Travail de nuit et du dimanche dans les « échoppes » routière pour commencer ?

Faites chauffer le référendum !

Le 14 décembre, il y a fort à parier que la majorité de droite du Conseil National adoptera en votation finale la proposition du libéral genevois Christian Lüscher de « libéraliser » la réglementation des  heures d’ouverture et de l'assortiment des échoppes des  stations-service des autoroutes et des « grands axes routiers ». L’automne dernier, le Conseil des États avait déjà décidé d'y rendre possible le travail de nuit et du dimanche. Au Conseil national, une minorité de gauche a bien tenté de limiter ces autorisations aux seules autoroutes, mais elle a été battue. Un référendum a d'ores et déjà été annoncé contre la décision attendue de « libéralisation ». Il aboutira sans problème. Et le dernier mot sera donné au peuple.  Et on a bon espoir qu'une fois de plus, ce dernier mot soit un « non » sonore. Comme le 28 novembre de l'année dernière, à Genève (à Zurich et à Lucerne, des projets semblables ont été semblablement repoussés. ), lorsqu'à une majorité sans équivoque, les genevois-es avaient refusé la proposition du patronat et de la droite d'étendre les horaires d'ouverture des magasins. C'est-à-dire, surtout, des grands magasins.


Du mercantilisme obsessionnel et du consumérisme compulsif


La proposition de « libéralisation » des heures d'ouvertures des échoppes autoroutières n'est pas une proposition anodine. Derrière elle, ou à côté d'elle, se profilent d'autres propositions du même tonneau, relevant d'une « stratégie du salami » consistant à découper en tranches de plus en plus fines la loi sur le travail (LTr) pour d'en extirper tout ce qui ressemble à une  interdiction de travailler la nuit ou le dimanche. On commence par certains magasins (les «échoppes» autoroutières), on élargit à tous les magasins, puis à l'ensemble des entreprises. But de l'exercice, et projet de société (on a celui qu'on mérite) : travailler 24 heures sur 24 en consommant 24 heures sur 24.
La victoire genevoise de novembre 2011, victoire des syndicats et de la gauche,  victoire sur le «travailler plus, consommer plus» patronal, était restée en travers de la gorge des patrons et de leurs porte-paroles politiques : sitôt le résultat du vote connu, ils avaient annoncé qu'ils n'en tiendraient pas compte et allaient reproposer ce qui venait d'être refusé. Les premiers, dans le silence des seconds, ont ensuite fait un pas supplémentaire en annonçant une « remise en cause du partenariat social », et de la convention collective, seule barrière (pour l'instant, dans l'attente d'un salaire minimum) contre le dumping salarial et social. Les conventions collectives sont fragiles : elles dépendent de la bonne volonté des «  partenaires sociaux ». Et quand l'un de ces « partenaires », comme  le patronat du secteur du commerce genevois, menace de ne pas les renouveler, et que les collectivités publiques n'interviennent pas pour combler le vide conventionnel, les salariées et les salariés sont, dans un secteur où les syndicats sont faibles, livrés au bon plaisir des patrons -et au bon désir de consommateurs dressés à réduire leur identité à leurs achats.

La crise économique (qui réduit les capacités de consommation des clients potentiels), la cherté du franc (qui les incite à aller faire leurs achats de l'autre côté de la frontière), le pessimisme ambiant (qui ne pousse guère à la frénésie consumériste) : tout cela inquiète les commerçants genevois. Qui, ne pouvant ni résoudre la crise, ni faire baisser le franc, ni rendre les consommateurs joyeux, ni fermer les frontières, ont ressorti leur gri-gri, et désigné leur bouc émissaire. Le gri-gri, c'est la prolongation des heures d'ouverture des magasins. Le bouc émissaire, ce sont les syndicats, qui s'y opposent et tiennent à maintenir à la fois la convention collective et la loi cantonale qui limitent toutes deux les possibilités des patrons du commerce de faire marner leur personnel la nuit, le dimanche et les jours fériés. La prolongation des heures d'ouverture des magasins, la présidente de la Fédération du commerce genevois, Fabienne Gautier, la voit comme « une solution visant à limiter les effets désastreux » de la crise. Comme si les consommateurs genevois allaient consommer plus sans avoir plus de ressources à y consacrer, pour la seule raison que les magasins seraient ouverts plus longtemps. Comme si les horaires d'ouverture avaient plus d'influence que les prix sur la consommation. Comme si la prolongation des heures d'ouverture des «échoppes» ou l'autorisation donnée d'y vendre des produits frais était une urgence sociale et économique. Comme si le projet d'une société où l'on achète et travaille nuit et jour, sept jours sur sept, relevait d'autre chose que d'un mercantilisme obsessionnel et d'un consumérisme compulsif.
Affections dont nous connaissons le remède : cela s'appelle un référendum. Et ça s'administre lors d'un vote populaire.

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