Fonds de tiroir



En 2007, le Parti du Travail avait lancé, et croyait avoir fait aboutir, une fort utile initiative populaire interdisant les expulsions de locataires si aucune solution de relogement n'est proposée, et dans tous les cas entre octobre et mars et toute l'année si le taux de logements vacants est inférieur à 1,5 % (il était de 0,33 % en 2012). Le PdT avait déposé 12'400 signatures au bas de cette initiative, ce qui aurait été largement suffisant si de nombreux personnes sans droit de vote (notamment des étrangers) ne l'avaient signée, ce qui a fait tomber le nombre de signatures valables au-dessous des 10'000, et fait échouer le texte. Six ans plus tard, la situation n'ayant pas changé (rien qu'en 2011, près de 300 expulsions ont été exécutées, dont la majorité avec intervention de la police) le PdT relance son texte, en assurant que cette fois-ci, il contrôlera les listes de signatures avant de les déposer. En effet, vaut mieux. Parce que franchement, vous trouvez digne d'une ville comme Genève de faire expulser en plein hiver, et sans leur proposer au moins un logement d'urgence, des locataires ayant du retard dans le paiement de leur loyer ? Nous, pour dire les choses franchement, on trouve ça proprement dégueulasse. Et encore, l'oxymore est de trop.

Bonne nouvelle (mais à prendre avec prudence, il reste trois mois pour qu'elle se confirme ou s'infirme dans les urnes) : selon un sondage publié dimanche dans la «SonntagsZeitung», l'initiative 1:12 de la Jeunesse Socialiste, qui propose de plafonner le salaire maximum versé par une entreprise à douze fois le salaire minimum, recueillerait 49,5 % de « oui »  contre 40 % de «non», avec un peu moins de 10 % d'indécis. Au sein de l'électorat socialiste (le PS soutient évidemment l'initiative), les « oui »  atteignent 71,7 %, et ils atteignent tout de même 40 % au sein de l'électorat PDC et 38 % au sein de l'électorat UDC. Et seulement 22,9 % au sein de l'électorat du PLR, ce qui n'est pas franchement une surprise (on est même étonné que près d'un électeur radelibe sur cinq soutienne l'initiative...). Bref, si ça ne nous annonce pas un triomphe à la Minder, ça peut annoncer un bon résultat, contre l'avis du Conseil fédéral, des deux chambres du parlement, de la plupart des partis politiques et, évidemment, des organisations patronales. N'empêche que du coup, on regrette le départ de Daniel Vasella pour les Amériques. Parce que sa prime de départ de 70 millions, elle avait eu un effet boeuf en faveur de l'initiative Minder. Il va nous manquer Vasella. Et il nous manquera aussi pour le campagne en faveur du salaire minimum. Mais bon, d'autres goinfres du même genre pourraient nous faire le même usage. Suffit de les trouver. Quoique, instruits par l'exemple, et coachés par EconomieSuisse, ils risquent de se faire un peu plus discrets...

Le « Club de Berne », vous connaissez ? Ben nous, on ne connaissais pas, avant que « Le Matin Dimanche » de dimanche dernier nous en cause. Ce club, c'est la rencontre semestrielle, quelque part dans une capitale européenne, des chefs des services de renseignement européens (Norvège et Suisse compris), une sorte de séance de troc où les participants échangent des informations. Et où c'est celui qui en a le plus à proposer qui pourra en obtenir le plus. Et les Suisses sont bien fâchés de ne pouvoir en proposer beaucoup, parce que la loi les restreint dans la collecte des infos. Du coup, le Service de renseignement fédéral (SRC) propose, par la voix de son ministre de tutelle, Ueli Maurer, de modifier la loi pour pouvoir mieux surveiller les méchants (vu qu'évidemment, ce ne sont qu'eux, trafiquants d'armes, espions, terroristes, qui sont visés, promis, juré). Ce qu'il voudrait, le SRC, c'est que ses agents puissent procéder à des écoutes téléphoniques, placer des traceurs sur les bagnoles ou les valises, pirater des ordinateurs, pénétrer dans des lieux privés pour y poser des micros et des caméras, et tout ça de manière préventive, avant que d'éventuels délits soient commis par les personnes ainsi surveillées. ça se fait pas, tout ça, maintenant ? Ben si, alors même que la loi ne l'autorise pas. Mais ça se contourne, ou s'oublie, la loi. Les agents étrangers, les sociétés privées de surveillance et les détectives privés en Suisse ne s'en privent pas, et font tout ce que le SRC affirme s'interdire de faire. En nous priant de le croire. Et en nous priant de croire aussi que, ne le faisant pas, il s'interdit aussi de demander à d'autres (des privés) de le faire à sa place. Bref, le SRC demande que la loi l'autorise à faire ce que les autres font. On dirait une ado grincheuse : « toutes mes copines peuvent le faire et moi j'ai pas le droit, c'est pas juste...». De grands enfants, finalement, nos barbouzes...

Il est parfois réconfortant de constater que les jeunes militants des jeunes partis peuvent être aussi cons que les vieux militants des vieux partis. Et c'est ainsi qu'on a appris avec le sourire que le Parti Pirate genevois demande (comme un député PLR) l'invalidation du vote sur (et pour) l'initiative populaire de l'AVIVO « stop aux hausses des tarifs TPG », acceptée il y a dix jours. Motif de la démarche du Parti Pirate (et du député PLR) : le texte soumis au vote n'était pas le même que celui qui avait été signé par les partisans de l'initiative. La différence ? Une parenthèse indiquant la tranche d'âge de l'abonnement « junior »  (6-18 ans), présente sur les feuilles de récolte de signatures et absente du texte présenté dans la brochure officielle des votations. On se contentera donc de demander au Parti Pirate (et au député PLR) pourquoi ils ont attendu plusieurs jours après la votation pour mettre cette différence en exergue, alors que la brochure la contenant était distribuée depuis près d'un mois. Ils ne lisent pas les documents des votations avant les votations, le Parti Pirate (et le député PLR) ?  Ils hivernaient ? Paraît que le Parti Pirate pourrait s'apparenter, voire faire liste commune, avec les Verts Libéraux aux prochaines élections. Faut pas qu'il hésite. Incontestablement, ils se méritent l'un, l'autre, les pirates de prêtoires et les libéraux verdis...

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