Grande parade homophobe à Paris : Que faire des intégristes ? Marions-les !

La manif conservatrice contre le « mariage gay », le 13 janvier, à Paris, où le grotesque ne le disputait guère qu'au méprisable, ce fut à la fois une sorte de grande parade de tous les fantasmes réactionnaires, dans l'unité au moins apparente de tout ce que la France et les pays comparables (dont le nôtre) peuvent abriter d'irrédentismes patriarcaux, et la résurrection dans la rue d'une droite orpheline de Sarkozy et ne pouvant tout de même pas, décemment, faire de Gérard Depardieu sa nouvelle icône. Résultat : lardée d'UMP et de Front National, une longue procession d'intégristes religieux de toutes confessions salués par l'archevêque de Paris... Que faire des tous ces intégristes ? Les marier, peut-être...

ça sert à quoi d'aller bombarder des djihadistes au Mali pour se retrouver avec des croisés défilant à Paris ?

Les opposants au mariage gay veulent ratisser large », titrait la Tribune de Genève de samedi. Et ils ont en effet ratissé large. Et surtout profond. C'est-à-dire bas. Les organisateurs de la manif d'hier n'ont cessé de se défendre de toute homophobie, et avaient même réussi à dénicher quelques homosexuels en les rassemblant dans un improbable collectif « plus gays sans le mariage » : le truc est le même que celui de ces antisémites qui, tous, avaient au moins « un copain juif »... Bref, sans aucune autre ambiguïté que celle de ses protestations hypocrites, et que celle du terme même d'homophobie qui suggère une peur, et auquel l'acteur Morgan Freeman a donné la précision qui convenait (« Je n'aime pas le mot homophobie. Ce n'est pas une phobie, vous n'avez pas peur. Vous êtes juste des connards !») la manif était bien de droite et homophobe. Mais d''abord homophobe, essentiellement homophobe, comme d'autres sont xénophobes. Ceux qui appelaient à y participer s'en cachaient d'ailleurs beaucoup moins que ceux qui l'organisaient : le sénateur UMP et marchand d'arme Serge Dassault parle de « décadence », l'ancienne ministre Christine Boutin tremble à l'évocation d'un « changement de civilisation gravissime », le Grand Rabbin Bernheim voit dans le mariage des homosexuels un « cheval de Troie contre l'hétérosexualité », l'Union des organisations islamiques (qui a fortement mobilisé ses troupes) craint qu'on en arrive à « légitimer la zoophilie et la polyandrie » (la polygamie, elle s'en charge), l'archevêque de Lyon voit poindre la légitimation de la «polygamie et de l'inceste» (prudent, il a évité d'évoquer la pédophilie, son église étant pourtant particulièrement compétente en la matière)... bref, on a eu droit à touts les amalgames, toutes les confusions, toutes les phobies, toutes les frustrations... Et la campagne contre le «mariage gay» s'est, logiquement, accompagnée d'une recrudescence de la violence verbale et physique contre les homosexuel-les.

Le slogan de la manif du 13 janvier, c'était « tous nés d'un homme et d'une femme ». Belle découverte : l'humanité ne se reproduit pas par scissiparité, ni par génération spontanée... comme si c'était de cela, de la reproduction sexuée, dont il était question... comme si la loi était là pour confirmer la nature -mais la nature n'a pas besoin de la loi pour être confirmée, et toute la fonction de la loi est précisément de dire autre chose que ce que dit déjà la nature, et de s'émanciper de celle-ci... sinon pourquoi interdire le viol ? Le projet de loi sur le « mariage pour tous » ne légifère pas sur la procréation mais sur la possibilité pour deux adultes consentants de codifier leur vie commune, que ces deux adultes consentants soit de sexes différents ou du même sexe. Que les mariés fassent ou non, puissent ou non faire, des enfants, n'est ni une condition, ni une obligation du mariage. Ou alors il faut aussi en exclure les couples hétérosexuels sans enfants. On fait depuis toujours des enfants hors du mariage, on se marie depuis toujours sans avoir l'intention (ou la possibilité) d'en faire, des enfants sont depuis toujours élevés par d'autres que leurs parents biologiques, les homosexuel-le-s font depuis toujours des enfants (pas entre eux, certes, et alors? )... Le mariage, quelque forme qu'il prenne, et quelques limites qu'on lui impose, n'a pas été institué pour « faire des enfants » puisqu'on en peut en faire sans lui, et qu'on peut n'en pas faire avec lui. Ce n'est pas le mariage qui rend possible le couple, c'est le couple qui rend possible le mariage, institué pour le pérenniser autant que faire se peut et désir de vivre ensemble se maintient, et pour assurer la transmission des héritages matériels. Et au passage pour rassurer les mâles sur l'ascendance de leur descendance...
Au fond, si l'on en excepte les prêtres catholiques qui, s'interdisant à eux-mêmes le droit au mariage, se sentent légitimés à l'interdire aux autres (tout en le sacralisant pour les hétéros), les manifestants d'hier ne font que nier aux autres un droit qu'ils revendiquent pour eux seuls, comme ces hommes du siècle dernier s'opposant au droit de vote des femmes. Le projet de loi du gouvernement français s'intitule « mariage pour tous », ses opposants répondent : « non, pour nous, seulement pour nous !» . Personne, d'ailleurs, ne songe à les empêcher de se marier. Et s'il se trouve une institution qui, s'agissant de relations sexuelles, affectives, amoureuses, ferait mieux de, définitivement, se la coincer dans le missel, c'est bien celle qui, tout en interdisant à ses prêtres de se marier et aux femmes l'accès à la prêtrise, ce qui en fait ironiquement une église littéralement homosexuelle, a couvert d'un silence de catacombes la pédophilie de ses hiérarques et de ses servants. Fort heureusement, ce combat qu'elles mènent contre le droit des homosexuel-les au mariage, après les combats contre le divorce, contre le partenariat, contre la contraception, contre le droit à l'avortement, les églises, la romaine en tête, l'ont déjà perdu et en leur sein les plus sagaces le savent.

Le 13 janvier, à Paris, si nombreuse qu'ait été la manif contre le «mariage gay», elle a rassemblé moins de personnes qu'il y a de couples homosexuels en France.

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