Et blanc, passe-moi l'éponge !

Comme un clou, un vote chasse l'autre...

Or donc, trois semaines après avoir voté (en Ville) sur un projet d'essai de zones piétonnes, on votera dans le canton sur un projet de nouvelle constitution, avant, trois semaines plus tard, de revoter (en Ville) pour désigner celui (ou plutôt celle) qui s'asseoira dans le fauteuil municipal, encore tout tiède, qui fut celui de Pierre Maudet. La démocratie, dans ce coin de pays, ne débande pas. On frise même le priapisme politique. Mais bon, puisque nous y sommes conviés, parlons (ou plutôt reparlons) du scrutin constitutionnel du 14 octobre. Sur l'air du petit vin blanc :
« Ah le petit vote blanc,
qu'on dépose dans les urnes,
on en a plein les burnes,
de leurs constitutions »...


« Je suis en République, et pour roi j'ai moi-même » (Victor Hugo)


Pour Rousseau, la démocratie suppose des citoyens informés, conscients de ce qu'ils décident et sachant sur quoi ils se prononcent. Citoyens informés et conscients (puisque vous nous lisez). vous avez donc lu le projet de nouvelle constitution genevoise que nous propose l'assemblée élue il y a quatre ans pour nous en pondre un, et vous avez également lu la constitution actuelle que ce projet remplacera s'il est accepté, ou qui restera en vigueur s'il est repoussé. Vous savez donc que voter dans deux semaines. Et si vous savez sur quoi s'était engagé le parti pour lequel vous aviez voté lors de l'élection de l'assemblée constituante, quelles étaient ses propositions et lesquelles de ces propositions étaient suffisamment importantes pour que leur acceptation par la constituante conditionne le soutien du parti au projet de nouvelle constitution, c'est encore mieux : non seulement vous savez ce que vous allez voter, mais vous savez même pourquoi vous allez le voter. Rien ne serait pire en effet dans un tel scrutin qu'un vote par discipline, Un vote produit parce qu'on vous a dit de le produire. Un vote stupide, en somme.

Nous voilà donc face à deux textes dont chacun est présenté par ses partisans respectifs contre les partisans du texte d'en face, comme « rassembleur ».
Un texte «rassembleur», la nouvelle constitution ? Rassembleur d'une majorité des groupes à la constituante, peut-être, mais tout le monde s'en fout des groupes à la Constituante, et le « rassemblement » de la majorité d'entre eux derrière le projet ne pèse pas bien lourd : en réalité, ce texte « rassembleur » divise jusque dans les partis qui le soutiennent : un tiers des socialistes l'ont refusé en assemblée générale, l'UDC et le MCG prennent position contre alors que leurs groupes l'ont accepté, la moitié des associations le combattent et la moitié le soutiennent, l'AVIVO et les syndicats le combattent, l'ATE le soutient, l'ASLOCA ne se prononce pas...
Un texte « rassembleur », alors, ne serait-ce que par défaut, l'ancienne constitution ? Etrange «rassemblement» que celui dont la compréhension requiert une formation de géologue plutôt qu'une compétence de militant : la constitution actuelle est une superposition de couches historiques : une première couche radicale quarante-huitarde, puis une couche libérale, puis une couche catholique, puis une couche socialiste, puis une couche verte... Un texte rassembleur ? Oui, mais à la manière pâtissière d'un mille-feuille...

On aura lu, dans le billet de Jean-François Mabut, dans la Tribune d'hier, que « les électeurs avaient plébiscité, à près de 80 %, le principe de la révision totale du texte (de constitution) de Fazy, vieux aujourd'hui de 165 ans »... plébiscité, plébiscité, c'est peut-être beaucoup dire, compte tenu de l'abstention des deux tiers du corps électoral et de l'exclusion des étrangers de ce corps... dans ces conditions, nous (pluriel de majesté) avons plébiscité à 100 % notre propre appel à voter « blanc » le 14 octobre...
Ce 14 octobre une constitution sortira des urnes : la vieille, revigorée par le refus de la jeune, ou la jeune ayant poussé mémé dans les orties. Mais de quelle majorité cette constitution, la vieille ou la jeune, disposera-t-elle ? Dans la population, d'aucune, puisque la moitié de la population n'aura pas eu le droit de voter. Dans le corps électoral, d'aucune non plus, puisque la majorité du corps électoral s'abstiendra, sera dans le camp de la minorité ou aura voté blanc. Et peut-être même que dans le corps électoral actif, au sein de celles et ceux qui auront voté, aucune majorité ne se dessinera pour maintenir en place la vieille ou la remplacer par la jeune -si le nombre de bulletins blancs et nul devait être supérieur à la différence entre les « oui » et les « non »....

On n'exprimera donc ici qu'un souhait, puisque ni la vieille ni la jeune constitution ne nous agrée : que cette différence entre les « oui » et les « non » soit si ténue que les bulletins blancs fassent, dans un sens ou un autre, la décision. Ce qui serait la meilleure des entrées an matière pour une véritable réécriture de la constitution, comme y appelle la Jeunesse Socialiste : « écrivez-vous même votre propre constitution ». Car c'est bien en démocratie aux citoyennes et aux citoyens qu'incombe le pouvoir de dire en quel Etat ils veulent errer, et, s'agissant de Genève, à quoi doit ressembler leur République. 
« Je suis en République, et pour roi j'ai moi-même », lançait le vieil Hugo...

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