Conseil Municipal de la Ville de Genève : Vous reprendrez bien un doigt de démagogie ?



Conseil Municipal de la Ville de Genève : après une heure d'un débat inutile sur une demande superfétatoire de traiter en urgence une motion démagogique (du MCG sur la présence de dealers aux abords des écoles des Pâquis), le Conseil Municipal passe au vote. L'urgence est acceptée, à deux oppositions (de gauche) près. Les deux outrecuidants, qui ne voyaient pas l'urgence qu'il pouvait y avoir à enfoncer des portes ouvertes, se font accuser par les trépanés d'en face d'être « actionnaires des dealers », le nervi MCG y ajoutant une grotesque mise en garde : « on a des amis dans la police » (ce qui n'est pas à l'honneur de cette dernière, même si nous aussi on a eu le temps, en quarante ans de militantisme, de s'en faire, « des amis dans la police »). La soudaine et incontrôlable raideur du majeur de la dextre d'un des deux dissidents achevant de mettre en fureur les excités d'extrême-droite, le tout s'est comme à l’accoutumée conclu par une suspension de séance...

Du bon usage politique des dealers

Au-delà, ou plutôt derrière, l'exposition et l'expression sur le théâtre politique des postures et des déclamations des uns et des autres, il y a une réalité que ni ces postures ni ces déclamations ne permettent d'appréhender. S'agissant de la présence de dealers dans nos quartiers, cette réalité découle de trois évidences, la première étant qu'à chaque fois que vous interdisez l'échange commercial d'un produit, vous créez un trafic de ce produit : interdisez l'alcool, vous avez des dealers de Ganay. La deuxième évidence est que ce deal et ces dealers se concentrent dans les villes, parce que les consommateurs s'y concentrent : ce n'est pas à Gy que le deal de cannabis, de cocaïne ou d'héroïne va se faire. La troisième évidence est qu'une ville-frontière attire les vendeurs et les acheteurs d'au-delà de la frontière, en sus de ceux de l'intérieur de la frontière. Il se trouve que la commune, ni d'ailleurs le canton, n'a pas la compétence de rompre le marché des drogues en les décriminalisant; il se trouve aussi qu'elle n'a pas les moyens (et le canton ne les a pas non plus) d'assigner au deal un espace éloigné du centre-ville : lorsque les dealers sont chassés d'un quartier par une opération de police, on les retrouve dans le quartier d'à côté. Il se trouve enfin que ni la commune ni le canton ne peuvent déplacer la frontière. Bref, on sait pertinemment que s'agissant du commerce des drogues et de la présence de leurs commerçants et de leurs consommateurs dans l'espace public, on ne peut aujourd'hui, en l'absence d'une véritable volonté politique de rompre avec leur prohibition, que gérer l'insupportable. Or cette évidence n'est pas «porteuse», politiquement parlant. Ce qui est porteur, c'est l'appel à la police. Une police, cantonale ou municipale, déjà surchargée de tâches absurdes (la chasse aux mendiants, par exemple) et dont les effectifs opérationnels pour une véritable présence permanente et préventive sur le terrain sont dramatiquement insuffisants, et un appel purement déclamatoire puisque ceux qui le lancent seront les premiers à refuser le budget (et toute augmentation d'impôt) finançant une augmentation des effectifs de la police et des autres institutions publiques dont la présence sur le terrain peut seule en préserver de la présence des dealers et des consommateurs des espaces comme les écoles.

Des partis comme le MCG, construisant leur succès sur cette impuissance face au deal et sur les nuisances subies par la population, n'ont aucun intérêt à ce que ces nuisances disparaissent : ils en vivent, ils y prospèrent et il est dès lors parfaitement logique que leurs propositions se résument à les déplacer d'un quartier à l'autre, des Pâquis à Plainpalais, de Plainpalais aux Eaux-Vives et des Eaux-Vives aux Pâquis, cette transhumance des dealers (et des consommateurs) assurant aux parasites politiques qui les exploitent une véritable rente de situation. Parce qu'enfin, de quoi sinon de la bouillasse insécuritaire qu'ils touillent pourraient-ils tirer quelque succès politique que ce soit ? de leur charisme personnel ? de leur intelligence ? de leur imagination ?
Vu la qualité des interventions entendues hier soir au Conseil municipal, leur hauteur de vue et le nombre considérable de spécialistes autoproclamés des problèmes sécuritaires en général, et de celui du trafic de drogue en particulier, on se réjouit par avance du débat qui s'annonce : la surenchère de démagogie sécuritaire à laquelle tous les groupes se livrent, chacun à sa manière, présage d'un bel exercice vitupérant au terme duquel un vote en forme d'enfonçage de portes ouvertes interviendra (un vote «sur le siège», c'est-à-dire sans renvoi en commission -mais il est vrai que c'est bien «  sur le siège», pour ne pas dire sur le trône,  qu'on peut généralement faire le plus logique usage des propositions du MCG), sur une proposition aussi sonore que creuse, et à laquelle on s'opposera pour se retrouver à nouveau injurié et menacé par la harde.

 Convenez qu'en de telles conditions de débat, un petit geste en dit parfois plus qu'on long discours, et qu'un doigt donne après tout une juste (quoique généreuse) mesure du respect que l'on  peut, aujourd'hui, à Genève, accorder au MCG.

Commentaires

Articles les plus consultés