Quand l'approche des élections éloigne la réflexion
On cherche gauche nouvelle
Les périodes pré-électorales génèrent à gauche un
étrange climat intellectuel, une sorte de mise en sommeil des
grands débats, d'éloignement apparent des grands enjeux, pour un
repli sur les nécessités tactiques et rhétoriques qu'imposent
précisément les élections. Les alliances se font ou se défont, non
pour des raisons de convergences ou de divergences capitales, mais
en conséquence de ces nécessités, et en traduction de calculs
assez simples, et d'objectifs plus simples encore : gagner des
sièges (ou à tout le moins ne pas en perdre), revenir au parlement
si on en a été sortis, y faire son entrée si on n'y fut jamais.
C'est une petite dizaine de mois (avant, pendant et juste après)
les élections à passer ainsi, à reporter à plus tard les
questionnements auxquels nous n'avons pas encore su répondre...
la Hanse ou le Temple ? L'Enyclopédie ou Alamût ?
Dans Gauche Hebdo de la semaine dernière, Laurent
Tettamanti, co-fondateur des Communistes, annonçait qu'il les
quittait pour participer avec d'autres camarades « à la
construction d'un nouveau mouvement ayant pour but une révolution
citoyenne, dans la ligne de Mélenchon et du Front de gauche en
France ». Front de gauche dont s'inspirent également les divers
courants déjà existants (ou survivants) de la « gauche de la
gauche » genevoise, re-coalisés pour refaire leur entrée au
parlement cantonal. Le nouveau mouvement que Tettamanti et ses
camarades veulent créer, ils le veulent pour « relever la tête sur
le terrain idéologique », avec une « nouvelle radicalité qui
redonne espoir au peuple ». Or ce n'est pas qu'affaire de
discours : les nouvelles pratiques d'une gauche nouvelle doivent,
sauf à reproduire à la fois les causes, les conditions et les
effets d'un siècle de défaites et d'errances, être déterminées
autant que limitées par leur cohérence avec le projet même au nom
de quoi elles sont développées. Il s'agit de réconcilier le faire
de la gauche avec son dire, de lui faire faire ce qu'elle dit et
dire ce qu'elle fait. Toute autre attitude mène soit à un discours
sans réalité, c'est-à-dire à l'impuissance, soit à une réalité
contraire au discours, c'est-à-dire à une imposture.
Le choix entre le dire et le faire que manifeste la rupture que cultivent aujourd'hui toutes les organisations de gauche présentes dans les institutions politiques, des communes aux Etats centraux, n'est qu'un choix entre le médiocre et le pire, entre l'échec et la catastrophe, tant que l'effort n'est pas fait de réconcilier le projet et la pratique. Nous croyons cette réconciliation possible. Nous la tenons même pour nécessaire à la capacité de changer radicalement l'ordre des choses, capacité qui seule peut légitimer un mouvement socialiste.
Le choix entre le dire et le faire que manifeste la rupture que cultivent aujourd'hui toutes les organisations de gauche présentes dans les institutions politiques, des communes aux Etats centraux, n'est qu'un choix entre le médiocre et le pire, entre l'échec et la catastrophe, tant que l'effort n'est pas fait de réconcilier le projet et la pratique. Nous croyons cette réconciliation possible. Nous la tenons même pour nécessaire à la capacité de changer radicalement l'ordre des choses, capacité qui seule peut légitimer un mouvement socialiste.
Nous avons à donc réapprendre à nous passer de ce
que nous combattons, à dépasser ce dont nous proposons le
dépassement, à renoncer à ce dont nous proposons l'abolition.
C'est affaire de cohérence et c'est ce qui peut, exemplairement,
marquer la différence entre le refus socialiste du monde tel qu'il
est et l'opposition populiste à ses maîtres, à la posture
d'indignation sans prolongement politique. Le populisme (de
gauche, de droite, du milieu ou d'ailleurs) ne propose pas un
changement des règles du jeu social et politique, mais une simple
substitution des maîtres du jeu, les chefs populistes prenant
simplement la place des «princes qui nous gouvernent». C'est une
chose en effet de proposer de nouveaux maîtres, mais c'en est une
autre, d'une toute autre ambition, que de proposer de se passer
des maîtres -et non seulement de le proposer, mais de récuser la
maîtrise dans la réalité et la pratique politique, et de
construire déjà face au monde tel qu'il est le monde tel qu'il
devrait être.
A quoi nous engagerait réellement, cette exigence de cohérence entre le dire et le faire ? D'abord que nous appliquions pour nous-mêmes, entre nous et dans nos rapports avec les autres, ce que nous proposons à la société toute entière -notre programme. Elle signifie ensuite la nécessité de pousser ce programme à son terme logique, et de renoncer à le configurer (c'est-à-dire à le réduire) à ce que l'on croit possible de faire admettre à court terme à une majorité de l'électorat ou de l'opinion publique. Un programme socialiste, ce n'est pas seulement,le programme d'une organisation socialiste ou se disant telle, mais un programme exprimant une alternative -une alterité et un conflit- aux trois fondements du capitalisme (qu'il soit social ou libéral) : l'Etat, le salariat, la propriété privée.
L'exigence de cohérence signifie enfin qu'il nous faut repenser l'organisation même de nos forces -repenser nos organisations, y compris celles qui se disent encore « partis » et ne sont plus généralement que des comités électoraux. Deux modèles s'offrent alors à qui veut d'une gauche radicalement activiste : la Hanse ou le Temple, L'Enyclopédie ou Alamût, la Première Internationale ou l'Internationale Situationniste -bref, le réseau démocratique ou la conspiration aristocratique. Il nous faudrait sans doute pouvoir les conjuguer, vivifier le premier par la seconde, humaniser la seconde par le premier, fonder une organisation qui ait la liberté de l'une et l'exigence de l'autre...
A quoi nous engagerait réellement, cette exigence de cohérence entre le dire et le faire ? D'abord que nous appliquions pour nous-mêmes, entre nous et dans nos rapports avec les autres, ce que nous proposons à la société toute entière -notre programme. Elle signifie ensuite la nécessité de pousser ce programme à son terme logique, et de renoncer à le configurer (c'est-à-dire à le réduire) à ce que l'on croit possible de faire admettre à court terme à une majorité de l'électorat ou de l'opinion publique. Un programme socialiste, ce n'est pas seulement,le programme d'une organisation socialiste ou se disant telle, mais un programme exprimant une alternative -une alterité et un conflit- aux trois fondements du capitalisme (qu'il soit social ou libéral) : l'Etat, le salariat, la propriété privée.
L'exigence de cohérence signifie enfin qu'il nous faut repenser l'organisation même de nos forces -repenser nos organisations, y compris celles qui se disent encore « partis » et ne sont plus généralement que des comités électoraux. Deux modèles s'offrent alors à qui veut d'une gauche radicalement activiste : la Hanse ou le Temple, L'Enyclopédie ou Alamût, la Première Internationale ou l'Internationale Situationniste -bref, le réseau démocratique ou la conspiration aristocratique. Il nous faudrait sans doute pouvoir les conjuguer, vivifier le premier par la seconde, humaniser la seconde par le premier, fonder une organisation qui ait la liberté de l'une et l'exigence de l'autre...
Le choix, en tout cas, n'est pas entre la réforme
et la révolution. Nous ne reprochons pas à la gauche dont nous
sommes d'être réformiste, mais de ne même plus l'être, et ce que
nous attendons d'une gauche résurgente n'est pas le refus du
réformisme, mais l'engagement dans un réformisme radical,
activiste, procédant aux réformes sans attendre que l'autorisation
lui en soit donnée par cela même qu'il faut au moins réformer :
les institutions et les pouvoirs auxquels nous auront forcément à
nous confronter, puisque notre projet est inconciliable avec les
règles de ce qu'il veut changer, et que telle est la mesure de son
caractère socialiste.
Ce réformisme serait révolutionnaire. Bien plus, en tout cas, et sans avoir grand effort à faire pour cela, que les reliefs de révolutionnarisme rhétorique parant des pratiques identiques à celles dont il veut faire croire qu'il est l'alternative.
Aux élections genevoises de cet automne, il n'y aura pas de gauche nouvelle qui se présentera aux citoyennes et aux citoyens.
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