Fusion des caisses de retraite CEH et CIA : Du bon usage d'un référendum

Le Conseil d'Etat ayanz officialisé l'aboutissement, avec au moins 7014 signature, du référendum contre la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (LCPEG), du 14 septembre 2012, par la fusion des caisses CEH et CIA, la votation populaire sur cet objet est fixée au 3 mars 2013, date à laquelle on votera aussi sur l'initiative cantonale de l'AVIVO « Stop aux hausses des tarifs des Transports Publics Genevois», sur l'initiative populaire fédérale « contre les rémunérations abusives » (dite initiative Minder) et sur la révision de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Des sujets mobilisateurs qui devraient amener aux urnes plus de citoyennes et de citoyens que les derniers rendez-vous électoraux, ce  qui devrait donner un chance aux opposants au projet du Conseil d'Etat sur la fusion des caisses, projet soutenu par le Cartel intersyndical de la fonction publique, mais combattu par le Syndicat des services publics, qui avait lancé le référendum.

Le « Deuxième Pilier »  ? un système fragile à la conjoncture et profondément antisocial...

Quoi que l'on pense de son opportunité, le référendum lancé par le SSP contre les modalités de la fusion des deux caisses de pension publiques genevoises CEH et CIA a au moins un effet positif : relancer le débat sur ce fameux «  deuxième pilier » fondé sur la capitalisation individuelle (sous la forme d'une épargne forcée), mais dont les prestations sont en diminution constante depuis des années (diminution du taux de rendement des avoirs, diminution du « taux de conversion» qui détermine la rente en fonction du capital accumulé, augmentation de l'âge de prise de la retraite, réduction de la part patronale dans les cotisations, etc...). A quoi on ajoutera que les rentes moyennes des femmes sont inférieures de moitié à celle des hommes. Les partisans (y compris à gauche) de l'accord trouvé avec le Conseil d'Etat considèrent que le référendum lancé par le SSP relève, pour le moins, de l'aventurisme, les référendaires n'ayant pas de « plan de rechange » en cas de refus de cet accord. Et à droite, on tempête : si les réductions de prestations pour les cotisants ne sont pas acceptées, le sauvetage des caisses impliquera un effort considérable de la part de l'Etat: « on fera payer les contribuables pour sauver les retraites des fonctionnaires »... oui, mais les cotisants aux caisses de retraite publiques, comme d'ailleurs leurs rentiers, sont aussi des contribuables, leurs salaires ou leurs rentes sont imposables, et imposées. Les frapper d'une baisse des prestations, d'une hausse des cotisations, ou des deux à la fois, c'est leur demander de passer deux fois à la caisse : une fois en tant que contribuables, une deuxième fois en tant que cotisants ou rentiers.

Le projet du Conseil d'Etat découle de contraintes imposées par la loi fédérale, impliquant notamment une recapitalisation des caisses. On a déjà eu l'occasion de dire et d'écrire ce que nous pensions du système même du « deuxième pilier » : un système fragile à la conjoncture et profondément antisocial, négateur de la solidarité entre salariés (chacun n'y cotise que pour soi, les plus riches se constituant une rente de riches, les plus pauvres un petit supplément de pauvres à leur rente AVS de pauvres). Les nouvelles lois fédérales ont encore radicalisé ce caractère antisocial, en imposant des mesures d'assainissement  payées essentiellement par les salariés. De plus, ce système produit une accumulation démesurée de capitaux dans les caisses de retraite, capitaux qu'elles vont investir, via les grandes banques, dans des fonds qui vont en tirer des profits considérables en alimentant la masse des capitaux déconnectés de l'« économie réelle ». Ce sont des centaines de milliards de francs qui sont ainsi ponctionnés sur les masses salariales, et, dans le secteur privé, essentiellement sur les salaires. On n'a plus affaire, avec le «Deuxième Pilier», à un système de retraite, mais à un système de mobilisation forcée de l'épargne individuelle pour produire des fonds disponibles à n'importe quel investissement supposé être rentable.

Comment financer dans la durée et la solidarité le système de retraites, compte tenu du vieillissement de la population et de la dégradation du rapport quantitatif population active et population rentière ? Il est de plus en plus évident, même si on n'ose pas le dire ouvertement, que les seules cotisations liées au travail rémunéré, salarié ou non, ne suffiront plus, et qu'il faudra avoir recours à l'impôt. La « contribution sociale généralisée », instaurée en France par les socialistes en 1990, est un exemple, encore imparfait, de ce qui devra bien être admis en Suisse aussi. Mais à l'autre bout du processus, côté prestations, une réforme s'impose également, avec la fusion en un seul de tous les revenus de substitution actuels, de l'AVS à l'assurance-chômage, pour en arriver à un véritable revenu minimum garanti.

A court terme, c'est le basculement des fonds du «Deuxième Pilier» dans l'AVS qui s'impose, afin de permettre la création d'une retraite suffisant pour vivre dignement sans recours aux « prestations complémentaires». Des initiatives sont en préparation à l'Union Syndicale Suisse et à solidaritéS pour proposer ce basculement et il faudra les soutenir lorsqu'elles seront lancées.
Et dans l'immédiat, quoi que l'on pense du référendum lancé à Genève par le SSP, utilisons le débat qu'il lancera pour poser la question de la légitimité même d'un système, celui du «  Deuxième Pilier », aussi fragile conjoncturellement qu'injuste socialement.

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