Sécurité, insécurité et gesticulations politiques : Maudet et Jornot sont dans un bateau...

Grande nouvelle à Genève : le ministre PLR de la Sécurité et le Procureur général PLR sont d'accord de travailler ensemble, et ont promis de faire appliquer la loi. Et les cris de satisfaction poussés à cette nouvelle en disent plus que des pages d'analyse où on en était avant que les deux responsables de la sécurité publique genevoise aient assuré qu'ils allaient faire leur boulot, le faire ensemble, et pour comble, en respectant la loi. Que faisaient donc leurs prédécesseurs, PLR elle et lui aussi, Rochat et Zappelli ? Reste que ces belles déclarations énamourées ne changent strictement rien aux données lourdes du problème « sécuritaire » genevois : « A l'avenir, il y aura une intensification de la violence », avait prévenu la cheffe de la police genevoise, s'adressant en décembre dernier au public de la « Cité Seniors ». Et de préciser qu'« on a affaire à des gens qui n'ont rien à perdre », à des « multirécidivistes qui vivent de leurs activités criminelles » et que la perspective de passer des mois ou des années en prison n'effraie pas plus que la peine de mort n'effrayait leurs homologues des siècles passés.

De la Grande Genève comme supermarché et de la délinquance comme clientèle


A l'avenir, il y aura une intensification de la violence : Si peu réjouissante que soit la perspective dessinée par Monica Bonfanti, on ne peut que la considérer comme évidente : le canton de Genève détient le record suisse des cambriolages, jusqu'à un millier certains mois en 2011, avec seulement 11,5 % d'élucidation des cas. Et Genève est aussi un espace important de deal de drogues illégales, avec tout ce que cela implique de nuisances collatérales. Explication ? c'est simple : 120 kilomètres de frontières, une agglomération riche au milieu, et dedans une population nombreuses de consommateurs de tout ce qui peut se vendre. Drogue comprise. Un supermarché, en somme, et la tentation de venir s'y servir. Ouvert 24 heures sur 24, tous les jours. Sans même que Christian Lüscher ait besoin de proposer des « nocturnes » au Conseil National. Une sorte de paradis libéral...

Plus sérieusement, si l'on en croit le « diagnostic local de sécurité » produit régulièrement à Genève, c'est le trafic de drogue, et plus précisément la présence constante et visible des dealers, qui est à la source de la montée du sentiment d'insécurité. Un trafic et une présence directement liées, et provoquées, par la criminalisation du commerce des drogues illégales (il n'y a pas ici de problème lié au trafic et à la présence de dealers de pinard... mais il y en aurait s'il venait à l'idée de l'Etat de rééditer la funeste expérience de la prohibition de l'alcool), et un trafic que les actions policière ne peuvent, ni ne pourront jamais juguler : entre avril et octobre, l'opération « Hydra »  menée contre le trafic d'héroïne n'a permis la saisie que de 12 kilos de drogue et le contrôle de moins d'un millier de consommateurs français : un rapport coût-résultat fort médiocre. 

Il y a aujourd'hui, à Genève comme dans presque toute l'Europe, à  la fois moins de violence et plus de violences, moins de sécurité et plus d'insécurités. Mais l'insécurité réelle (qui n'est pas dite par les statistiques de la criminalité et de la délinquance, qui ne mesurent que la criminalité et la délinquance dont la police et la justice ont eu à connaître, non celles, par exemple, qui s'exerce à domicile sans que les victimes ne les dénoncent)  est discriminatoire : elle épargne les plus riches et les plus puissants, elle frappe les plus pauvres et les plus fragiles. Et ce sont précisément les plus fragiles (les femmes, les aînés) qui se sentent les moins en sécurité. Et qui, de fait, le sont. Le discours sur l'insécurité est de plus en plus lourdement un discours de dérivation, de camouflage de la réalité: il évacue l'analyse, et toute tentative de solution, des problèmes sociaux au profit d'une « gestion de la délinquance » qui ne la résorbe pas, et la tient comme suspendue au-dessus, ou au-delà, des réalités sociales, comme si elle était une sorte de phénomène métaphysique. Au surplus, l'insécurité, réelle ou perçue, est un marché, où se développe fort libéralement ce que Philippe Robert décrit comme un « néo-prolétariat de surveillants moins coûteux et plus flexibles » que des agents de la force publique.

On sait bien que la réponse à l'insécurité ne peut être seulement policière et répressive, et que, plutôt qu'une politique de « tolérance zéro », qui n'est d'ailleurs qu'une rhétorique, c'est une politique de « réparation immédiate » des conséquences des délits et des crimes qui devrait être menée : d'abord parce qu'elle est possible, alors que la « tolérance zéro » ne l'est pas. Ensuite, parce qu'elle est mieux à  même que les discours vengeurs de rétablir les victimes dans leurs droits. On est loin d'atteindre un tel objectif. On est même loin d'être capables de se le donner. Les gesticulations policières genevoises, qu'elles soient le fait de la droite ou de la gauche, peuvent rassurer un temps, elles ne résolvent rien. Ni pour les victimes, ni pour la Cité...

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