Candidatures socialistes au Conseil d'Etat : Quatre, sinon quoi ?


Le Comité directeur du PS genevois a donc pris la position qu'on souhaitait qu'il prenne : il propose au congrès du parti, le 9 mars prochain, de présenter au premier tour de l'élection du Conseil d'Etat les quatre candidat-e-s à la candidature qui se sont annoncé-e-s : Sandrine Salerno, Thierry Apotheloz, Anne Emery Torracinta et Roger Deneys. Une belle brochette tout ce qu'il y a de plus paritaire (et toc !) : deux magistrats, deux députés; deux hommes, deux femmes; deux citadins, deux périphériques (non, c'est pas péjoratif, lâche ce cardon, Roger...). A la gauche de la gauche, on n'est pas mécontents de cette proposition, mais chez les Verts, ça groume. Parce qu'on voudrait bien, de ce côté là, une liste unique au premier tour déjà, histoire d'assurer au second tour l'élection de leurs deux candidats à eux.

Alterus non sit qui suus esse potest


L'intention (qui n'est précisément encore qu'une intention) du PS de jouer pleinement le jeu des nouvelles dispositions constitutionnelles imposant une réelle élection à deux tours, avec exigence d'une majorité absolue au premier pour être élu-e, est parfaitement cohérente de son soutien à la nouvelle constitution. Mais a contrario, le mécontentement qu'elle suscite chez les Verts, qui avaient eux aussi soutenu la nouvelle constitution, paraît ne tenir que de l'inquiétude sur le sort que pourrait leur réserver un engagement en ordre dispersé de la gauche (au sens large) au premier tour de l'élection du Conseil d'Etat : ce sont eux, en effet, qui ont le plus à y perdre, puisque des trois partenaires potentiels d'une liste commune, ce sont eux qui ont le plus de sièges (deux) à défendre (les socialistes n'en ont qu'un, et ils veulent en reconquérir un deuxième, et la «gauche de la gauche» n'a pas et n'a pas à avoir d'ambition « gouvernementale », sauf à discréditer son propre discours oppositionnel).

Les Verts genevois plaident donc pour une « liste commune de la gauche dès le premier tour de l'élection au Conseil d'Etat ». Une liste sur laquelle cohabiteraient Michèle Künzler et Rémy Pagani aurait certes quelques chose de joyeusement incongru, mais le problème est qu'une telle liste est  impossible dès lors que la « gauche de la gauche » n'en veut pas, et qu'elle n'y a aucun intérêt, dès lors que son objectif n'est pas de conquérir un siège gouvernemental, mais de revenir parlement). Il ne resterait donc plus comme possibilité « unitaire » qu'une liste commune rose-verte. Une « unité » réduite, minimale, qui ne serait qu'une liste de la gauche gouvernementale,  plombée par le bilan calamiteux du gouvernement et du parlement sortant...
Ne conviendrait-il pas d'ailleurs, plutôt que de nous focaliser sur l'élection du gouvernement, d'accorder la priorité à celle du parlement ? Avec comme objectif d'y gagner une majorité entre verts, roses et rouges ? Car que pourrait faire, qui vaille la peine qu'on l'élise, un « gouvernement de gauche » sans majorité parlementaire ? En appeler (ou en faire appeler par les partis qui y sont représenter) systématiquement au peuple, comme lors de l'expérience du gouvernement «monocolore» de droite ? Autant se passer en effet totalement de représentants au Conseil d'Etat...

Le principal enjeu politique des élections de cet automne, c'est le rapport des forces au Grand Conseil -et donc le renforcement d'une gauche parlementaire réduite aujourd'hui aux Verts et aux socialistes, et à un tiers des sièges. Au plus bas depuis 72 ans... C'est à cela qu'il convient d'abord de remédier -et on n'y remédiera pas sans que la supposée « gauche de la gauche » revienne siéger au parlement. Le reste suivra ou ne suivra pas, mais, que notre quatre candidat-e-s nous pardonnent, est de moindre importance.

Enfin, il faudra bien remettre à l'heure de 2013 quelques compteurs politiques bloqués sur de vieilles rognes : les diverses composantes d'«Ensemble à gauche » (le Parti du travail, le DAL, solidaritéS) ont refusé (à raison, nous semble-t-il, en tout cas de leur point de vue, et en grande partie du nôtre aussi) d'entrer en matière sur la proposition d'un accord électoral pour l'élection du Grand Conseil et au premier tour de l'élection du Conseil d'Etat, et décidé de (prenons notre souffle) « donner la priorité à une liste commune et unique de la gauche de la gauche pour une rentrée la plus massive possible au parlement cantonal, sur la base d'une unité politique qui se fonderait -notamment- sur les acquis du front commun d'opposition aux partis gouvernementaux construit contre le projet de nouvelle Constitution genevoise ». Ouf. ça c'est de la phrase ! De la belle langue de bois brut dont on fait les cromornes mugissant au fond des urnes... Le problème, c'est que ce « front commun d'opposition aux partis gouvernementaux » a été défait dans les urnes, malgré l'apport de l'électorat du MCG, et que le projet de nouvelle constitution a été accepté en votation populaire (avec une abstention massive).
Fonder une « entrée massive » au parlement sur les « acquis » d'une défaite, il faut être la gauche de la gauche genevoise pour imaginer pareille stratégie...

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