Transports publics genevois : Et maintenant, la gratuité ?

« 2012 n'a pas été une bonne année pour les transports publics », reconnaît, dans « Le Courrier » du 28 février, la présidente (verte) du Conseil d'administration des TPG, Anita Frei. En fait, c'est surtout pour les usagers des transports publics que 2012 a été assez calamiteuse, mais 2013 s'annonce peut-être pour eux, en ce 3 mars, comme l'année d'une éclaircie, puisque l'initiative « tarifaire »  de l'AVIVO a triomphé en votation populaire de l'Union Sacrée des TPG, de la droite et de la gauche gouvernementales. En fait, l'élément essentiel de cette initiative n'était pas tant le tarif qu'elle proposait, que la procédure d'adoption des tarifs, qui devront désormais être fixés par le parlement et seront soumis à référendum. C'est un acquis démocratique (ceux qui paient vont pouvoir décider, s'ils le souhaitent), et peut-être même un pas possible vers la gratuité des transports publics. On ne boudera donc pas notre plaisir -accru par la déconfiture des « (con)gestionnaires » actuels des transports publics genevois, de leurs porte-plumes, porte-serviettes et porte-paroles politiques -y compris à gauche.

Gratuité : Ce n'est qu'un début, recommençons le débat...


A près de 56 %, et avec une participation médiocre mais pas particulièrement calamiteuse, les Genevois-es ont donc accepté, à la surprise générale, l'initiative de l'AVIVO « stop à la hausse des tarifs TPG », alors même que, l'AVIVO mise à part (et elle avait peu de moyens), et quelques illuminés dans notre genre avec elle, les organisations (en particulier à « gauche de la gauche ») qui appelaient à soutenir l'initiative n'avaient guère fait campagne pour elle, lui privilégiant un objet, la fusion des caisses publiques de retraite, qui ne méritait guère l'honneur d'efforts particuliers mais fut néanmoins proclamé enjeu historique supposé permettre la distinction entre la « vraie gauche » et les sociaux-traîtres (sur ce coup, nous en fûmes, sans le moindre remord)... Ce résultat est une excellente chose, même compte tenu des défauts de l'initiative, puisque ceux-ci peuvent être corrigés par la procédure même qu'elle impose pour la fixation des tarifs des TPG. Une excellente chose parce qu'elle permet in fine au peuple de se prononcer sur les tarifs des transports publics. Une excellente chose aussi, parce qu'elle balance une bonne claque au petit monde politique et technocratique qui gravite autour du Conseil d'administration des TPG -le même petit monde qui avait applaudi à l'exclusion des magistrats de la Ville de Genève dudit Conseil d'administration : ça valait bien la peine, d'en virer Rémy Pagani pour que trois mois plus tard 57 % des votants en forcent la porte...
L'initiative portait sur les tarifs des TPG, mais le vote d'hier s'explique aussi par l'annus horribilis infligé en 2012 aux usagers. La présidence du Conseil d'administration des TPG  reconnaît elle-même que pour les transports publics, et surtout pour leurs utilisateurs, l'année 2012 « n'a pas été une bonne année»: la mise en place du nouveau réseau a  carrément été ratée, d'autant qu'elle était cumulée à une augmentation des prix et à des décisions absurdes, comme le changement de tracé de la ligne 3... La traduction bête et brutale de cette situation en chiffres est sans ambiguïté : la vente de billets à l'unité a chuté de deux millions en un an -l'augmentation des tarifs n'y est évidemment pas pour rien (on ne dira jamais assez quelle contradiction il y a à proclamer une « priorité aux transports publics » en faisant payer plus cher le billet TPG d'une heure qu'une heure de parking de bagnoles...), la fréquentation stagne en-dessous des objectifs du « contrat de prestations », la «vitesse commerciale» dépasse à peine celle de la marche  et la présidente du Conseil d'administration reconnaît qu'atteindre les objectifs prévus est «illusoire» tant qu'on n'aura pas donné la priorité aux TPG sur les autres véhicules (ce qui implique forcément une diminution de l'accessibilité du centre-ville pour les voitures), qu'on ne pourra pas rétablir rapidement les lignes de tram supprimées (13 et 16) à cause de la « densité du réseau à Bel-Air et sur le pont de la Coulouvrenière », ni établir avant 2025 une ligne de tram reliant la rive gauche à la gare par le pont du Mont-Blanc.
Or maintenant, c'est de la gratuité des transports publics dont il devrait être question -la gratuité de leur usage par les usagers, et donc leur financement par l'impôt; cela dit,  la plupart des usagers sont aussi contribuables, et s'ils doivent s'acquitter en outre d'un billet ou d'un abonnement (à moins de bénéficier d'une prébende comme celle dont bénéficient, s'ils ne la refusent explicitement, les députés, les conseillers municipaux -ceux de la Ville en tout cas- ou les membres du Conseil d'administration des TPG) ces usagers-contribuables paient deux fois : une fois en tant qu'usagers, une fois en tant que contribuables.  La question de la gratuité des transports publics se pose donc pour les usagers seuls. Les véhicules, le personnel, l'entretien et le nettoyage du matériel, la sécurité, tout cela a un coût. Qui l'assume actuellement ? Les contribuables, déjà, et les usagers, de surcroît. Et les usagers qui sont contribuables, deux fois.
La gratuité des transports publics n'a rien d'utopique, d'abord parce qu'elle est déjà pratiquée ailleurs, et pas seulement dans de petites ou moyennes villes comme Aubagne ou Châteauroux, mais également dans une ville comparable à Genève : Tallinn.  Il s'agit de promouvoir la gratuité à l'intérieur d'une zone restreinte (une ville, une agglomération...), pas forcément à l'échelle d'une région entière, et pas forcément d'un coup, d'un seul, à l'échelle d'une agglomération :  Il serait tout à fait concevable de commencer par l'instaurer dans une zone plus restreinte que celle où on la projette finalement : l'instaurer par exemple seulement sur le territoire de la Ville de Genève, ou seulement sur les lignes de trams, puis l'étendre progressivement à un territoire plus large et à l'ensemble de sa population, puisqu'il s'agit bien de cesser de lui imposer le paiement d'une condition (le déplacement) nécessaire à la couverture de besoins ou de droits fondamentaux (le travail, la formation, les loisirs).

Le débat sur la gratuité des transports publics ne fait que (re)commencer. Lorsque l'initiative des Communistes avait été soumise au vote, nous n'avions pas su mener ce débat de manière à convaincre une majorité populaire (il s'en fallut même de beaucoup) de la légitimité et de la rationalité de cette proposition, mais le vote de hier remet en tout cas quelques pendules de gauche à la bonne heure...

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