Partis politiques : Du bon usage des entraves statutaires

Que circule le sang neuf !

L'Assemblée générale du PS de la Ville de Genève a «toiletté» les statuts du parti municipal. En abolissant, notamment, l'obligation de la parité des genres sur les listes électorales pour le Conseil administratif. La proposition ne pouvait être suspectée de machisme, puisqu'elle émanait, entre autres, de féministes, soucieuses de permettre la présentation, un jour, de deux femmes au lieu que le parti se contraigne à présenter forcément un homme dès que l'on présente plusieurs candidatures. Peu importe, au fond : l'exigence de parité ou les quotas n'ont pas seulement pour fonction d'assurer une «représentation équitable des deux sexes dans les organes», comme le disent avec une poésie quasiment strauss-kahnienne quelques statuts socialistes, mais aussi d'assurer un renouvellement des représentations socialistes. De faire circuler du sang neuf, en somme.


«  Avec le temps, va, tout s'en va... »

La parité des genres (ou les quotas de genres), la limitation des mandats et de leur cumul, participent d'un dispositif délibéré d'entrave à la reconduction systématique des élus à leurs postes. Un dispositif délibéré, puisqu'il procède non d'une loi que les partis politiques seraient tenus de respecter pour pouvoir se présenter aux élections mais d'un choix de certains de ces partis (dont le PS), et un dispositif d'entrave, puisqu'il consiste à restreindre le pouvoir des instances qui désignent les candidats (les assemblées générales, au PS) en leur imposant des règles qu'elles ne peuvent contourner ou ignorer (quoique la douce habitude socialiste de s'arrêter au milieu des gués ait produit des possibilités de « dérogations » à ces règles). Ce qui se traduit, très concrètement, par l'impossibilité de désigner comme candidat-e-s à des élections des élu-e-s disposant pourtant d'une majorité en assemblée générale -on se souvient que ce fut le cas de Christian Grobet, qu'une majorité des socialistes assemblés voulaient présenter pour un quatrième mandat, mais qui n'avait pas obtenu la majorité qualifiée des deux tiers pour pouvoir être à nouveau candidat).

Un député ou un conseiller municipal qui se présente et se représente pendant quinze, vingt ou vingt-cinq ans, empêche un-e autre d'accéder à son siège. Un élu qui cumule les mandats empêche quelqu'un d'autre d'exercer l'un des mandats qu'il cumule. C'est aussi simple que cela : le notabilisme, c'est une thrombose, le notable un caillot qui empêche le renouvellement des représentations politiques. Si talentueux qu'il soit, si précieuse que puisse être son expérience, le politicien qui s'accroche à son siège comme un morpion à une couille est de trop.
Quant les « figures » d'un parti politique, au parlement ou au gouvernement, sont les mêmes pendant vingt ans, ce parti, forcément, lasse. Ces figures aussi, mais les réseaux constitués pendant ces vingt ans, les habitudes prises, ont solidifié leur base électorale comme un socle sur lequel elles peuvent paisiblement compter pour être reconduites à leur poste législature après législature.
Le Parti socialiste, puisque c'est lui que l'on prend ici comme exemple (y zonant depuis 35 ans, on en connait un peu les pratiques) dispose d'un «réservoir» de militantes et de militants largement suffisant pour, quoi qu'il s'en dise dans les réunions ou l'on pleure sur la « difficulté de trouver des bons candidats », assurer à la fois sa représentation dans les parlements et les exécutifs, et le renouvellement de cette représentation. Le problème se pose sans doute autrement dans des partis moins « installés », plus récents, à la base plus restreinte (quoique pas moins militante pour autant), et donc plus enclins à accepter, par facilité, les permanences personnelles et les cumuls de mandats, faute précisément d'un «réservoir»  suffisant pour les remplacer. Mais même pour ces partis et ces organisations-là, représentations éternelles et cumuls de mandats sont sources de faiblesses -et pour leur électorat, de lassitude à «voir toujours les mêmes têtes».  Quant  au PS, et pour les partis « historiques » du champ politique (le terme « historique » n'ayant évidemment rien de péjoratif), c'est-à-dire aux grands partis de droite (à Genève, aujourd'hui, le PLR et le PDC), ils ont tout à gagner en représentativité, en renouvellement et en crédibilité -et donc en légimité- à s'imposer à eux-mêmes des règles forçant à ce renouvellement. La parité ou les quotas, le non cumul des mandats et leur limitation sont sans doute les plus efficaces de ces règles.
Il est vrai que par le fait même de leur efficacité, ces règles sont gênantes. Pas pour les partis qui les adoptent, mais pour celles et ceux qu'elles frappent. Et à qui il est toujours difficile de faire comprendre, non seulement que « nul n'est indispensable » , mais que le modèle du politicien radical-socialiste de la IIIe République, député éternel, Maire à vie, ministre récurrent et pour le surplus président immuable du Conseil Général, n'a, surtout à gauche, et même à Genève, plus sa place ailleurs que dans un musée politique.

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