Qui t'a fait roitelet, Guillaume ?

Avec l'appui inavoué de la gauche gouvernementale (PS et Verts) et inavouable de la majeure partie de la « gauche de la gauche » (ou présumée telle), et en échange de l'abandon des prétentions démo-chrétiennes à la Cour des Comptes, le PLR a donc réinstallé, après vingt ans de pied-de-grue, le PDC à l'exécutif municipal genevois, sur le strapontin que depuis vingt ans la gauche concède à la droite (mais dont un certain Pierre Maudet avait tout de même su faire un siège propulseur). Cela sauve le PDC de la Ville de Genève, en lui assurant pour quelques temps encore la survie de son groupe parlementaire. Mais cela satisfait aussi les quatre conseillers administratifs de gauche, assez heureux de se retrouver avec un collègue plus accommodant que l'auraient été l'UDC Bertinat ou la coco Salika, et surtout avec le représentant d'un groupe parlementaire qui aura quelque peine à voter contre le budget de la Ville, ce budget étant désormais l'octroi à Guillaume Barrazone des moyens de faire autre chose que de la figuration.

Guillaume Barrazone élu avec 42,5 % des suffrages (blancs et nuls non comptés) ? C'est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup, compte tenu de la force cumulée des trois partis qui le soutenaient : cette force n'atteint pas les 30 % de l'électorat...  et peu, compte tenu des moyens financiers consacrés à le faire élire : l'équivalent, pour une élection municipale partielle de la totalité du budget électoral d'un parti gouvernemental pour l'élection cantonale générale. Pour, au final, près de trois quarts d'abstention.

En multipliant les listes et en dépensant très gros (plus de francs qu'il y a d'habitants en Ville...)  pour ce retour qu'il attendait désespérément, le PDC, pris en charge par le PLR et soutenu par les Verts libéraux, retrouve le chemin de l'exécutif municipal, vingt ans après le départ de René Emmenegger (vous vous souvenez de René Emmenegger ? Non ? Vous êtes pardonnés). Le PDC a été littéralement installé par le PLR et avec la connivencede la gauche (PdT et JS exceptés) sur le strapontin de droite de la Municipalité genevoise. Un strapontin sous surveillance : Que Barrazone oublie qui l'y a installé, le PLR le lui rappellera : qui t'a fait roitelet, Guillaume ? Et la gauche d'ajouter : et qui a laissé le PLR te couronner ? Un candidat PDC-PLR doublant le score (en pourcentage) de ces deux partis ? L'abstention dans les locaux de gauche l'explique largement, après les appels réitérés du PS, des Verts et de solidaritéS à laisser « son siège à la droite ». Et donc à laisser le PLR assurer le triomphe d'un candidat PDC. La responsabilité de la gauche sérieuse-et-responsable (pas nous, donc) dans le couronnement de Barrazone est en effet assez écrasante : son refus de soutenir la candidate du Parti du Travail  a laissé champ presque libre, à une Salika près, à la droite. Et celle-ci, grâce à ce bon de sortie délivré par l'Alternative, a fait en Ville de Genève son meilleur résultat dans une élection majoritaire depuis Lise Girardin. Et ça ne nous rajeunit pas...

Avec le soutien du seul Parti du Travail et de la seule Jeunesse socialiste (qui la remercie « d'avoir malgré tout décidé de représenter les valeurs de la gauche lors de cette élection »), Salika Wenger fait jeu égal avec l'addition du MCG et de l'UDC, leur candidat commun, Eric Bertinat, réalisant grosso-modo, avec 21 %,  le score de ces deux partis additionnés (un score médiocre qui, retrospectivement, renvoie au magasin des fantasmes paranoïaques les appels des Verts, du PS et de solidaritéS à lui faire « barrage » sans appeler à voter pour la candidate de gauche). La candidate du PdT talonne le candidat de l'UDC et du MCG (moins de 500 voix de différence) et, en obtenant  près de 20 % des suffrages, multiplie par sept les scores additionnés des seules organisations qui la soutenaient (le  PdT et la JS).  Si faiblement qu'il se soit mobilisé, l'électorat de gauche l'a donc fait en grande majorité pour elle, et non pour le candidat « indépendant », quoique celui-ci y ait sans doute puisé -mais Salika Wenger devance également partout, et nettement, Didier Bonny .

Dans son communiqué d'hier, le Parti du Travail explique qu'il était pour lui « inconcevable de laisser le champ libre à la droite, incarnation politique d'une minorité de privilégiés, mais aussi de céder face aux appels de certains de nos "alliés" de ne présenter personne afin de ne pas ouvrir la porte à un gouvernement "monocolore" », qu'il rejette «cette méprisable logique politicienne de marchandage qu'est l'idéologie de la concordance » et qu'il tient « à affirmer qu'en démocratie les sièges n'appartiennent qu'à ceux à qui le peuple décide de les attribuer, et non aux partis gouvernementaux qui pourraient se les partager entre eux ». Pas plus d'ailleurs aux partis gouvernementaux de gauche qu'à leurs concurrents de droite. Ni aux diverses composantes de la «gauche de la gauche» marchandant comme bazaris en souk pour accoucher d'une liste commune aux élections cantonales de l'an prochain.
3420 électrices et électeurs ont utilisé ce week-en le bulletin du Parti du Travail : ils vont peser lourd dans le matériel de chantier de re-construction d'une « gauche de la gauche » ne se résumant pas à une addition de chapelles concurrentes. Car s'il y a plusieurs demeures dans la maison du Seigneur, il n'est écrit nulle part qu'il faille toutes les ceinturer de barbelés...

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