Fonds de tiroir

La guerre des conteneurs aura-t-elle lieu à Genève ? On se souvient que le dispensable Eric Stauffer vient de proposer qu'on en installe près de l'aéroport pour y parquer, enfermés 23 heures sur 24, les étrangers expulsables récalitrants... et voilà que l'indispensable Noël Constant propose d'en installer une quinzaine, aménagés en unités d'habitation, pour loger des sans-abris, en compensation des places que son association, Carrefour-Rue, a perdues ces derniers temps. Y aura-t-il assez de conteneurs disponibles pour satisfaire à la fois aux pulsions de Gominator et aux besoins de notre Abbé Pierre à nous ? Euh, dis donc, à part ça,  Noël, t'aurais pas un truc pour loger Stauffer dans un conteneur en France voisine ?

A la rue de Carouge, près des Augustins, la Ville et les Services Industriels se sont livrés à un intelligent petit jeu : la première refait en mars l'asphalte et le marquage au sol de places de parkings, termine son boulot... et les SIG rouvrent la chaussée trois mois plus tard et bousillent le travail qui vient d'être terminé, pour changer les branchements de l'alimentation en eau.. On s'excuse, on s'est mal coordonnés, admettent les SIG. En effet. Va falloir pondre entre la Ville et le canton une « Déclaration d'intention pour la mise en oeuvre d'une politique concertée d'ouverture et de fermeture des tous dans la chaussée »... 

Donc, on est bien contents que nos deux ministres de la Culture, celui de la Ville et celui du Canton, Sami Kanaan et Charles Beer aient signé de leurs plus belles plumes une «Déclaration d'intention» (et de bonnes intentions) pour la «mise en place d'une politique culturelle concertée et renforcée » entre les collectivités publiques genevoises en général, entre le canton et la Ville en particulier, mais aussi avec les 44 autres communes. Et même les villes et les communes de la région hors du canton, puisque comme le relève Sami Kanaan, avec le développement de la région, on change d'échelle et on doit aussi sortir du face-à-face Ville-canton...  Et on est bien contents que nos deux camarades ministres « s'engagent à travailler de concert » (d'abonnement) en vue de «proposer de nouveaux modèles de gouvernance et de financement » pour quelques grandes institutions culturelles genevoises afin de les renforcer et de renforcer leur rayonnement: le Grand Théâtre, l'Orchestre de la Suisse Romande, le Musée d'Art et d'Histoire, la Nouvelle Comédie, la Bibliothèque de Genève etc... Ouais, on est bien contents. Mais un peu dubitatifs quand même. Parce qu'au bout du compte et des comptes, ces belles intentions, il va falloir les traduire en actes. Et en budgets. Et donc en dépenses. Ben oui, la politique culturelle, c'est pas gratuit. Et si on veut la mener ensemble, faut aussi être capables de la payer ensemble. Et quand Charles Beer déclare que «personne n'imagine qu'il y aurait des rôles nobles attribués aux uns et des rôles subalternes attribués aux autres», on se dit qu'au contraire, il doit y avoir bien des gens pour imaginer ce que Charles dit ne pas imaginer: que le « rôle essentiel »  que la Ville gardera, comme l'assure Sami, ça pourrait bien être dans la tête de ces gens-là (car chez ces gens là Monsieur, on ne paie pas, Monsieur, on ne paie pas : on dirige...) celui, précisément de payer pour des décisions prises par d'autres... 

La Municipalité de gauche de Lausanne a adopté un contre-projet à une initiative municipale de droite visant à interdire la «mendicité par métier» (une initiative pompée sur la loi genevoise, de droite elle aussi, mais si inefficace et encombrante que Genève ne sait pas comment s'en débarasser). Le contre-projet de la Municipalité lausannoise n'interdit pas globalement la mendicité comme à Genève, mais exige qu'elle ne soit pas insistante, l'interdit aux mineurs et l'exclut de toute une série d'endroits qui couvrent la quasi totalité du centre de la ville : elle serait interdite dans un rayon de cinq mètres autour des entrées des commerces, des cafés, des restaurants, des hôtels, des théâtres, des musées, des administrations publiques et des appareils prenant ou distribuant de l'argent (horodateurs, bancomats etc...) ainsi que sur les marchés, dans les transports publics, à leurs arrêts, dans les cimetières (et à leurs entrées), dans les lieux de culte (mais pas à leurs entrées), sur les aires de jeux, dans les parcs et les jardins publics -bref, partout où elle serait «  de nature à troubler l'ordre et la tranquillité publics » ou à entraver la circulation. C'est-à-dire dans quasiment la totalité du centre-ville, et dans la moitié de la ville. Titre du projet municipal : «  Restreindre la mendicité sans criminaliser la pauvreté » . On aurait pu ajouter : « et en incitant les pauvres à prendre de l'exercice »  en marchant dans la ville sans s'arrêter pour mendier. D'ailleurs, y'a qu'à les regarder, sont trop gros, les pauvres. Faut qu'ils bougent. 

Le 15 juin, le Conseil National, debout, a fait une belle ovation à la Dame de Myanmar, Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, en visite en Suisse après 24 ans d'assignation à résidence dans son pays, par la junte militaire au pouvoir. Quelques heures auparavant, le même Conseil National avait, à une grande majorité (droite et extrême-droite confondues) voté un énième démantèlement du droit d'asile. La droite et l'extrême-droite suisses aiment les droits humains et soutiennent celles et ceux qui les défendent. Mais ailleurs. Le plus loin et le plus tard possible.


Esther Alder, qui devait être Maire de Genève en 2014-2015, ne le sera pas. La Verte passe son tour, et laisse son année de Mairie à son collègue socialiste Sami Kanaan, qui pourra ainsi incarner la Ville lors des célébrations du bicentenaire de l'entrée de Genève dans la Confédération Helvétique. Parce qu'il parait que ça doit se fêter. La droite municipale n'est pas contente de se passage imprévu de témoin : elle y voit paraît-il une forme d'« amateurisme ». Ouais. Mais est-ce que ce qu'il l'emmerde surtout, ça serait pas plutôt que le Maire de la Ville soit socialiste au moment des élections municipales ? C'est pas qu'elle en veuille particulièrement à Sami, non, c'est même pas qu'elle veuille le priver de la possibilité d'être Maire, non. C'est seulement qu'elle préférerait qu'en 2015, il soit Maire de Beyrouth plutôt que de Genève...

Genève est toujours la 5e ville du monde la plus chère pour les expatriés, selon une étude du cabinet britannique Mercer. La ville la plus chère du monde est la capitale japonaise Tokyo, elle détrône Luanda, qui reste deuxième, suivie d'Osaka, Moscou et Genève Et Zurich pointe au 6e rang. Karachi au Pakistan reste la ville la moins chère des 214 étudiées, le coût de la vie y est trois fois moins élevé qu'à Tokyo. L'enquête prend pour référence la ville de New York. Elle est fondée sur le coût du transport, de la nourriture, de l'habillement, des loisirs, des appareils ménagers et du logement, « souvent la dépense la plus importante pour les expatriés », précise le texte. Dont l'auteur doit donc bien connaître Genève. N'empêche, puisque des expat's continuent à venir, ça fait plaisir d'apprendre qu'on continue à nous aimer malgré notre cherté. Qui n'est au fond que la juste mesure de notre valeur, s'pas ?  D'ailleurs, ne dit-on pas que quand on aime, on ne compte pas ? A condition bien sûr d'en avoir les moyens...

Dans le paquet de bulletins pour l'élection complémentaire au Conseil d'Etat, le 17 juin, le plus rigolo est certainement celui de la liste N° 24 : «Association de sauvegarde de la nature des parcs, des villas, des zones agricoles, sportives et de forêts». Zêtes sûrs que vous avez rien oublié, les gars ? rien pour les terrains vagues ? Rien sur les marigots, les nants, les étangs, le lac, les rivières ? Avec quoi il va remplir le verre qu'il va jeter à la figure de ses contradicteurs, votre candidat ? (ah oui, on a oublié : pour sauver les parcs, les villas, les zones agricoles, sportives et de forêts, faut voter Stauffer... le candidat de l'état de nature à l'état brut, quoi...)

Une enquête réalisée par la Déclaration de Berne le révèle : la plupart des tenues de travail portées par les employé-e-s suisses (mais aussi vraisemblablement des uniformes de l'armée suisse) sont fabriquées en Macédoine par des couturières ne gagnant que l'équivalent de 122 francs par mois, cinq fois moins que le minimum vital. Coop et Migros, en particulier, se fournissent en Macédoine. La Poste, elle, se fournit en Inde et en Chine mais assure imposer à ses fournisseurs un code éthique garantissant un minimum salarial. Connaissant le respect que les patrons des ateliers textiles indiens et chinois cultivent à l'égard des codes éthiques en général, et la haute estime qu'ils portent à la poste suisse en particulier, on ne doute pas du bonheur de leurs ouvrières. Quant aux tenues de travail fabriquées en Macédoine par des ouvrières surexploitées, on est sûrs que les entreprises suisses qui les achètent n'auront aucune gène à nous expliquer qu'elles font ainsi œuvre de coopération au développement et qu'elles sont très fières de donner du travail à des femmes qui sans cela seraient chômeuses. C'est vrai, quoi : y'a toujours pire que les situations dont on profite, et elles devraient remercier les clients suisses de leurs patrons, les petites mains macédoniennes à 122 balles par mois... déjà qu'on leur donne du boulot, elles veulent pas en plus qu'on les paie correctement, non mais, Tito est mort, quand même...

On s'en souvient : sur le déclassement des terrains des Cherpines et des Charrotons, l'année dernière, Verts et Socialistes s'étaient assez méchamment écharpés, genre guerre du logement contre le cardon et réciproquement... Ben c'est fini, on a fait la paix, on a même pondu une « feuille de route » (de base) commune, insistant notamment sur la nécessité de mener une politique d'acquisition de terrains par les communes et le canton, grâce à l'usage du droit de préemption, afin de construire ou de permettre la construction (en droit de superficie) de logements bon marché, alors que l'illustre Mark Muller, ci-devant Conseiller d'Etat sortant et sorti, voulait laisser faire (ou ne rien faire) les privés. Et donc, Verts et Roses se sont mis d'accord pour que le déclassement que les premiers combattaient et les seconds soutenaient, et qui a finalement été accepté par le peuple, serve à quelque chose d'utile. Unitaires, on est, en ce moment, on vous dit. Uniterre arable, même.

A la fin de la semaine dernière, deux maîtres chanteurs français qui tentaient d'extorquer six millions de francs à la banque privée genevoise HSBC en affirmant détenir des documents confidentiels de la banque ont été arrêtés, à grand renfort de dépoiement policier franco-suisse. la Fondation « Genève Place Financière » assure que ce type de chantage reste exceptionnel à Genève. C'est vrai, d'habitude, le chantage, ce sont plutôt les banques qui le pratiquent à l'égard des Etats pour recevoir une aide autrement plus massive que les malheureux six millions que nos pieds-nickelés tentaient d'obtenir de la banque...

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