3 mars : vote de l'Initiative contre les « salaires abusifs » : David Minder contre le Goliath patronal

La campagne sur l'initiative «  contre les salaires abusifs »  (on votera le 3 mars) est lancée : le patronat va mettre des millions (au moins cinq, sans doute huit, peut-être dix, et plus si danger...) pour la combattre. Thomas Minder, l'auteur de l'initiative, n'a pas ces moyens pour, comme il le veut, « faire entendre la voix du peuple contre les profiteurs». Face à la mobilisation de l'« élite des bonus », il ne peut compter que sur le soutien de la gauche et celui d'un comité de personnalités (comme l'ancien Procureur de la Confédération Paolo Bernasconi, l'ancien président du CICR Cornelio Sommaruga), et sur une campagne désargentée se faisant essentiellement sur internet (www.superbonus2013.ch) et par les réseaux sociaux. Face à Thomas Minder et ses quelques alliés, on va donc retrouver le patronat et la droite politique, et plus hypocritement, le Conseil Fédéral.

En 2013, le printemps pourrait commencer le 3 mars...

Le Conseil fédéral, « fidèle à sa réputation de sagesse »  comme dit la Tribune de Genève, a pondu contre l'initiative Minder un texte mollachu (une «réponse claire et audible», selon la Tribune, qui a une très bonne ouïe) sur les très, très hauts salaires et les bonus des top managers -une sorte de contre-projet indirect à une initiative dont, nous assure toujours la Tribune, « personne ne veut ». Sauf Minder et nous, mais on doit compter pour beurre. Mais si mollachu qu'il soit, même le projet du Conseil fédéral, adopté par la majorité de droite pour essayer de semerThomas Minder en chemin (Christoph Blocher, qui faisait mine de le soutenir, est passé avec armes, bagages et finances du côté où il finit toujours par pencher une fois son numéro gesticulatoire terminé : celui de l'oligarchie dont, après tout, il fait partie) est récusé par la droite patronale. Qui veut bien faire semblant de désapprouver les trop hauts salaires ou les bonus indécents, mais surtout pas permettre à qui que ce soit, aux actionnaires ou, pire, à l'Etat, d'y mettre fin. Le Conseil fédéral part du principe que le pouvoir des actionnaires (mais seulement celui des actionnaires, pas celui des salariés, faut quand même pas déconner) doit être renforcé (l'initiative Minder, d'ailleurs, ne touche que les sociétés cotées en bourse) et qu'un minimum de transparence sur les salaires et indemnités doit pouvoir être assurée. Dans le texte gouvernemental, l'Assemblée générale des actionnaires de sociétés cotées en Bourse se prononcerait chaque année sur la rémunération globale des membres du Conseil d'administration, et de manière purement consultative sur celle de chaque membre de la direction. Quant aux sociétés non cotées en Bourse, l'AG des actionnaires pourrait, si elle le souhaite, adopter une clause statutaire permettant aux actionnaires de s'exprimer (mais non de décider...) sur la rémunération des directeurs et des administrateurs. Et les «parachutes dorés» resteraient intouchables, comme d'ailleurs les « rémunérations anticipées ». Et contrairement à ce que prévoit l'initiative, aucune sanction n'est prévue par le contre-projet si la loi n'est pas respectée. Comme si on pouvait faire confiance aux top managers pour réguler eux-mêmes leur propre avidité, quand aujourd'hui, moins de la moitié des cent plus grandes sociétés suisses cotées en bourse ont introduit l'indolore possibilité d'un vote consultatif des actionnaires sur le système de rémunération...

Tout cela est « sans muscle », soupire Minder. Mais c'est encore trop aux yeux de la droite patronale, qui estime que les actionnaires ont suffisamment de pouvoir en élisant les administrateurs et en fixant les dividendes, et que pour le reste, ils doivent faire confiance aux gens qu'ils élisent. Et que s'ils ne sont pas contents, ils peuvent toujours revendre leurs actions. Pas question donc d'une modification de l'équilibre des forces au sein des sociétés anonymes, même si cette modification ne profite qu'aux actionnaires et pas aux salariés. Et encore moins question d'une «démocratisation»   de la prise de décision dans les entreprises, même si cette «démocratisation» ne renvoie qu'au scrutin censitaire et pas au suffrage universel. On est dans la féodalité économique, on y reste, en devant se contenter des « codes de bonne conduite » que les entreprises élaborent elles-mêmes pour elles-mêmes, et qu'elles choisissent elles-même de respecter ou non.
L'initiative Minder n'est certes pas un projet révolutionnaire -son auteur ne se veut qu'une sorte de Winkelried de l'« économie réelle ». Mais l'adoption de son texte, et la campagne que ses adversaires promettent de faire le prouve, n'en serait pas moins un assez tonitruant coup de semonce tiré contre les gougnafiers qui se font une fierté de gagner quatre cent, cinq cent ou six cent fois ce que gagnent les salariés des boîtes qu'ils dirigent -et qu'ils dirigent pour réaliser un profit maximum dans un minimum de temps, en se contrefoutant des conséquences de leurs décisions.

Après l'initiative Minder, nous aurons encore deux occasions de dire aux Vasella, Humer, Dougan, et autres Brabeck ce que nous pensons d'eux, et de l'« économie » qu'ils incarnent, lorsque seront soumises au peuple l'initiative 1:12 des Jeunesses Socialistes, qui demande que le plus haut revenu versé par une entreprise ne dépasse pas douze fois le plus bas, et l'initiative d'Unia et de l'USS pour l'introduction d'un salaire minimum.
Le 3 mars, avec le vote sur l'initiative Minder, on pourra avancer le printemps de quelque jours...

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