Rapport sur les transports publics genevois : L'arrogance et l'autisme



Le Maire de Genève, Rémy Pagani, a rendu public le rapport de deux experts mandatés en mai dernier, le sociologue Vincent Kaufmann et l'urbaniste Antoine Messer, rapport titré « Analyse critique et propositions d’amélioration du réseau de tram genevois ». Un rapport accablant, qui démonte toute l'argumentation développée, il est vrai à grand' peine, par les auteurs, les metteurs en oeuvre et les responsables politiques du changement du système d'exploitation du réseau des trams genevois -et, en conséquence, de tout le réseau des transports publics de la République. Le rapport Kaufmann/Messner est une pièce à charge, qui révèle l'arrogance de technocrates persuadés, ou se persuadant, de savoir toujours mieux que les gens ce qui est bon pour les gens, et l'autisme de politiques qui ne veulent rien entendre des protestations et des demandes des utilisateurs du service public.


Répondre aux besoins des gens ou emmerder le monde ?

Choix techniques abscons, absence d'étude préliminaire sérieuse des demandes des usagers, conception absurde des « pôles de transbordement », insuffisance de l'offre, lenteur des parcours, refus de séparer strictement et généralement les voies de transport publics, fussent-elles ferrées, des voies de transport automobile : « le réseau de trams genevois semble être la somme hasardeuse de l'ensemble d'options techniques arrêtées sans concertation et sans vision », assène le rapport -et c'est en effet le moins qu'il pouvait constater.
Certes, l'une des raisons historiques de cette cacade est le retard pris pendant les quatre décennies qui ont séparé la mise à mort du réseau des trams (à la seule exception de la ligne 12) et la reconnaissance, tardive, de la nécessité de le rétablir. Mais à partir du moment où l'on se résolvait enfin, à refaire ce que l'on avait stupidement défait pour complaire au fétichisme automobile, le moindre des efforts nécessaire eût été de réfléchir avant d'agir, et de consulter avant de décider. Ce ne fut pas fait, ou du moins pas fait avec le volontarisme et la rigueur nécessaires.
Les atouts de Genève rendent cette incompétence inexcusable. Car Genève avait, et a toujours, les moyens de se doter d'un réseau de transports publics correspondant aux besoins de sa population (et de celle de sa région). Ellle en avait (et en a toujours, à défaut d'avoir la volonté de les utiliser à cela) les moyens financiers, son territoire restreint permet plus aisément qu'ailleurs d'atteindre cet objectif, que la densité de la population du canton, et plus encore de la ville-centre, devrait rendre prioritaire, et que semble prendre en compte la volonté politique affichée des gouvernants, quelque pusillanimité que recouvre cet affichage.

Mais répondre aux besoins des usagers, c'est trop compliqué, semble nous dire la Conseillère d'Etat. Ces besoins sont pourtant clairement exprimés : Comme le demande l'Association Transports et Environnement (ATE), ce ne sont pas trois, mais cinq lignes de trams qui devraient être en service à Genève, afin de relier directement à la rive droite (à la gare, en tout cas)  les zones de la rive gauche qui n'y sont pas reliées actuellement (en particulier Carouge et Moillesulaz et les Trois-Chênes). La Ville de Genève, qui a commandé l'étude, devrait (on le lui demandra) exiger la rétablissement d'une ligne de ceinture (en tram, même hippomobile...) sur son propre territoire, les villes de Carouge et de Chêne Bougeries demandent le rétablissement des lignes 1e et 16, le rapport considère qu'une liaison entre Moillesulaz (puis Annemasse) et Cornavin (puis Cointrin) est indispensable...
Il faudrait en outre, et plus urgemment encore, régler les feux de signalisation et les priorités pour que les transports publics aient, systématiquement, la priorité sur les autres usagers de la voirie : l'un des clefs de leur capacité à atteindre l'objectif de « transfert modal » est en effet leur « vitesse commerciale », et leurs temps de parcours.
Enfin se posera toujours la fort gênante question des tarifs, et donc celle de la gratuité des transports publics. On nous sait y tenir -et même la pratiquer. Mais en mettant au jour l'arrogance des technocrates et l'autisme des politiques, le rapport, au moins indirectement, délégitime pour longtemps toute tentative d'augmenter le prix pour les usagers d'un service détérioré, confus, inefficace. Et a contrario, légitime toute revendication d'instaurer pour ce service une gratuité qui est par ailleurs le seul mode concevable de son accessibilité financière par tous. Et sur ce point pas plus que sur les autres, on ne désarmera pas.

Répondre aux besoins des usagers, c'est trop compliqué?  Il est vrai qu'emmerder le monde, c'est plus simple. Mais on s'autorisera à attendre un auitre résultat du travail d'autorités démocratiquement élues, et de spécialistes grassement payés.

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