Fonds de tiroir

Le président de la commission des Finances du Conseil municipal de la Ville de Genève a pris une décision historique : Albert Velasco a supprimé les deux bouteilles de jaja qui accompagnaient le repas offert aux commissaires entre la fin de la séance de 17 heures 30 et le début de celle de 20 heures 30, à la Mairie. Raison de cette mise à tempérance : la consommation du pinard n'aide pas (pour user d'un euphémisme) à la sérénité des débats, et « en abaissant le niveau éthylique de la commission, nous seront plus dignes de la confiance des citoyens ». Alors évidemment, plutôt qu'abaisser le niveau éthylique de la commission, on devrait s'attacher à rehausser le niveau politique de ses membres, mais dans certains cas, c'est carrément mission impossible. Donc, on fait ce qu'on peut, et on désalcoolise. Mais ça plaît pas à tout le monde : le Conseiller municipal MCG Daniel Sormanni en appelle à ses collègues et au secrétariat du Conseil pour réalimenter les verres à vin, et le Conseiller municipal UDC Eric Bertinat considère que le problème n'est pas l'alcool, «  mais le comportement déplacé de certains élus ». Sauf que des élus imbibés qu'il faut évacuer des lieux de réunions, ou faire démissionner du Conseil, ça fait quand même un peu désordre. Alors nous, on ne voit aucune objection à ce que les abreuvoirs des Conseillers municipaux de la Ville ne puissent plus contenir d'alcool. Et pas seulement ceux de la commission  des Finances, ceux de la buvette du Conseil, aussi. Mais là, ça va être une autre paire de manche, et on entend déjà les hurlements de ceux pour qui le droit de se pinter avant, pendant et entre les séances du Conseil Municipal est un droit politique fondamental et la buvette le siège réel des institutions démocratiques de la République.

A Genève, le Bureau des proposé-e-s à la protection des données et à la transparence (PPDT) doit renoncer à effectuer les contrôles qui sont de sa compétence, alors même qu'on vient d'apprendre que des données «sensibles» de l'administration fiscale ont abouti, grâce à la sous-traitance, là où elle n'auraient pas dû aboutir. Et pourquoi le PPDT doit-il renoncer à faire une partie du boulot pour lequel il y été créé ? Parce que « pour faire des économies » (et montrer à la préposée « arrogante » kicèkikommande dans ce canton), on a supprimé deux des quatre postes de travail dont il disposait, dont le chef du secrétariat et le juriste. Résultat : plus possible de faire autre chose que de l'accompagnement et du conseil aux citoyens qui, s'appuyant sur la Loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD) sollicitent d'avoir accès à des documents d'administrations, d'autorités ou d'entreprises publiques, voire de les rendre, précisément, publics. Mais c'est tout ce que le Bureau pourra encore faire. Il ne pourra même plus effectuer le contrôle obligatoire du système d'information Schengen. Encore un effet boeuf des démangeaisons budgétaires des comptables de droite.

Depuis deux ans, syndicats et patronat négociaient à Genève un accord sur la lutte contre la sous-enchère salariale sur la chantier du CEVA. Deux ans de boulot, et un accord trouvé. Pour des prunes : le Comité de pilotage (automatique ? à l'aveugle ?) du « chantier du siècle » a refusé d'inclure la « responsabilité solidaire » de toutes les entreprises (adjudicatrices et sous-traitantes) dans les contrats d'adjudication des travaux, et refusé aussi de constituer un fonds social permettant d'assurer le paiement des salaires. Le canton de Genève promettait pourtant que le chantier allait être « exemplaire » au plan social. Exemplaire, il semble qu'il le soit au plan du foutage de gueule : le prétexte trouvé pour refuser le principe de la responsabilité solidaire est que celle-ci a été inscrite dans la loi fédérale en décembre dernier. Avant, ceux qui refusaient ce principe arguaient du fait qu'il n'était pas inscrit dans la loi. Du coup, les syndicats (Unia, SIT, Syna) menacent : si d'ici au 19 février, responsabilité solidaire et fonds social ne sont pas institués pour le second oeuvre, ils se retireront de la « cellule tripartite » et mèneront des actions syndicales sur le terrain. Ils ont raison : non seulement l'enjeu en vaut le coup, mais une « grève du siècle » sur le « chantier du siècle », c'est peut-être le seul moyen de rappeler aux zautorités les promesses qu'elles firent au moment de la soumission dudit chantier au vote populaire...

Depuis 2010, on démantèle à Genève le cadre conventionnel des relations de travail dans le commerce de détail. Mercredi dernier, par voie d'annonce dans la presse, le patronat a annoncé la mort de la convention collective du commerce non alimentaire. En 2010, c'était la convention cadre du secteur dont le patronat avait provoqué la mort, en exigeant pour le renouveler que ce que le peuple avait refusé (la prolongation des horaires d'ouverture des magasins) soit tout de même inscrit dans la loi. Résultat: il ne reste dans ce secteur que des contrats collectifs d'entreprises, quand elles en ont conclu, et le minimum légal. Si c'est comme ça que le patronat du commerce de détail croit pouvoir convaincre de la nécessité de le suivre quand il sabote la mobilité douce, prône des parkings partout et l'ouverture des magasins la nuit, le dimanche et les jours feriés, autant le lui dire tout de suite : il se la met dans l'oeil, et bien profond.

Selon les statistiques de la Commission Européenne, la part des femmes dans les Conseils d'administration a augmenté dans tous les pays de l'UE, sauf en Bulgarie, en Pologne et en Irlande, et elles représentent désormais 17 % des administrateurs « non exécutifs » (15 % en 2011) et 10 % des administrateurs « exécutifs » (8,9 % en 2011). En Suisse, fin 2011, les femmes représentaient 11 % des administrateurs des entreprises cotées au SMI et occupaient 7 % des postes de direction. Voila. Cela dit, on ne sait pas s'il faut se féliciter de ces modestes progressions, ou se dire que le féminisme n'aura pas gagné quand il y aura plus de patronnes que de patrons, mais seulement quand il n'y aura plus de patrons ni de patronnes du tout. Bon, d'accord, on rêve.

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