Elections cantonales genevoises : Ouverture des jeux (de chaises musicales)

Les élections cantonales genevoises, c'est pour cet automne. Le jeu des chaises musicales (disons : des sièges musicaux) pour l'élection du Conseil d'Etat, c'est déjà maintenant. Et les incertitudes sur les alliances, c'est depuis quelques mois. Bref, on s'affaire à droite et à gauche (il y a longtemps qu'il n'y a plus de « centre », à supposer que cet improbable espace ait jamais été autre chose que le moyeu d'une girouette). On soupèse, on calcule, on jauge, on lance des avertissements sans frais. On fait de la politique comme on fait ses comptes. Au risque d'oublier ce qui justifie qu'on en fasse : avoir un projet politique, et pas seulement un plan de carrière. 
« Denak ala inor ez, dena ala ezer ez ! »

Nous « faisons de la politique ». Nous ne faisons pas que cela, heureusement pour nous et pour les autres, mais nous en faisons. Et « faire de la politique», dans une démocratie représentative, où l'on élit des femmes et des hommes supposés nous représenter (alors qu'à vrai dire, nous ne sommes pas représentables), c'est préparer les élections. Choisir des candidates et des candidats, concocter des alliances pour les faire élire. La politique, c'est cela, aussi. Pas cela d'abord (d'abord, ce sont les programmes, les projets, les idées), mais cela  aussi. Parce que la politique se fait avec des hommes et des femmes réel-les, et pas seulement avec des idées. Et qu'il vaut mieux commencer assez tôt à choisir que se retrouver contraint  de bricoler au dernier moment.
A Genève, c'est pour les sièges gouvernementaux que se joue le jeu des chaises musicales.  A gauche (ce qui se passe à droite, à vrai dire, on s'en fout un peu), les Verts sont partisans d'une liste «  réduite », pour assurer le maintien de leurs deux sièges, et en particulier celui de leur conseillère d'Etat sortante, Michèle Künzler : deux des leurs, deux socialistes, un(e) Ensemble à gauche (appellation pas encore garantie). Seulement voilà : les socialistes, eux, ont d'ores et déjà quatre candidats à la candidature, et nous ne voyons aucune raison de renoncer à aucun-e d'entre eux et elles. Quatre candidat-e-s, avec une belle liste de parités complémentaires : deux femmes et deux hommes, une députée et un député, une magistrate (qui sera Maire de Genève au moment de la campagne électorale) et un magistrat, deux membres du parlement et deux membres d'un exécutif, avec chacun-e un électorat, des priorités, des langages et des notoriétés complémentaires les uns des autres... les socialistes seraient stupides de se priver d'une ou de deux de ses candidatures...
Quant à la « gauche de la gauche », sa priorité est de s'unir, au moins en apparence, pour pouvoir reprendre au parlement la place que lui donne sa force électorale (la plus forte de Suisse), actuellement éparpillée et gaspillée au gré des inimitiés et des concurrences. Cette unité de cette gauche-là est la condition nécessaire d'une majorité parlementaire de gauche; or le premier (et parfois le seul) des dénominateurs communs de ses diverses composantes est sa dénonciation du positionnement des Verts, et surtout de celui du PS. Il n'est donc pas dans l'intérêt électoral, ni même plus hautement, dans la cohérence politique d'une coalition qui se dira antigouvernementale de se «  coller » à une liste de la gauche gouvernementale... Il serait même beaucoup plus logique qu'au premier tour de l'élection du gouvernement, cette gauche-là fasse campagne pour elle-même et pour elle-même seule, quitte ensuite, par une liste commune ou par un appel à voter « contre la droite », à se coaliser avec le PS et les Verts au second tour, contre la droite et l'extrême-droite.
Quant au PS, quel intérêt aurait-il à former avec les Verts une coalition exclusive de ses partenaires, même critiques et concurrents, de gauche ? Une telle coalition le repousserait sur la droite, le plomberait du bilan calamiteux du gouvernement sortant, l'empêcherait de se présenter comme porteur d'une «autre politique», le condamnerait à assumer celle suivie depuis quatre ans alors que celle qu'il défend en est fondamentalement contradictoire.

Une alliance de toute la gauche, de celle regroupée dans l'actuelle coalition « Ensemble à gauche » à celle, centriste, incarnée par les Verts, se justifie toujours : elle est indispensable pour le deuxième tour de l'élection du gouvernement. Mais il s'agit bien de « toute la gauche », et cette totalité est une condition nécessaire à une telle alliance. Sinon, même si un apparentement est conclu pour l'élection du Grand Conseil, il vaudra mieux que chacun fasse campagne indépendamment des autres, sur son programme, ses priorités, son discours : on y gagnera tous en clarté, en cohérence et en crédibilité, puisqu'en indépendance.
En ouvrant le jeu comme la gauche neuchâteloise vient de le faire (elle présente cinq candidats pour les cinq sièges du Conseil d'Etat, et le PS à lui seul 113 candidats pour les 113 sièges du Grand Conseil), on se donnera la possibilité de mobiliser la totalité de nos électorats respectifs, pour les rassembler ensuite au deuxième tour. La nouvelle constitution genevoise, qui sera en vigueur au moment des élections cantonales, impose désormais une élection gouvernementale en deux tours, avec l'exigence d'une majorité absolue au premier. Ce système, que les partis socialistes et les Verts ont soutenu, a sa logique  : au premier tour, chaque parti rassemble son propre électorat derrière ses propres candidats, et eux (elles) seul-e-s. Et au deuxième tour, les partis se coalisent en fonction de leurs proximité respective et de leurs adversaires communs, et ces coalitions se confrontent.
Ce serait tout de même une assez amusante incohérence qu'à gauche les seuls à tenir compte des dispositions de la nouvelle constitution soient ceux qui l'ont combattue (Ensemble à gauche), et que ceux qui, majoritairement au moins, l'ont soutenue (le PS et les Verts), en ignorent les possibilités...

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