Présidentielles françaises : Une bonne chose de faite...

Quelle majorité pour Hollande ?

François Hollande a été élu à la présidence de la France par 52 % des suffrages : 52 %, c'est à la fois beaucoup et peu. C'est beaucoup, car la France reste, politiquement, majoritairement à droite (elle ne passe à gauche que lorsque la droite fait preuve d'une particulière incompétence, et ce fut le cas, et la gauche d'une forte unité, ce qui fut aussi le cas). Et c'est peu, en tout cas pas assez, pour garantir l'application d'un véritable programme de gauche. La majorité qu'à réunie François Hollande est une majorité composite : Il y a, évidemment, d'abord, et pour l'essentiel (45 des 52 % qu'il a réunis), les votes du « peuple de gauche ». Mais il y a aussi les voix de celles et ceux qui ont suivi François Bayrou dans son appel à voter pour le candidat de la gauche, et les voix de celles et ceux qui auraient voté pour n'importe qui, voire n'importe quoi, pour que « Sarko, dégage ! ». Tout cela fait une majorité électorale, pas encore une majorité politique. 


« Je sens monter une mobilisation que je n'ai jamais ressentie » (Nicolas Sarkozy, vendredi 4 mai)


Dans son discours à la Bastille, le nouveau président de la République française, le deuxième à être élu au suffrage universel sous les couleurs socialistes, a appelé à donner envie de changement à tous les peuples d'Europe qui veulent « en finir avec l'austérité ». Noble ambition, et il est vrai que la victoire de la gauche française, ajoutée à celle, plus relative, de la gauche de la gauche grecque, témoigne bien de cet envie de changement, et « d'en finir avec l'austérité ». Vous êtes plus qu'une volonté de changement, vous êtes déjà le changement, un mouvement qui se lève dans toute l'Europe, a ajouté François Hollande. Mais ce changement, cette volonté, ce mouvement, ne peuvent se résumer en une victoire électorale : il leur faut des moyens, des majorités, de la durée et de la cohérence entre les promesses de campagne et les actes de gouvernement. François Hollande a gagné son élection à la présidence, mais il n'a de majorité que celle, ponctuelle, de cette élection, et il sait bien que cette majorité tient pour beaucoup au rejet du sarkozysme.

A François Hollande aujourd'hui, comme à toute force politique qui arrive au pouvoir en ayant tenu un discours de changement, il faut plusieurs majorités : gouvernementale, parlementaire, populaire... Et cette dernière majorité, sur laquelle reposent toutes les autres, est la plus difficile à garder. Parce qu'elle exige que l'on fasse ce qu'on a promis de faire. François Hollande voit dans son succès la marque d'une volonté d'en « finir avec l'austérité » ? Il a raison. Mais cela l'engage d'abord lui-même, et son parti, et ses alliés, à eux-mêmes rompre avec la politique menée par leurs prédécesseurs. Et il ne peut suffire à cet engagement d'instiller dans les grands accords budgétaires nationaux et européens quelques éléments de « croissance » et quelques plans de « relance »...
Un « troisième tour » va se dérouler en France : celui des élections législatives. Il faut à François Hollande une majorité parlementaire, il faut à cette majorité parlementaire une véritable majorité populaire (le système français permet d'être majoritaire dans un parlement sans l'avoir été dans les urnes). Et il lui faut aussi une forte représentation parlementaire et un fort ancrage populaire d'une « gauche de la gauche» capable de s'unir pour peser sur les choix du PS et le retenir de céder à son vieux tropisme centriste. Car l'élection présidentielle a confirmé que l'axe gauche-droite reste structurant en France (comme d'ailleurs à Genève, très française en sa culture politique -il est vrai que depuis Rousseau, la culture politique de la gauche française est aussi très « genevoise »...). On est bien d'accord avec Jean-Luc Mélenchon de dire que la défaite de Sarkozy et de « son projet d'extrême-droitisation » est « une très bonne nouvelle pour la France et pour l'Europe », mais saluer la défaite de Sarkozy est une chose et c'en est une autre que faire de la victoire de Hollande le moment de la naissance d'une alternative aux politiques consistant partout à faire payer aux peuples le prix des erreurs de leurs dirigeants politiques et économiques. Cet « autre chose », l'alternative politique, sociale et économique, suppose bien plus qu'un nouveau président : un nouveau rapport de forces, un nouveau mouvement social, une nouvelle radicalité de la pensée et de la culture politiques.
L'élection de François Hollande est un grand et beau moment. Assez grand, assez beau pour qu'on ne l'oublie pas dans la déception, la désertion et les trahisons, comme d'autres grands et beaux moments de gauche avant lui.

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