Derniers feux de David Hiler ?

Politique fiscale de la terre brûlée

Le 11 octobre dernier, le Conseil d'Etat genevois a proposé, par la voix du ministre des Finances David Hiler,  d'introduire un taux unique d'imposition des entreprises et d'abolir de ce fait le statut fiscal particulier, et privilégié, accordé aux multinationales dont les activités sont extérieures à la Suisse, et qui ne sont frappées que d'un impôt de 11,6 % sur leurs bénéfices alors que les entreprises locales sont taxées à 24,2 %. Le Conseil d'Etat propose un taux unique de 13 %, qui  entraînerait une baisse de recettes de 457 millions de francs pour le canton, sans aucune compensation, alors que le budget cantonal est déjà déficitaire du fait des nombreux cadeaux fiscaux accordés ces dernières années.  S'ajoutant à d'autres propositions de réduction des ressources fiscales du canton et des communes (suppression de la taxe professionnelle communale et de l'imposition au lieu de travail, par exemple), la proposition d'un taux unique de 13 % va encore vider un peu plus les caisses, des collectivités publiques déjà mises à mal par les contre-réormes fiscales de ces dernières années. Une sorte de politique fiscale de la terre brûlée, avant la fin de mandat de l'actuel ministre des Finances...


«  Après moi le déluge » ?

otre ministre des Finances, David Hiler, qui vient d'entamer la dernière année de son dernier mandat de Conseiller d'Etat (comme deux autre de ses collègues), a-t-il fait d'un insouciant « après moi, le déluge » le maître mot de son action avant son départ ? Ces derniers temps en tout cas il a fait preuve d'une belle constance dans l'alignement de propositions ayant toutes en commun, après plusieurs cadeaux fiscaux successifs,  de réduire encore les recettes fiscales du canton et des communes (sauf de quelques privilégiées d'entre elles) : abolition de l'imposition au lieu de travail, qui permet aux communes finançant des infrastructures d'importance cantonale de ne pas se ruiner en offrant l'usage de ces infrastructures aux contribuables d'autres communes, abolition de la taxe professionnelle communale, le seul impôt réellement maîtrisé par les municipalités, et enfin, tout dernièrement, introduction d'un taux unique d'imposition des entreprises, fixé si bas qu'il entraînerait près d'un demi-milliard de pertes fiscales. Or si un taux unique d'imposition des entreprises se justifie pour des raisons d'équité fiscale, un taux fixé à 13 % participe d'une concurrence fiscale entre cantons dont les seuls à bénéficier sont les cantons sans charges d'infrastructure régionale ou nationale, telles que celles dont Genève a la charge (un aéroport, un hôpital universitaire, une Université, un Opéra...) et qui sont précisément celles qui peuvent attirer des multinationales à la recherche d'un siège pour un peu plus longtemps que quelques années. Les multinationales s'installent-elles à Genève pour de seules raisons fiscales ? Certaines, sans doute -mais de la présence parasitaire de celles-là, Genève peut se passer. Les autres ont d'autres raisons de poser leurs sièges chez nous : les infrastructures dont elles et leur personnel peuvent disposer à Genève, la qualité de vie dans ce qui est une petite ville (à l'aune européenne) disposant de tous les atouts d'une grande sans (encore) souffrir de leurs maux,  et même, ajouterons-nous toute modestie bue, la « valeur ajoutée »  promotionnelle du nom même de Genève.
L'introduction d'un taux unique d'imposition des entreprises serait certes une obligation découlant d'accords avec l'Union Européenne, mais ces accords ne disent rien du niveau de ce taux unique. Or celui que propose le Conseil d'Etat, 13 %, entraînerait des pertes fiscales de près de 460 millions de francs pour les communes et le canton, sans aucune garantie de compensation de la part de la Confédération ou des autres cantons, l'une et les autres se livrant au même jeu de la sous-enchère fiscale... Ces pertes fiscales s'ajouteront, pour les communes, à celles qu'entraîneraient deux autres projets du Conseil d'Etat : la suppression de l'imposition au lieu de travail (la Constituante avait pourtant renoncé à proposer cette suppression, mais le Conseil d'Etat l'a ressortie du tiroir) et la suppression de la taxe professionnelle communale. Pertes pour la Ville ? 50 millions si le taux d'imposition des entreprises est établi à 13 %, plus 125 millions si la taxe professionnelle est abolie, plus quelque chose de l'ordre de 100 millions si l'imposition au lieu de travail est abolie. Bref, le quart du budget de la Ville est menacé. Et donc, la capacité de la Ville à prendre en charge, comme elle le fait actuellement, des dépenses d'intérêt cantonal (voire régional) que le canton n'assume pas et n'a aucune intention d'assumer (en aurait-il l'intention qu'il n'en aurait d'ailleurs pas les moyens, d'autant que le parlement cantonal est gratifié d'une majorité politique sabotant le travail même d'examen du budget cantonal) alors qu'il manifeste très clairement son ambition de prendre le contrôle de quelques institutions culturelles prestigieuses (le Grand Théâtre, par exemple) -mais en laissant la Ville les financer en plus grande partie.
David Hiler, Conseiller d'Etat élu en tant que Vert, aurait-il  l'intention de ne laisser de souvenir que celui d'un ministre des Finances à ce point au diapason de la droite radicalement libérale qu'il aura mieux que tous ses prédécesseurs libéraux réussi à concrétiser les obsessions fiscales de cette droite-là, et sa séculaire détestation de la Ville de Genève ?

Commentaires

Articles les plus consultés