Aboutissement d'un référendum pour l'asile : La bonne réponse aux mauvaises odeurs

Il y a un mois, l'UDC annonçait l'aboutissement de son initiative (la deuxième du genre) pour le renvoi, mécanique, des « criminels étrangers », et en profitait pour annoncer qu'elle allait aussi lancer une initiative pour liquider ce qui reste du droit d'asile en Suisse : enfermement de tous les requérants dans des centres fermés (des prisons, quoi), suppression du statut d'admission provisoire accordé à des requérants déboutés mais qu'on ne peut renvoyer, on voit le genre... On le voit même depuis vingt ans. La meilleure réponse à ces mauvaises odeurs est venue hier, avec l'aboutissement du référendum contre le démantèlement du droit d'asile tel que proposé non par l'UDC, mais, à ses basques, par le Conseil fédéral.

« Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre »


En appelant à signer, contre l'avis du Parti socialiste suisse, le référendum de défense du droit d'asile, les socialistes romands, la Jeunesse Socialiste et, plus modestement, nous, ici, sommes finalement dans la vieille la ligne huguenote de Guillaume le Taciturne (que nos amis irlandais nous pardonnent de citer un Orange) : il ne nous est pas nécessaire d'espérer vaincre dans les urnes pour entreprendre de vaincre dans les têtes. C'est un vieux choix, ou un vieux réflexe : En 1999, lors d'une double votation  sur la révision totale de la loi sur l'asile (qui entamait son démantèlement) et d'un arrêté urgent sur les « mesures urgentes dans le domaine de l'asile », 30 % des votantes et votants avaient refusé les deux propositions. 30 %, ce ne fut pas assez pour les repousser. Mais 30 %, dans le climat qui était déjà celui de la xénophobie ordinaire et de la xénophobie d'Etat d'Etat, c'était honorable. Sans plus, mais pas moins. Cela n'a rien empêché, certes, et même les possibilités que la loi offre encore au Conseil fédéral de mener une politique d'asile digne de ce nom n'ont pas été utilisées (ainsi de celle de décider si la Suisse accorde ou non une protection provisoire à des « groupes de personnes à protéger, et selon quels critères »). Le gouvernement dispose déjà des pleins pouvoirs pour suspendre toutes les procédures d'asile ou prendre des mesures en cas d'«afflux exceptionnel»  de requérants. Que veut-il de plus ? Les propositions nouvelles, celles qui vont être soumises au vote populaire après l'aboutissement du référendum, sont parfaitement superfétatoires s'il s'agit réellement de « maîtriser » le « problème » de l'asile. Mais il ne s'agit pas de ça : il s'agit de montrer ses muscles, et pas de les montrer aux requérants d'asile, mais à l'opinion publique. De lui dire qu'on fait ce qu'on suppose qu'elle demande -et ce que l'UDC demande. On est dans la réponse de la xénophobie d'Etat à la xénophobie ordinaire. On est dans la posture, pas dans la « gestion »...

Et puis, au nom de quoi ne devrait-on lancer que des référendums (ou des initiatives) dont le succès, en votation populaire finale, serait garanti ? Si on s'en était tenu à cette limitation timorée de nos propres droits démocratiques, si on avait constamment attendu que l'« opinion publique » soit a priori d'accord avec la proposition qu'on s'apprête à lui faire, à combien d'initiatives et de référendums qui se sont finalement, contre les prédictions des sages (vieux ou jeunes, l'âge ne faisant rien à la pusillanimité), révélés non seulement opportuns, et légitimes, mais victorieux, aurait-on dû renoncer ? La Jeunesse Socialiste a-t-elle eu tort de lancer son initiative 1:12, dont bien peu de « spécialistes » se risquent à prédire le succès en votation populaire ? D'une certaine manière, d'ailleurs, l'UDC elle-même nous enseigne que l'usage des droits démocratiques d'initiative et de référendum doit rester insensible aux appels à la prudence, à la bienséance et au pragmatisme : la nouvelle initiative udéciste, celle qui vient d'aboutir, proclame fièrement (mais illusoirement, puisqu'il faudrait que le droit international lui-même l'admette pour que cela soit possible, or s'il admettait, il admettrait lui-même sa propre vacuité) que son contenu prime sur les normes du droit international. Formellement, juridiquement, c'est une ânerie absolue -on ne connaît guère dans le monde que la Corée du Nord dont le régime politique s'affranchisse aussi explicitement du droit international -les pires de tous les autres font au moins mine de le prendre en compte...
Alors, qu'on ne nous demande pas, à nous, de calibrer notre réponse à la capacité d'une majorité populaire de la reprendre : le référendum dit ce qu'il convient de dire à la xénophobie, et que le brave général Cambronne eut le bon goût de dire en un seul mot à l'ennemi qui le pressait de se rendre. Le référendum dit, à l'adversaire et à quelques amis, ce que nous avons à dire, pas ce qu'il est convenable ou prudent de leur dire. Cela s'appelle le débat politique, et c'est une condition de la démocratie.
Nous serons minoritaires lors du vote populaire ? Nous l'aurions été plus encore si le référendum n'avait pas été lancé : on n'est jamais aussi minoritaire que lorsque l'on est silencieux, non par choix du silence, mais par peur de l'écho.

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