Prolongations des heures d'ouverture des bistrots : Oui... euh, non... oh et puis merde...

Prolongations des heures d'ouverture des bistrots : Oui... euh, non... oh et puis merde...

Ainsi, on devrait se mobiliser contre le refus des demandes faites par des bistrots de prolonger leurs heures d'ouverture de minuit à deux heures. On s'est beaucoup mobilisés auparavant pour refuser de prolonger les heures d'ouverture des magasins. Va-t-on récolter pendant la journée des signatures contre la prolongation des heures d'ouverture des uns, et pendant la soirée des signatures pour la prolongation des heures d'ouverture des autres ? Dénoncer le discours consumériste à midi, et le proclamer à minuit ? On nous avait déjà fait le coup avec le Moa, on nous le refait avec les 28 bistrots : il en irait de la vie même de la ville.  Ne tient-elle vraiment qu'à cela ?

Le calvinisme n'est plus ce que l'on croyait qu'il était...

Vingt-huit patrons de bars des Eaux-Vives, de Plainpalais et de Carouge se sont vus refuser (dans un premier temps) leur demande de prolongation à deux heures du matin de leurs heures d'ouverture, le semaine et même le week-end. ça sera donc minuit. Motif du refus : « la tranquillité publique ne pourrait être respectée si l'exploitation de l'établissement concerné devait se poursuivre au-delà de minuit ». La tranquillité publique, c'est-à-dire celle des habitants du quartier. Evidemment, les tenanciers concernés sont furax, et vont faire recours : « nous réalisons le 20 % de notre chiffre d'affaire mensuel entre minuit et deux heures le week-end » précise l'un d'entre eux. La Jeunesse Socialiste appelle de son côté à une manif ce soir  minuit à deux heures sur la Plaine de Plainpalais, pour une « ville vivante et festive ». Alors on va se la jouer vieux con ronchon. D'abord, parce que ça fait du bien, tant qu'on n'en fait pas une vocation ou une posture permanente. Ensuite parce qu'on commence à avoir l'âge du rôle...

Certes, les critères de la décision du service ne sont pas d'une limpidité aveuglante, et on a l'impression qu'un paquet ficelé a été fait, pour les refuser en bloc, de toutes les demandes provenant d'une rue animée (l'Ecole de Médecine, Blanvalet) sans faire aucune différence entre bars bruyants, restaurants tranquilles et bistrots animés... mais si ces décisions sont contestables, parce qu'infondées, peut-on réellement admettre que la mesure du caractère « vivant et festif » de la ville soit les heures d'ouverture de ses bistrots ? Et qu'en fermer vingt-huit à minuit ou une heure plutôt qu'à deux heures, va rendre « Genève triste et austère »  ? La moitié des bistrots du canton (919 sur 1860) ont demandé une autorisation de prolonger leurs heures d'ouverture. La plupart d'entre eux (799 sur 919) l'ont obtenue, 92 devront se contenter d'une prolongation jusqu'à une heure, et 28 devront fermer à minuit : 6 à la rue de l'Ecole de Médecine, 6 à la rue Blanvalet, 4 à la rue Vautier. 28 sur 1860 , c'est pas la fin du monde, non ? si ? Ah bon... Il nous reste pourtant encore 800 rades à disposition, mais on dénoncerait le retour du calvinisme ? Pauvre Calvin, qui sirotait paisiblement sa bibine au cimetière des Rois entre André Chavanne et Grisélidis Réal, et que l'on nous brandit une fois de plus comme un épouvantail... Décidément, le calvinisme n'est plus ce que l'on croyait qu'il était (il n'avait fermé à Genève ni les bistrots, ni même les bordels)...

A celles et  ceux de nos camarades que ce combat semble aujourd'hui mobiliser prioritairement, un petit rappel semble s'imposer : Nous avons soutenu le personnel de la vente, et ses syndicats, dans son opposition à la prolongation des heures d'ouverture de ses lieux de travail -et donc à la prolongation de son temps de travail; nous avons enregistré avec satisfaction que la population, lorsqu'elle était consultée en votation sur ces prolongations, les refusaient. Comme nous le lui recommandions. Nous avons admis que le travail nocturne devait être limité au strict nécessaire, et non pas étendu à la satisfaction des envies de consommation immédiate. Alors, chères et chers camarades que la fermeture à minuit de votre bistrot préféré scandalise, allez chercher dans vos archives les prises de position des commerçants du centre-ville ou des syndicats patronaux lorsque furent soumises au vote populaire les propositions d'extension des horaires d'ouverture des magasins... lisez-les, impregnez-vous en... n'en changez qu'un mot, un seul, pour un autre, un seul : mettez  « bistrots »  à la place de  « magasins », et vous aurez le discours qu'on nous invite à tenir aujourd'hui parce que 28 magasins, pardon, 28 bistrots se sont vu refuser l'autorisation d'ouvrir jusqu'à 2 heures du matin plutôt que jusqu'à minuit. Ce discours, vous l'aurez avec tous ses lieux communs ( « Genève se meurt », « la clientèle va consommer ailleurs »), toutes ses approximations (« une ville, ce sont ses commerces »), toutes ses affirmations sans preuve, ou relevant de la méthode Coué ( « la population demande des ouvertures prolongées »,  « il y a un besoin»).. et, surtout, avec ce qui le sous-tend, constamment : la réduction de la liberté individuelle à la pulsion consumériste -sur quoi qu'elle puisse porter.
Plusieurs des bistrots dont la demande de prolongation des heures d'ouverture a été refusée sont de toute évidence victimes d'une décision injuste, s'agissant de leur cas particulier. Ils auront donc raison de faire recours contre cette décision. Pour autant, devrons-nous nous sentir requis de nous mobiliser aux côtés des commerçants du centre-ville et des syndicats patronaux pour exiger, s'agissant de tous les bistrots, ce que nous combattons face aux mêmes commerçants du centre-ville et aux mêmes syndicats patronaux, s'agissant des magasins ? Fera-t-on signer en même temps une pétition contre la non-prolongation des heures d'ouverture des bistrots et le référendum contre la prolongation des heures d'ouverture des magasins ? A partir de quand les symptômes de la schizophrénie deviennent-ils alarmants ?

Et puis, surtout, des combats plus urgents, des revendications plus essentielles, que celle de pouvoir s'abreuver deux heures de plus dans un bistrot plutôt que dans un autre, ne nous requièrent-ils pas ? 

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