De la résistance à l'« austérité » à la lutte contre le dumping salarial

Manif, manif et remanif...

Vous avez manifesté avec la fonction publique (même si vous n'en êtes pas, ou plus)  tout à l'heure sur la Treille ? C'est bien. On ne vous y a peut-être pas vu, mais on vous croit : vous y étiez. Mais rangez pas vos doudounes : cet fin d'après-midi de 16 heures 30 à 17 heures,  y'a encore rassemblement à l'appel des syndicats devant l'Hôtel-de-Ville, ousque le Grand Conseil va décider du sort qu'il entend réserver à l'initiative syndicale contre le dumping salarial : l'invalider partiellement ou la soumettre telle qu'elle au peuple en courant le risque qu'elle soit acceptée, ce dont le patronat et la majorité (parlementaire et gouvernementale) de droite ne veulent pas entendre parler. L'initiative demande la constitution d'une inspection des entreprises formée de représentants des travailleurs, chargée d'inciter les employeurs au respect des conventions collectives et des lois sur le travail, et pouvant dénoncer celles qui délinquent. La droite, le patronat et le Conseil d'Etat trouvent « partiale » une instance de contrôle peuplée de syndicalistes. Au fond, il a raison, le gouvernement : c'est vrai que défendre les victimes du dumping salarial plutôt que ceux qui le pratiquent, c'est assez partial.


Ceux qui protestent et résistent ne sont pas nombreux ? ceux qui décident le sont encore moins !


Il est vrai, toute la fonction publique genevoise n'était pas dans la rue hier soir pour dénoncer le « traitement de choc pour un budget équilibré », (comme le résume Le Courrier) prôné par la droite genevoise. Un traitement de choc, en effet, du genre qui vous transforme le patient en légume. Ou en électeur MCG, ce qui revient parfois au même... D'entre ces propositions, on notera celle de multiplier par quinze le montant de la taxe personnelle payée par chaque contribuable, y compris celles et ceux dont le revenu est si bas qu'il n'est même pas imposable, et celles de ne remplacer qu'un employé sur deux de la fonction publique, de bloquer les annuités (augmentations de salaire par l'ancienneté), de supprimer les services de la recherche en éducation et de la solidarité internationale, de varloper le budget de la surveillance des données, de privatiser les garde-faune et les objets trouvés... A cet inventaire de quincailler, l'UDC propose une alternative tout aussi idiote : la coupe linéaire de 5 % des budgets de chaque département et l'augmentation de 2 heures (à 42 heures) du temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique. L'exercice auquel se livre la droite genevoise est d'autant plus absurde que même si toutes ses propositions étaient acceptées (alors qu' une bonne partie d'entre elles nécessitent des modifications législatives qui feraient l'objet d'un référendum), le budget du canton de Genève ne reviendrait pas à l'équilibre. Certaines de ces propositions seront refusées en vote populaire, d'autres ne rapporteront que des clopinettes, et les dernières ne pourront pas être mise en oeuvre avant des années, ou coûteront plus cher à appliquer que l'économie qu'elles prétendent opérer.  Il est vrai qu'on n'est pas dans un débat budgétaire, mais dans le lancement de la campagne électorale de la droite pour les cantonales de dans un an.

Putain, un an...  Tous les  partis ont cette échéance en tête : le MCG prend bien soin de ne pas heurter de front la fonction publique, l'UDC entend bien préserver la police de toute mesure d'austérité, le PDC plaide la prudence, les Verts refusent toute réduction des investissements dans la mobilité, le PS demande plus d'investissements dans la santé et le social, la suppression du « bouclier fiscal » favorisant les plus riches, une augmentation des impôts sur les hauts revenus et les grosses fortunes et une réintroduction partielle de l'impôt sur les successions. Chacun se met donc en ordre de bataille pour un débat budgétaire qui apparaît d'ores et déjà comme le premier round de la campagne électorale de 2013. Ou le dernier feu d'une législature calamiteuse, résultat d'un rapport de force institutionnel calamiteux -il est vrai que ce rapport de force calamiteux est lui même le résultat de la désunion calamiteuse de ceux (nous compris) qui s'en plaignent.

Il n'y avait donc pas assez de monde dans la rue hier soir pour que nous puissions annoncer ce matin une mobilisation générale de la fonction publique, moins pour défendre son statut que pour défendre le service public en tant que tel. Mais si ceux qui protestent et résistent ne sont pas nombreux, ceux qui décident le sont encore moins... et il ne dépend après tout que de nous, dans l'immédiat de les empêcher de nuire, et dans un an de les remplacer. En sachant pertinemment, toutefois, qu'aucune majorité parlementaire, et moins encore gouvernementale, ne remplacera jamais une majorité populaire, s'exprimant non seulement dans les urnes, mais aussi, et surtout, dans la rue et au travail.
La République de Genève, c'est un demi-million d'habitants. le Grand Conseil, c'est cent députés.

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