraisemblable d'élection d'un autre candidat dont on savonne consciencieusement la planche pour qu'il ne soit pas élu, c'est excessivement précautionneux ou totalement hypocrite ?

Deux instituts de sondage français ont publié hier de nouveaux chiffres, obtenus après les tueries de Toulouse et de Montauban, d'inten tions de vote pour la présidentielle. Ces enquêtes d’opinion des instituts Ipsos et Ifop montrent que ces événements et leur gestion par le pouvoir ont peu d'impact sur les intentions de vote. Réalisé les 23 et 24 mars, au lendemain de l’assaut contre le tueur », le sondage Ipsos indique des intentions de vote quasiment stables pour François Hollande (28% à -0,5) et Nicolas Sarkozy (27,5%, inchangé) au premier tour. Le candidat de la gauche de la gauche Jean-Luc Mélenchon progresse davantage (+1,5 point en une semaine), à 13%, que la candidate de la droite de la droite, Marine Le Pen, qui occuperait toujours la troisième place avec 15,5% (+1%), mais un sondage précédent la plaçait derrière Jean-Luc Mélenchon. Effectué dans le même temps, le sondage Ifop place, lui, Nicolas Sarkozy en tête des intentions de vote au premier tour (28,5%), devant François Hollande (27%). Pour ce qui est du second tour, les chiffres d’Ipsos er de l’Ifop sont les mêmes. François Hollande reste en tête avec 54% contre 46% en faveur de Sarkozy (au lieu de 56% contre 44%). Alors comme ça, toute la récupération politique des assassinats de Toulouse et Montauban, ça a servi à rien ? 

Il est à Genève un centenaire qui mérite d'être classé au patrimoine : Jean de Toledo, encore président du holding qui coiffe les Pharmavies Principales et Visilab, et surtout partisan acharné, voire obsessionnel, de tout ce qui peut ressembler à un parking et à une traversée routière de la rade -mais le plus près possible du centre-ville (ben oui, quoi, les parkings que Jeannot veut construire en ville, il faut bien les remplir avec des bagnoles entrant en ville...). Bref, « avec un acteur important de la mobilité genevoise » (on en salive d'avance), il travaille à relancer (dans les pattes du Conseil d'Etat et du reste de la droite, qui militent pour une traversée du petit-lac, et pas de la rade) en tunnel (c'est bien suisse, ça, cacher les cochonneries sous le tapis), de Baby Plage à l'avenue de France... et c'est une très bonne idée. Pas en soi, évidemment (en soi, c'est une idée à la con), mais tactiquement. Parce que c'est comme ça que la dernière fois qu'elle a été soumise au peuple, la traversée de la rade a été balayée par le peuple : parce que les partisans d'un projet se sont opposés aux partisans d'un autre pendant que les adversaires des deux projets serraient les rangs. Alors si Jeannot veut plomber la traversée du petit-lac, faut lui donner un coup de main. Il la mérite, notre centenaire, cette solidarité intergénérationnelle.

Ainsi donc, il y aura à Paris mardi prochain trois manifestations du 1er Mai : Une manifestation unitaire des syndicats, pour la journée des travailleurs, une manifestation unitaire de Sarkozy pour Sarkozy, au nom du « vrai travail » (celui qui épuise et qui est mal payé), et une manifestation du Front National en l'honneur de Jeanne d'Arc, qui n'en peut mais et va devoir défendre férocement son pucelage. Rappelons que le 1er mai, dans le calendrier républicain, c'est le jour du sainfoin. Une sorte de mauvaise herbe, donc.

Notre ancien Procureur Général, l'ineffable Daniel Zappelli, s'exile. Démissionnaire au 31 mars, remplacépar Olivier Jornot, Zavatta s'installerait, selon « Le Temps », dans les Emirats Arabes Unis, comme consultant. « Je réoriente ma carrière, voilà tout », commente notre expatrié. dont un avocat genevois dit qu'il sera «beaucoup mieux là-bas qu'à Genève». On n'en doute pas. Mais l'Emirat étant un paradis fiscal, l'exil doré d'un ex-procureur général genevois « fait jaser », écrit « Le Temps », Et l’inextinguible Charles Poncet de s'interroger : «Vous voyez Bernard Bertossa s'installer à Palerme comme consultant ?». Non, on voit pas. Et encore moins qu'il y survive longtemps....

Utile rappel (chiffré) dans le magazine de l'ATE : alors que la Suisse a ces dernières années constamment étendu le réseau de ses routes et autoroutes, au prix de dizaines de milliards de francs (et pas des francs CFA...), et que les milieux bagnolards ne cessent d'expliquer que c'est le seul moyen de résorber les embouteillages, les bouchons ne cessent au contraire de croître, de se multiplier et de se diffuser : en un an, en 2010, ils ont augmenté de 34 % et atteignent presque 16'000 heures. En clair : plus on construit de routes pour les bagnoles, plus elles s'y entassent et s'y immobilisent... et plus le TCS et ses porte-voix politiques râlent pour qu'on construise de nouvelles routes... C'est comme pour les prisons, en fait...
La multinationale suisse du ciment Holcim, qui célèbre cette année son centenaire,  cultive en Suisse son image d'employeur exemplaire et prétend se conformer aux exigences éthiques les plus sévères («the highest level of ethical standards»). Mais partout ailleurs qu'en Suisse, les entreprises d'Holcim violent les droits nationaux du travail et les droits syndicaux garantis par les conventions de l'OIT, dégradent l'environnement de vie et la santé des populations habitant au voisinage de ses usines, ignorent les revendications des populations autochtones. Dans ses filiales indiennes, par exemple, ACC Limited et Ambuja Cement Limited, le groupe viole massivement les droits des travailleurs. Le 7 janvier 2012 le syndicat indien de la main-d'oeuvre temporaire PCSS a donc porté plainte contre Holcim auprès du point de contact national de l'OCDE en Suisse. Un manifeste, lancé par le réseau MultiWatch (www.multiwatch.ch) a été adressé à Holcim : il invite la multinationale à prouver par ses actes «qu'elle se soucie effectivement de durabilité et de responsabilité sociale», qu'elle respecte les normes fondamentales du travail, les droits syndicaux, les conventions de l'OIT et le droit des populations locales à être consultées sur l'implantation ou l'agrandissement des usines. Le manifeste demande également à Holcim de cesser de bousiller l'environnement en usant de produits polluants. On peut toujours signer le manifeste sur www.multiwatch.ch

La mort (oui, je sais, on doit dire la « disparition »...) du Conseiller municipal genevois, et Constituant, PDC Michel Chevrolet a suscité un tsunami de réactions lacrymales. Cet impressionnant déferlement, en lequel quelques vagues de sincérité méritent tout de même considération et empathie, nous remet opportunément en mémoire cette bonne vieille règle de l'hypocrisie sociale basique : les gens dans le dos duquel on crache de leur vivant deviennent des saints et des héros après leur mort.

Les gardiens et les éducateurs de la Clairière (la prison genevoise pour mineurs) dénoncent: cette prison est une passoire. En moins d'un an, treize évasions (de notre temps, on appelait ça des « fugues »...) ont eu lieu. Tous les évadés ont finalement été repris, mais certains ont pendant leur cavale commis de nouveaux délits. Il n'y a que huit gardiens à la Clairière, pour une vingtaine de détenus, et encore : il n'y a en fait, sur place, que deux ou trois gardiens en permanence, et les éducateurs aussi sont trop peu nombreux pour pouvoir faire leur boulot correctement, d'autant que les détenus doivent être sortis de leur cellule au moins huit heures par jour (et non une seule, comme les détenus majeurs de Champ-Dollon). Réponse de l'Office pénitentiaire ? On va installer des blocs préfabriqués dans l'enceinte de la Clairière pour en faire des ateliers, on va hausser les grillages  et on va donner aux éducateurs une formation sécuritaire. Et engager des éducateurs supplémentaires, ça n'est venu à l'idée de personne ? C'est trop bienpensant ? Bon, ben va pour les grillages, les blocs préfabriqués et la formation sécuritaire.... ça ne changera pas grand chose, voire rien du tout, mais on aura fait quelque chose. C'est fou ce que la gestion des prisons pour mineurs ressemble à Genève à celle des prisons pour majeurs...

« Le droit de vote des étrangers, l'arme ultime (de Sarkozy) contre François Hollande », titre la « Tribune » de jeudi. Accorder le droit de vote aux étrangers résidant légalement en France depuis au moins cinq ans est une vieille proposition socialiste, reprise et réaffirmée par François Hollande dans son programme présidentiel, et soutenue, selon les sondages, par 60 % des Français (et une majorité du Sénat, qui a adopté une proposition en ce sens). Sarkozy et ses porte-flingues pensent néanmoins avoir trouvé là l'arme fatale à utiliser pour ratisser le vote Front National. Le ministre de l'Intérieur, Guéant, a agité le spectre de «conseillers municipaux étrangers rendant obligatoire la viande halal à la cantine»... Trouver pire que la Constituante genevoise, ça rassure, non ?



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