1er mai : Des droits, du respect

Cette année, à Genève, le 1er Mai se célèbre* sous le mot d'ordre : «Renforcement des droits et respect des salarié-e--s ». Dans son manifeste, la Communauté genevoise d'action syndicale observe la dualité à l'oeuvre sur le terrain social (et politique) genevois -Genève n'étant là qu'un exemple, et pas une exception : « Cadeaux fiscaux, dividendes en hausse et bonus démentiels d'un côté, dumping salarial et licenciements de masse de l'autre ». A quoi on ajoutera l'extension de la précarité sociale et le renforcement de la xénophobie d'Etat (c'est d'ailleurs avec un sens remarquable de l'opportunité et du symbole que sur décision du Conseil fédéral, c'est à partir d'aujourd'hui 1er mai, fête internationale et internationaliste des travailleuses et des travailleurs, que les travailleurs et les travailleuses d'Europe verront leur accès au travail en Suisse  limité par un contingentement). A tout à l'heure :
*11 heures, rassemblement devant le monument aux combattants de la Guerre d'Espagne (rue Dancet),
15 heures, départ de la manifestation  Bd James-Fazy,
dès 17 heures, rassemblement festif parc des Bastions


Défiler au temps du muguet en attendant celui des cerises

De quoi donc vous attendez-vous à ce que l'on vous cause, un 30 avril, dans un quotidien de gauche ? C'est la question qu'on posait hier dans l'autre quotidien de gauche (le sérieux) et qu'on vous repose ici (vu qu'on est aussi un quotidien de gauche, mais nettement moins sérieux) : aujourd'hui, 1er mai, c'est du 1er mai qu'on vous cause ! Et pourquoi du 1er mai ? Parce que c'est la fête des travailleuses et des travailleurs. Pas la fête du travail. La fête du travail, c'est un détournement, une parodie, une célébration de la soumission laborieuse, inventée par les régimes fascistes, précisément pour que l'on cesse de célébrer les travailleurs (pour ne rien dire des travailleuses). Alors pour celles zéceux qui ne lisent pas Le Courrier, on vous remet la compresse : nous allons célébrer, demain, avec une petite pensée pour Paul Lafargue et une grande tendresse pour le droit à la paresse, les travailleuses et les travailleurs, pas le travail; les salariées et les salariés, pas le salariat; les employées et les employés, pas l'emploi. Des gens, des femmes et des hommes, pas ce à quoi ces femmes et ces hommes sont contraints par les nécessités ou les lois.
Mais évidemment, les slogans, les mots d'ordres unitaires, les discours officiels du 1er mai, feront (quelques paroles anars brisant peut-être le consensus laborieux) moins référence à la vieille espérance d'être libérés du travail contraint pour pouvoir trouver l'espace de l'oeuvre libre (au cas où: « ouvrier », ça vient d'« oeuvre », et l'ouvrier et l'ouvrière sont ceux qui oeuvrent) qu'à la revendication d'être mieux payés, mieux protégés, mieux garantis, pour le travail que l'on fait, parce qu'on y est mis et qu'il faut bien bouffer (et payer l'écran géant de sa télé et le leasing de son 4x4).  Et quelque critiques que nous puissions être à l'égard du travail contraint, ces revendications sont aussi les nôtres -et si elles ne l'étaient pas, le refus de nos adversaires d'y faire droit suffirait à nous convaincre de leur nécessité.

Dans ce pays sans réelle protection des droits et des activités syndicales, les licenciements collectifs sont un outil de gestion du personnel comme les autres.
Dans ce pays qui n'a pas réellement construit un véritable système de sécurité sociale, les éléments, disparates et insuffisants, qui en sont les prémisses (l'AVS, l'AI, le 2ème pilier, l'assurance-chômage, l'aide sociale...) sont attaqués les uns après les autres par les majorités politiques fédérale et cantonales.
Dans ce pays qui proclame fièrement offrir les plus hauts salaires d'Europe, sinon du monde, les inégalités salariales grandissent (le salaire médian a même reculé à Genève entre 2008 et 2011), et les salaires n'augmentent que là où on a pu assurer le respect de conventions collectives contenant des salaires minimaux -mais le gouvernement fédéral et les partis majoritaires refusent l'instauration d'un salaire minimum légal.
Dans ce pays qui fait du respect de la loi un dogme quasiment religieux, les moyens de faire respecter celles sur le travail sont dérisoires, et il faut, même à Genève où ces moyens sont moins étiques qu'ailleurs, que les syndicats lancent une initiative populaire pour les mettre au niveau de ce qui est nécessaire.
Enfin, dans ce pays qui ne s'est construit que par l'apport de l'immigration, et qui ne fonctionne que grâce à l'apport des immigrés, le gouvernement central ne trouve rien de mieux à faire qu'activer la « clause de sauvegarde » des accord bilatéraux et introduire un contingentement de l'immigration légale  pour «donner un signe» aux xénophobes (de droite et d'ailleurs -y'en a même à gauche, hélas), dans la perspective de votations à risques : celle sur l'élargissement de la libre circulation des personnes à la Croatie, celle sur l'initiative de l'UDC contre «l'immigration de masse» et celle des écoxénophobes d'Ecopop. Comme si les immigrants étaient responsables du dumping salarial et de la dégradation des conditions de travail, et innocents les patrons qui les embauchent, fixent leur salaire et déterminent leurs conditions de travail.

Alors aujourd'hui 1er mai, fête des travailleurs, non fête du travail, fête internationaliste, non fête patriotique, on défilera au temps du muguet en attendant celui des cerises, avec des revendications qui ne vont sans doute pas aussi loin que nos rêves, mais bien plus loin tout de même que notre réalité.

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