Développement de Genève : quand Hiler parle (presque) en salerno...


Développement de Genève : Hiler parle en salerno...

C'était mercredi dernier, au « Forum » de la radio suisse romande: David Hiler annonçait que le Conseil d'Etat proposait de ne plus accorder de cadeaux fiscaux pour essayer d'attirer des quartiers généraux d'entreprises multinationales à Genève, tout en s'en réservant la possibilité pour favoriser l'implantation de centres de recherches et d'unités de production. Le Conseil d'Etat entend ainsi répondre, par un contre-projet, aux initiatives fiscales socialistes -qu'il veut combattre, mais en faisant un (petit) pas dans leur direction. Un petit pas, mais accompagné d'un discours du ministre cantonal des Finances qui, par moment, se mettait à ressembler étrangement à celui, qu'il récusait, de son homologue municipale, Sandrine Salerno. Il commence à parler en salerno dans le texte, Hiler, et c'est plutôt une bonne nouvelle -même si cette langue lui reste encore un peu étrangère...


« laisser du temps au temps », pas en perdre


e gouvernement genevois entend donc opposer aux initiatives socialistes un contre-projet qui, au moins implicitement, admet quelques uns des présupposés les plus importants des propositions du PS. Et il était assez réjouissant d'entendre à la radio David Hiler évoquer le risque de « monoculture » économique induit par la prolifération à Genève de sièges de multinationales ne produisant rien localement (sinon, notamment, une hausse continue du prix des logements, qu'ils soient en location ou en vente). On n'est en effet plus très loin de la position du PS, défendue notamment par l'homologue municipale du ministre cantonal des finances, sur la nécesasité d'abandonner la pêche aux sièges de multinationales pour un soutien à des lieux de production et de recherche infiniment plus intéressant économiquement, pour peu que l'on privilégie une économie « utile », et réelle, à une économie virtuelle et spéculative...

Alors bien sûr, Goliath nie que le gouvernement ait effectué un « tournant » politique, puisqu'il reste opposé aux initiatives socialistes, notamment celle pour l'abolition des «forfaits fiscaux » (une initiative fédérale sur le même sujet a également été lancée par La Gauche -mais elle n'a pas encore abouti). Pas un « tournant » ? Voire... Le Conseil d'Etat admet en tout cas que l'arme des allégements qui « faisait sens » naguère ne le fait plus aujourd'hui, et qu'il convient d'en venir à une politique fiscale favorisant la diversité et la solidité du tissu économique genevois. Il lui aura fallu deux ou trois ans, et l'aboutissement de deux initiatives, pour en convenir -mais il en convient. Prudemment, parfois à demi-mot, et sans jamais aller jusqu'au bout du raisonnement qui le fait entrer en matière sur une partie des propositions de la gauche, mais on n'attendait pas de ce gouvernement qu'il admette d'un coup, d'un seul, la nocivité de la politique qu'il suivait jusqu'à présent. Que David Hiler se mette à parler le salerno en en soit une bonne nouvelle, même s'il ne le parle encore qu'imparfaitement. Reste qu'il lui faut encore répondre, et le Conseil d'Etat avec lui, un peu plus clairement à la question qui se pose à Genève avec une acuité particulière : quel développement économique, pour qui, et pourquoi ?

Car le type de développement économique qui a été choisi par Genève a des conséquences sur toute sa région : crise du logement pour les familles et personnes à bas et moyens revenus, crise de l'emploi pour les jeunes et pour les personnes dont la formation ne correspond pas aux champs d'action des entreprises attirées dans la région, paupérisation de la classe moyenne, précarisation des milieux populaires, sous-enchère salariale, mitage du territoire français (dispersion de l’habitat sur une grande superficie), explosion des mouvements pendulaires (y compris de ceux de la délinquance), accroissement des nuisances et de la pollution... L'une des principales causes de cette situation est le choix fait jusqu'à présent par le canton de Genève d'un développement économique fondé sur des activités «haut de gamme », exogènes, s'inscrivant dans une économie financière et globalisée et ne répondant ni aux besoins de la population résidente, ni aux expériences professionnelles de la population active, ni au savoir-faire spécifique de l'économie locale. De plus, ce choix est fait par une seule des composantes de la région, le canton de Genève, sans consultation de ses partenaires régionaux à qui il est objectivement imposé, et qui en subissent les conséquences.

Le gouvernement genevois semble (ou n'en ferait-il que mine, pour affaiblir le soutien populaire aux initiatives socialistes ?) commencer à admettre qu'un autre développement de Genève est non seulement possible, mais nécessaire : un développement qui n'accroîtrait pas les inégalités et ne provoquerait pas le mitage du territoire, un développement qui serait fondé sur la mixité et le pluralisme des activités, des secteurs économiques, des emplois et des populations, un développement qui profiterait à toutes et tous. On n'attendra pas de cette possible prise de conscience qu'elle se traduise immédiatement en une inversion radicale des choix politiques, mais on se permettra tout de même de considérer que, dans la vieille expression mitterandienne «laisser du temps au temps», « laisser » n'est pas synonyme de « perdre », et que le temps qu'on laisse peut être meublé d'autre chose que de discours.

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