Vers une initiative populaire visant à « garantir la pluralité de la presse » ?


Pas de politique sans presse politique !

Une commission du Parti socialiste suisse planche paraît-il sur une éventuelle initiative populaire visant à  «garantir la pluralité de la presse», face aux monopoles qui, dans plusieurs régions, se sont installés dans la presse quotidienne. Le sujet est piégeux : si on n'inclut pas les media audiovisuels (la SSR et les télés et radios privées) et électroniques (internet) dans une réflexion politique sur les media, celle-ci risque fort de ne répondre qu'aux angoisses posthumes de Thophraste Renaudot. Surtout s'agissant de la presse politique, et d'entre elle, de la presse de gauche. Qu'en reste-t-il, et quelle volonté susbiste de la maintenir ou de la faire renaître ?


La liberté de la presse ne s'use que quand on ne s'en sert pas. Sur écran ou sur papier.


La liberté d'expression, comme le pluralisme politique dont elle est la condition, a besoin de media libres, non censurés, porteurs de toutes les cultures et de toutes les opinions politiques, liés ou non à des partis, mais en tous les cas indépendants des puissances économiques et financières. Or nous sommes en Suisse dans une situation de concentration croissante des titres et des éditeurs de la presse écrite, avec un duopole Tamedia-Ringier laissant peu de place aux titres indépendants, encore moins de place aux expressions dissidentes (sauf à celles qu'il plaît à ce duopole de laisser s'exprimer dans ses propres pages), et presque plus de place à la presse ouvertement partisane. Dont, évidemment, la presse de gauche, dont la situation ici ne diffère guère de celle qui lui est faite dans le reste de l'Europe (dernier épisode navrant en date : la disparition annoncée, du moins sous sa forme imprimée, du quotidien italien Il Manifesto, fondé en 1969, un peu comme Libération en France, par des intellectuels et des militants de la gauche révolutionnaire critiquant l'intégration institutionnelle du PC -Liberazione, l'organe de presse de ce qui reste du PC, Rifondazione communista, a d'ailleurs cessé de paraître...)

Il n'y a plus aujourd'hui de quotidiens de partis de gauche en Suisse, et il n'y a plus qu'un seul quotidien ouvertement de gauche (sans être lié à une formation politique : Le Courrier. Cela ne signifie certes pas que les prises de positions, les propositions, les débats de la gauche soient absents des media en général, et de la presse écrite en particulier -mais cela signifie qu'ils n'y sont présents que relayés par d'autres et au bon plaisir d'autres. Lorsque la grande presse de droite traite de la gauche, elle le fait avec ses présupposés de droite. Et lorsque les media tenus par la loi à l'impartialité (ceux de la SSR) rendent compte de positions de gauche, c'est en s'obligeant à une équivalence avec des positions de droite, quels que soient les contenus de ces prises de positions respectives, en donnant  le même écho à un discours xénophobe et à un discours solidaire, comme s'ils étaient également légitimes. Cette égalité formelle, qui profite à la gauche puisque, même minoritaire électoralement elle se retrouve à poids égal dans les media sous contrôle public, n'en est pas moins la négation du débat politique en tant que débat dialectique, dès lors qu'on n'a plus affairei à une contradiction de points de vue, mais à leur addition -comme on a affaire à une addition des tapinages marchands dans les blocs de publicité télévisée.

On ne retrouvera plus en Suisse les temps glorieux de la presse de gauche, les temps du Travail de Léon Nicole ou de la Libera Stampa de Guglielmo Canevascini. Mais on peut inventer un temps où le discours de la gauche, toutes organisations confondues- se fasse entendre, à nouveau, indépendamment des grands media « bourgeois » et des media audiovisuels publics. Ce discours indépendant, cette présence de la gauche par ses propres media, implique un effort pour maintenir le vieil outil du papier et les journaux de gauche existants (Gauche Hebdo, solidaritéS, Pages de Gauche, Causes Communes etc...), mais aussi une utilisation des nouveaux media, ceux de l'internet : les pages web, les réseaux sociaux, les blogs, les newsletter électroniques comme la nôtre.... Parce que tout cela, c'est aussi de la « presse ». Une presse sans presse d'imprimerie, mais toujours nécessaire à la gauche, à moins qu'elle ait renoncé à se faire entendre autrement qu'en en sollicitant poliment l'autorisation des grands éditeurs privés et des grands media publics, en devant calibrer son message et son discours à ce que ces éditeurs et ces media sont capables et désireux, de diffuser.

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