On vote le 9 juin sur le droit d'asile : L'« urgence » au prix des droits ?

La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, pour défendre les «mesures urgentes en matière d'asile » soumise au vote populaire le 9 juin assure qu'«on ne peut pas parler de durcissement de la Loi sur l'asile. Le projet soumis en votation ne restreint pas la notion de réfugié». Non, il ne fait que restreindre la possibilité de se réfugier... Ces « mesures urgentes » ne consistent pas seulement à pouvoir ouvrir des centres d'hébergement fédéraux et à pouvoir utiliser pour cela, sans demander l'autorisation des cantons et des communes, des installations existantes : elles consistent aussi à ne plus reconnaître la désertion et l'objection de conscience comme motif suffisant d'obtention de l'asile politique et à rendre impossible le dépôt d'une demande d'asile dans les ambassades suisses... toutes mesures sur lesquelles Simonette passe comme chatte sur braises. Il est vrai que son parti (le nôtre) combat désormais les mesures qu'elle défend... « Le Conseil fédéral et le parlement veulent des procédures d'asile équitables et des décisions rapides », explique la ministre. Equitables, vraiment ?  Et rapides à quel prix ? au prix du droit d'asile ?

Glissement de terrain politique : Eboulis udécistes sur la droite

Les choses sont claires, et clairement affirmées par le Conseil fédéral et la majorité parlementaire : les « mesures urgentes dans le domaine de l'asile », combattues par référendum mais déjà en vigueur depuis début septembre, ne sont qu'un premier pas vers une refonte complète du droit et de la politique d'asile de la Suisse. Et ce genre de « refontes », depuis des listes, on sait ce qu'elles contiennent : à chaque fois, un durcissement du traitement des requérants après un rétrécissement des possibilités d'obtenir l'asile... Les partisans de ces « mesures urgentes », d'ailleurs, l'annoncent, et ce « premier pas » a une direction bien précise : autoriser la Confédération à créer des centres d'hébergement en réquisitionnant, sans avoir à demander l'avis des communes et des cantons, des bâtiments généralement militaires, et souvent isolés; supprimer la possibilité de demander l'asile dans les ambassades (11 % des requérants d'asile dans les ambassades pouvaient venir en Suisse y poursuivre la procédure de traitement de leur requête, et 40 % d'entre eux se voyaient finalement octroyer l'asile); ne plus reconnaître la désertion et l'objection de conscience comme motifs suffisant pour obtenir l'asile. Et tant pis (ou tant mieux ?) si ce sont des motifs suffisants pour être exécutés sommairement dans des pays comme l'Erythrée ou la Somalie.
Enfin, la révision « urgente » donne aux autorités le pouvoir d'écarter des foyers de requérants, pour les placer dans des centres spécifiques, ceux qui seront considérés comme «  récalcitrants ». C'est-à-dire ? On ne sait pas. Ou on ne veut pas savoir : la définition qu'en donne la loi est si floue (celui qui «menace la sécurité et l'ordre public ou qui, par son comportement, porte sensiblement atteinte au fonctionnement du centre ») qu'elle peut s'appliquer aussi bien à un fou furieux cassant tout qu'à quelqu'un qui refuse de consommer la nourriture proposée. D'autant que le simple soupçon que le requérant puisse commettre une infraction semble suffisant pour le qualifier de «récalcitrant». Et qu'il n'y a pas de possibilité de recours contre une décision de mise à l'écart avant que cette mise à l'écart ait pris fin, et qu'on ne précise pas par qui et comment la décision de sanction à l'égard d'un « récalcitrant » sera prise. Enfin, le seul exemple que l'on connaisse de centre spécifique pour requérants « problématiques » est calamiteux : c'est celui du centre de Landquart, dans les Grisons -à son bilan  : incendie volontaire, bagarres violentes, et un homicide. Pourquoi avoir intégré une telle disposition dans la révision, alors que les requérants peuvent déjà être sanctionnés (privation d'argent de poche, transfert dans un autre lieu, expulsion dans la rue) pour leur comportement ? Pour bien montrer aux requérants qu'ils ne sont pas les bienvenus et que tout sera fait pour qu'ils cessent d'être requérants, quitte à les transformer en clandestins ?

Une bonne nouvelle, tout de même, dans cette Grauzone : Les femmes PDC ont décidé d'appeler à voter « non » aux « mesures urgentes », alors même que leur parti conduit la campagne du « oui ». Honneur à elles. Et les évêques catholiques (qui n'ont pas encore pris position formellement), dénoncent dans la révision « urgente » des points qui « pourraient porter atteinte à la dignité humaine ».  Honneur à elles et aussi, en toute laïcité, à eux. Et déshonneur, en miroir, à feue l'aile « humaniste » du PLR, totalement coite dans ce débat -à la seule exception, à notre connaissance, de l'ancien Conseiller national libéral Claude Ruey, actuel président de l'oeuvre d'entraide protestante aux réfugiés (EPER, l'équivalent suisse de la Cimade française), qui dénonce l'alignement des partis bourgeois sur l'UDC et sa «  démagogie sur le dos des réfugiés » (l'EPER appelle elle aussi à combattre tout durcissement de la loi sur l'asile, qui n'amène qu'à « fabriquer des délinquants et va à l'encontre de la dignité humaine »).
Le PLR, il est vrai, est (comme le PDC) de plus en plus aligné sur l'UDC, qui n'a cessé de leur tailler des croupières électorales dans leurs bastions respectifs (dernier exemple en date : le Valais), et les deux semblent persuadés, à l'instar du président du PLR, Philippe Müller, du vice-président du même PLR, Christian Lüscher, ou de « l'homme qui monte » au PDC, Gerhard Pfister, qu'ils vont remonter la pente par la face droite -alors que c'est précisément par cette face que les éboulis udécistes ne cessent de leur tomber sur la gueule.

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