Fonds de tiroir


Vendredi, la majorité du Conseil National a décidé de renoncer à soumettre au peuple, en guise de contre-projet à l'initiative  « Minder » (du nom de son auteur) contre les rémunérations abusives des hauts dirigeants d'entreprises, un projet de loi accroissant la charge fiscale des salaires équivalant en un an à celui d'une vie entière d'ouvrier spécialisé. Puis, l'initiative étant ainsi laissée sans contre-projet, la majorité de droite va exercer une pression maximum sur Thomas Minder pour qu'il retire son initiative, le peuple ne pouvant plus alors ne se prononcer sur rien. Explication de cette entourloupe : tous les sondages prédisaient une acceptation par le peuple, voire les cantons, de l'initiative Minder. Et les commis politique du gtand patronat ne voulaient courir ni ce risque, ni même celui de voir le peuple accepter une loi augmentant les impôts des grands patrons. Et donc, on renonce à présenter un contre-projet, on fait pression pour le retrait de l'initiative et on concocte un projet de loi acratopège... Ah, au fait, une question : qu'ont voté les grands défenseurs udécistes du droit du peuple de se prononcer sur tout ? Ils ont quand même pas voté pour le droit des grands patrons à préserver leurs salaires et bonus d'un vote populaire ?

C'était du Mark Muller tout craché : une loi adoptée en juillet 2010 par le Grand Conseil, sur la base d'une proposition du Conseil d'Etat datant de 2007, instituant une taxation de 15 % sur les plus-values foncières lors de vente de terrains constructibles, n'a toujours pas été appliquée, faute du réglement d'application. Il avait déjà fallu attendre trois ans pour que le projet de loi soit transmis au parlement, le rapporteur, le député libéral et secrétaire général de la Chambre Immobilière Christophe Aumeunier (tu dors) ayant délibérément fait traîner son rapport pendant quinze mois... il suffisait dès lors que le Conseiller d'Etat d'alors, Mark Muller, traîne lui aussi les pieds pour que cette loi gênant les milieux immobiliers reste inapplicable... Ben oui, quoi, on est à Genève : on est rapides pour taxer les mendiants, nettement moins pour taxer les propriétaires... pis d'abord, zont qu'à être propriétaires, les mendiants, on leur lâchera la grappe...

Double page dans le dernier «Matin Dimanche» sur la solitude de la ministre de fond, en l’occurrence Simonetta Sommaruga, encerclée par la droite parlementaire et assistant sans broncher au démantèlement du droit d'asile (à commencer par la suppression de l'aide sociale aux requérants). Commentaires pas trop surpris de quelques élus socialistes aux Chambres fédérales : « Elle a été formatée pour le compromis. Elle n'a jamais été dans la combativité » (Cesla Amarelle)... « elle n'a jamais été revendicatrice » (Maria Roth-Bernasconi)... « je l'ai toujours vu prête à aller au-devant de la droite pour négocier au lieu de commencer à se battre » (Didier Berberat)... Voui, elle est peut-être comme ça, Simonette, mais en même temps, c'est pas justement parce qu'elle est comme ça que  la droite l'a élue au Conseil fédéral ? Et d'ailleurs, qui l'y a présentée ?

 Dimanche dernier, à Genève, une initiative populaire lancée par la gauche « Pour une véritable politique d'accueil de la Petite enfance » était soumise au vote, concurremment à un contre-projet minimaliste soutenu par le gouvernement et la majorité parlementaire. L'initiative a obtenu 57,7 % des suffrages, le contre-projet 53,5 % (on peut voter deux fois « oui »). L'initiative a donc obtenu des milliers des suffrages de plus que le contre-projet. Et lequel des deux textes a finalement été décrété adopté ? Ben, celui qui a eu le moins de suffrages, vu qu'à la question subsidiaire posée aux votant-e-s (lequel des deux textes préférez-vous ?), ceux qui ne voulaient rien faire pour la petite enfance ont évidemment fait pencher la balance en choisissant le texte qui proposait d'en faire le moins. C'est bô, la démocratie directe... « les partisans de l'initiative hésitaient hier entre une franche satisfaction et le sentiment diffus d'avoir été floués », écrit la « Tribune » de lundi. Pourquoi « diffus » ?

« C'est avec tristesse et émotion que le Conseil d'Etat a appris le décès à Genève du prince héritier du Royaume d'Arabie saoudite, Nayef ben Abdel Aziz », nous apprend le point de presse d'hier du Conseil d'Etat. Qui nous présente ainsi le défunt : «Le prince Nayef Ben Abdel Aziz avait une intelligence visionnaire qui lui a permis de diriger pendant près de quatre décennies le ministère de l'Intérieur de son pays ». En fait, le prince était un ultraconservateur, opposé à toute ouverture démocratique même de façade, et qui avait la haute main sur l'appareil répressif, et brutal, du régime wahabite. Mais ça, on ne peut évidemment pas le dire comme ça. Alors on le dit comme ça :  « Le Conseil d’Etat a tenu à assurer les représentants du Royaume d’Arabie saoudite à Genève de sa profonde compassion dans l'épreuve qui frappe ce pays et a souhaité exprimer la haute estime dans laquelle il tenait le prince héritier, ami fidèle de la Suisse et de la Genève internationale ». Voilà. Et puis, c'est bientôt les Fêtes de Genève, haut lieu vacancier des familles royales et sultanales du Golfe, et de leurs harems. Et c'est pas le moment de fâcher des touristes aussi friqués... Allez, Mektoub... Ou plutôt : « Ah ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates, à la lanterne... »...

On allait quand même pas laisser la droite municipale jouer toute seule dans l'antichambre du bac à sable et se résigner à devoir choisir entre un PLR acratopège et un UDC catho intégriste : à l'élection partielle au Conseil administratif de la Ville de Genève, début novembre prochain, fallait que quelqu'un à gauche se dévoue, et en fait, y'avait qu'elle à pouvoir tenter un truc pareil, bref, Salika Wenger est candidate, pour «une candidature de combat» soutenue par le Parti du Travail... On se gardera bien de préjuger du soutien qu'apporteront ou n'apporteront pas les autres forces de gauche à la candidature de la Kahina, mais on ne se privera pas du plaisir de dire qu'elle nous réjouit. Et que l'idée de voir Salika présider au département en charge de la police nous réjouit encore plus... Et que finalement, l'élection de Maudet au Conseil d'Etat, c'est pas une catastrophe aussi catastrophique qu'on l'a cru si ça a ce genre de conséquences en Ville...

L'UDC genevoise a enfin réussi à faire aboutir une initiative populaire cantonale. Sur une connerie, d'accord, mais bon, c'est l'UDC... donc, son initiative pour une traversée de la rade en tunnel entre l'avenue de France et le Port Noir, en zone urbaine, a abouti. Un texte semblable avait été lancé par le parti en 2009, mais n'avait pas abouti, faute de signatures. On devrait donc voter sur un projet auquel même les partisans d'une traversée routière de la rade genevoise ont renoncé : celui d'effectuer cette traversée en zone urbaine, sur le territoire de la Ville de Genève, avec creusement d'un tunnel sous la rade d'abord, puis du Port Noir à la route de Malagnou. Une grosse daube dont même le TCS ne veut plus...  surtout parce qu'elle craint que le vote sur cette proposition, s'il est (comme il sera vraisemblablement) négatif ne plombe lourdement le projet qu'il soutient, avec la droite et le Conseil d'Etat, d'une traversée routière plus au large de la ville...

Drame à Genève : le gérant de la buvette du Grand Conseil et du Conseil Municipal « claque la porte» (c'est le GHI de mercredi dernier qui nous l'annonçait) pour dénoncer le «  harcèlement » dont il prétend faire l'objet de la part de la police du commerce... Mais alors, si y'a plus de buvette, où est-ce que la majorité des élu-e-s de nos parlements vont faire de la politique et s'entrecongratuler après avoir fait mine de s'opposer en plénière quand la télé les filme ? 

Le peuple va pouvoir voter sur l’initiative populaire fédérale « pour une caisse maladie publique ». La Chancellerie fédérale a validé 115’841 des 116’594 signatures déposées, a-t-elle annoncé jeudi. L’initiative prévoit la création d’une institution nationale d’assurance maladie unique avec des agences cantonales qui détermineront les primes et les encaisseront. La gauche, les syndicats, des associations de défense des patients et de consommateurs l’ont lancée pour mettre fin à ce qu’ils estiment être une fausse concurrence entre les 80 caisses privées actuelles. En 2007, les Suisses avaient déjà été appelés à se prononcer sur un système de caisse unique et l’initiative avait été balayée par 71,2% des votants.  L’ancien projet incluait des cotisations dépendantes du revenu, et la droite et le lobby des assurances avaient fait furieusement campagne sur ce seul aspect du projet, en affirmant que cela entraînerait une hausse des cotisations pour la majorité des assurés. C'était faux, mais ça avait marché. Du coup, la nouvelle initiative ne reprend pas cette exigence de solidarité élémentaire. C'est plus prudent, sans doute, mais c'est dommage. Enfin, on fera avec ce qu'on nous propose, on a l'habitude, et ce qu'on nous propose là sera déjà mieux que le souk actuel...

Plus d'un-e salarié-e sur dix en Suisse, soit 368'800 personnes, occupe un emploi à bas salaire, c'est-à-dire rémunéré à moins de 3986 francs brut par mois (les deux tiers du salaire médian national). Dans plus des deux tiers des cas, ces 275'000 emplois à bas salaires (qu'on trouve surtout dans l'hôtellerie, la restauration, le commerce de détail, le nettoyage et l'agriculture, et souvent dans des secteurs sans convention collective de travail) sont occupés par des femmes, et près d'une salariée sur cinq reçoit un bas salaire. Voilà, c'était nos nouvelles de l'Eldorado helvétique.

Les personnes de plus de quinze ans étaient deux fois plus nombreuses en 2010 qu'en 2000 à se dire « sans appartenance religieuse » (ce qui ne signifie cependant pas qu'elles sont athées) en Suisse (1,3 million de personnes, soit 20,1 % de la population contre 664'000, 11,4%), selon le recensement fédéral 2010. Les « sans appartenance religieuse » sont le premier groupe de population définie selon la religion (ou l'irreligion) en 2010 à Neuchâtel et Bâle-Ville, où ils représentent respectivement 37 et 42,2 %. D'entre celles et ceux qui se réclament d'une religion, les chrétiens restent largement dominants, avec notamment 30,9 % de protestants et 38,8 % de catholiques romains, mais leur part diminue (3,2 points de moins pour les protestants, 3,4 pour les catholiques) au profit surtout des « sans religion », et accessoirement des musulmans (4,5 % de la population en 2010, plus 0,9 point en dix ans -moins que la progression apparente de l'islamophobie). Ouais, ben rester anticléricaux et irreligieux dans ces conditions, c'est presque déjà, en Suisse, croire à la nécessité de combattre les fantômes. Il a bon dos, le vieux Voltaire, avec son « écrasons l'infâme » des temps héroïques : comment écraser ce qui s'éclaffe tout seul ? Tout fout le camp, on vous dit...

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