Un jour contre l'« austérité »

A l'appel de la Confédération européenne des syndicats (et, en Suisse d'Unia, et à Genève, de la Communauté genevoise d'action syndicale), une journée internationale d'action contre les politiques d'«austérité» déroulera ses manifestations, débats, rassemblements et ses grèves aujourd'hui. En Espagne, au Portugal, en Italie et en Grèce, la journée d'action syndicale sera une journée de grève générale. Les syndicats européens exigent (pour l'année Rousseau ?) un « nouveau contrat social européen», l'intensification de la lutte contre le dumping social et salarial et contre l'évasion et la fraude fiscale. « L'Austérité, ça marche pas ! » proclame l'appel syndical européen. Mais si, camarades, ça marche. Pour ce et ceux pour quoi et qui ça doit marcher. Pas pour les peuples, évidemment. Mais pour les banques et les multinationales, et pour leurs commis politiques, ça marche. ça marche même du tonnerre de Dieu (ou de Mammon).

Dis papa, c'est encore loin la Chine ? Tais-toi, et chôme.


Ses crises, qu'elles soient conjoncturelles ou systémiques, sont toujours pour le système l'occasion (qu'il provoque parfois lui-même) de sa restructuration. Celle qu'il traverse actuellement, et dont il fait si grand usage, ne fait pas exception à cette vieille règle, et si elle se déroule (du moins jusqu'à présent) sans avoir recours à la destruction physique des outils de production anciens et d'une bonne partie de la main d'oeuvre, par la guerre, elle n'en passe pas moins par la destruction d'appareils sociaux et politiques, de souverainetés populaires et de droits démocratiques.

La crise des années trente avait accouché du nazisme (le fascisme et le stalinisme l'avaient précédée) et d'une guerre mondiale, au terme de laquelle le centre de commandement de l'économie mondiale avait fini de se déplacer d'Europe vers l'Amérique du Nord, et le pouvoir politique mondial s'était partagé entre les deux empires des Etats-Unis et de l'Union Soviétique. Certains prédisent à la crise actuelle le conclusion d'un nouveau déplacement du pouvoir, vers la Chine et d'autres Etats et d'autres économies dont on a proclamé l'émergence, comme si la Chine avait attendu les sagaces experts du début du XXIe siècle pour «  émerger »...
Mais vers quel type de système se déplacerait alors le pouvoir mondial ? Vers un système sans droits populaires, sans droits démocratiques, sans droits syndicaux. Un système qui produit une richesse incommensurable en maintenant la majorité de sa population dans la pauvreté. Un système qui va bientôt cumuler le plus haut produit intérieur brut du monde, mais un revenu par habitant se situant dans le dernier tiers du classement mondial.

Et puis, parlons un peu de nous : en Suisse,où la fortune des 300 habitants les plus riches s'est accrue de 31 milliards de francs en trois ans, et où on évalue à 18 milliards de francs la déperdition de ressources publiques due à la fraude fiscale, fortune et fraude prouvant s'il en était besoin que « c'est pas la crise pour tout le monde »,  Unia a lancé une campagne affirmant qu'il y a « suffisamment d'argent pour la justice sociale ». Car la Suisse est dans l'oeil du cyclone (et on sait que l'oeil du cyclone est calme) : d'abord parce qu'elle est le lieu d'accueil des profiteurs et des riches fuyards de la crise, grâce à une politique de dumping fiscal (forfaits fiscaux, taxations spéciales pour les holdings, réductions d'impôts pour les entreprises, à quoi s'ajoute évidemment ce qui reste du secret bancaire). Or en Suisse aussi, à la mesure de la prospérité du pays relativement aux ravages de la crise dans l'Europe du sud, des politiques d'austérité sont prônées et partiellement mises en œuvre localement (voulez-vous qu'on vous reparle du budget cantonal genevois ? on vous en reparlera) et nationalement. 

En attendant la fin de la crise (c'est-à-dire la pause avant la crise suivante), le monde « développé », celui dont nous sommes, se fortifie contre la plèbe du monde « en développement » et celle du monde « émergeant »  : les dépenses sécuritaires et militaires sont souvent les seules dépenses publiques à ne pas être réduites, les polices et armées privées prospèrent, les politiques migratoires se bétonnent, l'armée suisse s'exerce à repousser les métèques aux frontières, les «  milieux économiques » rêvent de mobiliser la troupe contre des protestations sociales,  les Rroms s'en prennent plein la gueule dans toute l'Europe et les banques privées, sauvées à coups de centaines de milliards puisés dans les caisses publiques, font payer à leurs petits clients les conneries de leurs traders.
Et en Grèce, le nombre des chômeurs et des sans-emploi non considérés comme chômeurs dépasse désormais celui des personnes qui ont un travail : 4,7 millions contre 3,7 millions.

Dis papa, c'est encore loin la Chine ? Tais-toi, et chôme.

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