Référendum ou pas contre les nouvelles attaques sur le droit d'asile ?

On y va ou on y va pas ?

Aller au référendum, au risque (qui frise la certitude) de s'y faire ramasser par le peuple, ou ne pas y aller, au risque (qui caresse la certitude) de ratifier ainsi l'inacceptable ? C'est la question qui taraudait  la gauche et les organisations de solidarité avec les immigrants, s'agissant des nouveaux durcissements de la politique suisse d'asile. Le président du PSS, Christian Levrat, a  assuré que le parti ne lancera pas le référendum. Nul n'en doutait : le référendum est lancé par des mouvements de solidarité et par la gauche de la gauche. Mais la question se reposera au PS, de sa recommandation pour le vote populaire. Et là, ce n'est pas la direction du PSS qui décidera, mais l'Assemblée des délégués. Et la position du parti suisse ne préjuge jamais la position des partis cantonaux... même s'agissant de participer ou non à la récolte des signatures au bas d'un référendum que ne soutiendrait pas le PSS...


Penser d'abord, quoi que l'on décide, à ceux qui ont droit et besoin de l'asile


Combattre ou pas le durcissement de la politique d'asile (ou ce qu'il en reste) en lançant contre ses dernières manifestations un référendum populaire ? L'organisation suisse d'Aide aux Réfugiés et Amnesty International y étaient plutôt opposées, le Centre Social Protestant genevois et Solidarité sans Frontières plutôt pour, les Verts hésitant et le PS très emmerdé. Si la question se pose, c'est bien que le terrain est éminemment piégeux. Nous avons perdu en votation populaire ces dernières années tous les référendums que nous avons lancés, et toutes les initiatives qui, les uns s'opposaient à la xénophobie d'Etat et les autres proclamaient les principes de solidarité sur le terrain des migrations. mais nous savions en les lançant que nous allions les perdre dans les urnes. En fait, nous sommes, sur ce terrain, dans la situation inverse de celle que nous connaissons sur le terrain de la défense des prestations sociales. Et c'est logique : les bénéficiaires de ces prestations votent, et donc les défendent. Les immigrants ne votent pas. Ou alors, anciens immigrants installés depuis des années, et naturalisés, ils votent contre les nouveaux immigrants. Italiens, Espagnols et Portugais contre les Kosovars. Kosovars contre Africains. Et sans doute, bientôt, Africains contre Chinois. Pauvres contre pauvres, anciens pauvres contre nouveaux pauvres.

Les derniers durcissements du droit d'asile (suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile dans une ambassade, non reconnaissance de la désertion ou de l'objection de conscience comme critère de la reconnaissance en tant que réfugié, application du régime de l'« aide d'urgence » (le secours minimal) à des requérants qui bénéficiaient d'une aide sociale, laquelle devrait obligatoirement être inférieure à celle accordée aux Suisses,,,) sont inacceptables. Comment dès lors manifester notre refus de les accepter ? Par le lancement d'un référendum les combattant, au risque, évoqué par Christian Levrat, d'«  ouvrir un boulevard à l'UDC » qui prépare une initiative durcissant encore le durcissement de la politique d'asile, avec camps d'internement et expulsions massives à la clef ? Par le lancement d'une initiative posant les bases d'une autre politique d'immigration ? Par l'insoumission collective et l'opposition, sur le terrain, aux pratiques légales, mais odieuses, de la xénophobie d'Etat ? Ou par tout cela à la fois, alors que nos forces sont limitées ? Limitées, et même, pour une part, la part socialiste, empêtrées dans la participation de socialistes au gouvernement fédéral ?

Car il faut bien ajouter ceci au tableau  : la ministre chargée d'appliquer cette xénophobie d'Etat est issue de nos rangs. De la droite de nos rangs, certes, et c'est d'ailleurs pour cela qu'elle a été élue, mais de nos rangs tout de même, et c'est d'ailleurs pour cela que c'est ce ministère qui lui a été confié, pour nous obliger à une solidarité partisane contradictoire de nos choix fondamentaux. Une caricature du choix wéberien entre le principe de responsabilité, réduit à la discipline de parti, et le principe de vérité, affirmant la primauté des principes -ce que l'étymologie du mot suffirait d'ailleurs à nous dicter : un principe qui ne serait pas premier ne serait plus un principe. Or le PS a adopté il y a deux mois, à Lugano, après des mois de débat interne, un programme de politique migratoire en tous points contradictoire de celui du Conseil fédéral et de la majorité des Chambres fédérales. Et c'est dans ce programme que sont exprimés les principes qui devraient guider les choix des socialistes, pas dans le réflexe d'une solidarité mécanique avec une conseillère fédérale elle-même tenue, ou se tenant, à une solidarité non moins mécanique (dite « collégialité ») avec le gouvernement auquel elle appartient. Un gouvernement majoritairement de droite, faut-il le rappeler au PS ? Un gouvernement dont, s'agissant de la politique d'asile, les choix (ou les non-choix) sont tels qu'il ne devrait pas venir à l'idée d'un-e socialiste de les admettre, quoi qu'il en soit de l'incertitude sur les moyens de les combattre, et sur le risque que l'on ferait courir à d'autres (les réfugiés) par une action dont ils seraient les premières victimes.
Car c'est à eux, d'abord, qu'il faut penser, quoi que l'on décide : à ceux qui ont droit et besoin de l'asile.

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