Fonds de tiroir

La Ville de Genève ne renonce pas à imposer des salaires décents pour ceux et surtout celles qui nettoient ses locaux (tâche qu'elle sous-traite à des entreprises privées). En octobre 2011, la justice l'avait, sur plainte des entreprises privées de nettoyage, déboutée après qu'elle ait publié un premier appel d'offre posant comme condition un salaire de 25 francs de l'heure. Les patrons estimaient que cette condition violait la «liberté économique», le Tribunal administratif les avaient suivis dans cette argumentation. La Ville change de méthode: elle ne fixe plus elle-même un salaire, mais détaille les critères du choix de qui décrochera le marché; le prix de la prestation va peser pour 35 % dans l'évaluation des offres, l'expérience et la formation du personnel pour 20 % et le salaire pour 15 % (plus il sera élevé, mieux le critère sera rempli). Les patrons ne sont pas plus contents de cette méthode que de la précédente et accusent la Ville de s'asseoir sur le « partenariat social ». Ils préferaient que la Ville municipalise le personnel de nettoyage et engage elle-même nettoyeuses et nettoyeurs en les intégrant dans sa fonction publique ? Si elle ne le fait pas, c'est qu'elle préfère offrir du travail (payé correctement) à cinquante à deux cent personnes (surtout des femmes, surtout des migrantes sans formation) travaillant à des temps trop partiels pour entrer dans le cadre de la fonction publique municipale. Mais faudrait pas que le patronat en fasse trop, parce qu'un « partenariat social » qui accouche d'une convention collective prévoyant un salaire de 19 francs 35, on n'est pas très sûrs de vouloir le défendre avec acharnement. D'autant que dès qu'il le peut, le patronat le piétine, le « partenariat social ». Comme dans le commerce non alimentaire, où il a refusé de signer la convention collective de travail parce que les syndicats ne cédaient pas à ses exigences.

Après l'adoption (tumultueuse) d'une motion invitant le Conseil administratif de la Ville de Genève à user de la possibilité, offerte par une ordonnance fédérale, d'engager de jeunes « sans-papiers » comme apprentis, le MCG a sort un communiqué menaçant de lancer un référendum. Un référendum contre quoi ? Y'a pas de référendum possible contre une motion, ni contre l'engagement de qui que ce soit par la Ville de Genève. Reste plus qu'au MCG qu'à proposer de changer la constitution et les lois. Et à apprendre à lire l'une et les autres. Et à écouter ceux (et surtout celles) qui, héroïquement, essaient de lui faire comprendre à quoi sert un Conseil Municipal. Parce que des fois, l'alphabétisation politique, c'est vraiment un apostolat.

Le Musée de la Croix-Rouge, qui avait reçu un don de 150'000 francs de «Japan Tobacco International» pour son agrandissement, déclare s'être trompé en l'acceptant (en fait, il l'avait carrément sollicité) et plaide le manque de « vigilance » (les règles internes de la Croix Rouge excluent les alliances avec des entreprises qui fabriquent ou vendent des produits nocifs pour la santé). Mais Japan Tobacco est furax et refuse le remboursement de son don : donné c'est donné, rendu c'est... euh... fumé ? Résultat : les 150'000 balles de JTI sont sur un compte bloqué. Ouais, déjà que se débarrasser des mégots, c'est chiant, mais quand ils valent 150'000 balles, c'est franchement galère...

Le Syndicat des Services Publics (SSP), qui a lancé et fait aboutir le référendum contre la fusion des caisses de pension publiques genevoises CIA et CEH, est très colère : il dénonce des agissements «antidémocratiques» du Conseil d'Etat, qu'il accuse de « désinformation, abus de position de pouvoir, propagande politique ». C'est-à-dire d'abord l'envoi à tout le personnel (enseignant ou non) du Département de l'Instruction Publique, par le Conseiller d'Etat Charles Beer, d'une missive appelant à voter « oui » à la fusion (ce que le Conseil d'Etat dément, puisqu'il affirme que la « brève missive » en question ne donnait pas de consigne de vote). Ensuite, un document de propagande du PDC (appelant à voter «oui») a été diffusé aux cadres de la Maison de Vessy. Le SSP accuse la direction, qui nie et affirme que le document a été envoyé par un «collaborateur excédé par l'ampleur de l'affichage du SSP » en faveur du «non». Enfin, un professeur du Collège Rousseau aurait été menacé de sanctions pour avoir diffusé une prise de position contraire à celle du syndicat des enseignants secondaires, qui appelle à voter « oui ». Et le SSP de menacer de demander l'invalidation du scrutin, si le Conseil d'Etat ne diffuse pas, à ses frais et à tous les collaborateurs de l'administration, le matériel de campagne  du SSP lui-même. Ben en voilà un vote qui passionne. Enfin, peut-être pas les électrices et les électeurs, mais en tout cas le SSP et le Conseil d'Etat. La prochaine étape, c'est quoi ? Si le « oui » l'emporte, l'interdiction du syndicat par le Conseil d'Etat, et si c'est le « non » qui l'emporte, la prise d'assaut de la Tour Baudet par la milice du syndicat ?

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