Initiative contre les rémunérations abusives : La mouche du coche

Le comité romand de soutien à l'initiative sur (c'est-à-dire contre) les « rémunérations abusives », dite, du nom de son auteur, «initiative Minder» a lancé sa campagne. Les adversaires de l'initiative ont depuis des semaines ouvert les feux, avec des moyens considérables, alors que le budget du comité romand de soutien est encore loin du strict nécessaire pour faire entendre une autre voix que celle des heureux bénéficiaires des «rémunérations abusives» et des entreprises qui ne voient aucun problème à ce que leurs dirigeants gagnent en un jour ce que les employés qu'ils licencient mettaient deux ans à gagner. Le combat s'annonce déséquilibré -mais la mouche obstinée du coche, en le harcelant peut le faire se renverser...
« Contre le fric, nous n'avons que le coeur »

L'initiative Minder n'est une initiative de gauche ni par son origine (Thomas Minder est Conseiller aux Etats apparenté UDC), ni par son contenu : elle ne remet pas en cause les règles fondamentales du capitalisme de casino, et moins encore celles du capitalisme tout court. Mais elle s'attaque, frontalement, à l'une de leurs manifestations les plus déplaisantes (pour ne pas user du qualificatif « nauséabondes ») : la rémunération de managers dont la « valeur » salariale ne correspond ni à leurs compétences, ni à leur travail réel, ni aux résultats de leurs entreprises (les dirigeants les plus calamiteux d'UBS étaient parmi les plus lourdement rémunérés, par exemple), mais à une sorte de délire autoalimenté (ces dirigeants décident en effet eux-mêmes de leur propre rémunération...) dont l'ancien procureur tessinois Paolo Bernasconi dit qu'il est le signe d'une triple crise, financière, du droit,  et des valeurs .
Alors, peut-être bien que, comme telle autre initiative populaire (cantonale celle-là, sur les tarifs des TPG), l'« Initiative Minder » est mal foutue. Peut-être bien. Mais comme l'initiative cantonale précitée, elle tape juste. Et elle tape là où ça fait mal à nos adversaires. On ne s'étonnera donc pas qu' Economie Suisse mette beaucoup d'argent (au moins huit millions de francs) dans la campagne contre l'initiative Minder. C'est-à-dire dans une campagne pour sauver le droit des top managers de parasiter les ressources des entreprises qu'ils « managent » -et que parfois, ils mettent à mal :  En 2006, les membres du Conseil d'administration et de la direction d'UBS ont reçu, ensemble, pour 253 millions de francs de bonus. Marcel Ospel a reçu 2,3 millions de francs d'indemnités de départ, Peter Kurer une rente de 3,3 millions, Carsten Kengeter un salaire de 13 millions en tant que chef de la banque d'investissement qui a fait six milliards de pertes (pas perdues pour tout le monde, apparemment), Oswald Grübel un cadeau de bienvenue de 13 millions etc... Depuis 2006, UBS a eu quatre présidents différents du Conseil d'administration, et a engagé quatre nouveaux directeurs généraux. Pour en arriver l'année dernière à annoncer la suppression de 10'000 postes dans les douze ans à venir. Y'a-a-t-il quelqu'un dans la salle pour considérer que les centaines de millions claqués en salaires, bonus, gratifications, primes de départ, cadeaux d'arrivée et suppléments de rentes sont le prix de la compétence de leurs heureux bénéficiaires ? Oui, il doit y avoir quelqu'un dans la salle pour trouver ce parasitisme légitime et cette distribution de prébendes normales : le président du PBD, par exemple, Martin Landolt, qui coordonne la campagne du patronat suisse contre l'initiative Minder. EconomieSuisse va mettre au moins huit millions dans sa compagne contre l'initiative. Une partie de ces millions provient de l'Association suisse des banquiers -et donc d'UBS. Il est bien placé pour combattre cette initiative, Martin Landolt : il est conseiller de la direction d'UBS. Il défend son beefsteak, Martin Landolt.

On soutiendra donc sans état d'âme -d'autant que nous doutons en avoir une- l'initiative Minder. Parce qu'elle est en quelque sorte un galop d'essai, un entraînement, une mise en forme avant deux campagnes qui s'annoncent aussi dure que celle que le vote du 3 mars va clore :la campagne pour l'initiative 1:12 de la Jeunesse Socialiste (pas de rémunération des dirigeants supérieure à douze fois celle de leur employée le-la plus mal payé-e), et la campagne pour l'initiative en faveur d'un salaire minimum. Ces deux initiatives aussi, et plus clairement que l'initiative Minder, remettent en cause les privilèges, les prébendes, les rapines des maîtres de l'économie de souk. Gageons donc que leur «bras armé», EconomieSuisse, consacrera à les combattre plus de millions encore que les huit, ou dix, ou douze, qu'elle va investir avant le 3 mars.
« Contre le fric, nous n'avons que le coeur », s'exclame Paolo Bernasconi. Il va nous falloir le mettre à l'ouvrage...

Commentaires

Articles les plus consultés