Petits arrangements parlementaires entre faux ennemis politiques

Tous à la buvette !

En fin d'après-midi, ce mardi, s'ouvre la deuxième année de la « « législature » municipale en Ville de Genève. Et comme toute nouvelle année de « législature » elle s'ouvre par un vaste exercice de rotation des sièges au bureau du Conseil Municipal et dans les commissions. Un exercice policé, négocié, préparé, prédigéré : on sait qui sera le nouveau président du Conseil Municipal, qui siégera à ses côtés au Bureau du Conseil (vice-présidences, secrétariat) on sait qui sera membre des commissions. Tous les partis auront leur siège, et  chacun à son tour, leurs présidences de commissions. Tout est prévisible. Et ennuyeux au possible. Et hypocrite au possible. Comme une buvette parlementaire ou une « sortie » du Conseil Municipal...


Embrassons-nous, Folleville...


Il ne faut pas en croire les images, les bruits, les commentaires de la politique, même locale : on ne s'y affronte le plus souvent que le temps que ces affrontements sont offerts au public. Le haut lieu des séances parlementaires n'est pas la salle des plénières, mais la buvette, et l'on n'a pas sitôt cessé de se houspiller d'un banc à l'autre qu'on se précipite dans l'arrière-salle pour s'abreuver entre faux ennemis mais vrais compères. Il en va de même du partage des postes et des responsabilités au sein des parlements : les groupes politiques les plus opposés auront négocié un tournus leur donnant à chacun, le moment venu (et le moment finit toujours par venir) une ou deux présidences de commission, une présidence ou une vice-présidence du Conseil (Grand ou Municipal). Et les partis qui jouent à dénoncer le plus fort les connivences de la « classe politique » ne sont pas les derniers à prendre leur part de ce souk : les arrangements de début de législature entre groupes parlementaires (ou plutôt entre leurs chef-fe-s) ont ainsi accordé au MCG quelques présidences de commission sur lesquelles il n'a aucune intention de cracher, quelque posture de dénonciation des connivences politiques qu'il prenne par ailleurs : l'exercice expectorant est réservé au théâtre des séances plénières, et de préférence sur des cibles qui en sont absentes (Rroms, frontaliers, réfugiés, sans-papiers : le commun des boucs-émissaires).


Cette mécanique bien rodée n'exclut évidemment pas les petits calculs (elle s'en nourrirait même) : un socialiste succédant à une démocrate-chrétienne à la présidence, c'est, sauf en cas -rare- d'égalité des voix, une voix en moins pour la gauche et une voix de plus pour la droite. Un déplacement de deux voix sur 80, avec un rapport de force presque égalitaire entre la droite et la gauche au Conseil Municipal, ce n'est pas tout à fait négligeable. Mais bien sûr, il ne saurait y avoir d'élu, ni municipal, ni cantonal, ni fédéral, capable de s'abaisser longtemps à compter avec de telles trivialités... D'ailleurs, l'an prochain, le balancier repartira dans l'autre sens, la droite perdra une voix et la gauche en regagnera une.


Et c'est ainsi que tout à l'heure, dans la salle des séances du Conseil Municipal, un nouveau président sera élu avec les voix de la plupart de ses adversaires, le discours de la présidente sortante sera applaudi et la présidente sortante remerciée par tout le monde, les commissions seront composées avant de désigner leurs présidences selon un tournus négocié pour quatre ans.

Peut-être sont-ce là des conditions nécessaires au fonctionnement des institutions, mais même en ce cas, elle ne sont que cela : les conditions d'un mécanisme institutionnel. Et rien, sinon notre propre conformisme, ne nous oblige à prendre un mécanisme pour une éthique, pour de la civilité ce qui n'est que de l'hypocrisie et pour du consensus ce qui n'est que de l'inconsistance...

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