Fonds de tiroir

Amnesty International rappelle qu'un pays sur dix dans le monde procède encore à des exécutions capitales légales  et plusieurs pays qui y avaient renoncé, tout en continuant de le prévoir dans leurs lois, s'y sont remis en 2012 : l'Inde, le Japon, le Pakistan, par exemple. En 2012, sur les 193 Etats membres de l'ONU, 21 continuaient d'exécuter légalement, et, sans compter la Chine (qui exécute à elle seule plus que tous les autres Etats, mais ne fournit aucun chiffre), on a dénombré 682 exécutions officiellement reconnues (sans compter les exécutions «extrajudiciaires», commises par la police, l'armée, des milices gouvernementales ou des services spéciaux), soit deux de plus eu'en 2011. Au Proche et Moyen-Orient, où ont lieu les trois quarts des exécutions légales (Chine non comprise) 99 % de celles-ci ont été commises en Irak (129 exécutions en 2012, deux fois plus qu'en 2011), en Iran (314) et en Arabie Saoudite (79) (aucun chiffre n'est disponible pour la Syrie et l'Egypte). Fin 2012, près de 24'000 personnes étaient sous le coup d'une sentence de mort dans le monde, dont 1722 condamnées en 2012 dans 58 pays. Dont 77 aux USA, 86 au Vietnam91 en Egypte, 106 en Thaïlande, 153 en Algérie, 199 au Soudan, 242 au Pakistan. 140 Etats sont abolitionnistes en droit ou en pratique, 58 conservent la peine de mort dans leur législation de droit commun. Et dans tous les pays qui l'ont abolie, des nostalgiques veulent la rétablir. Bref, y'a encore quelques pas à faire sur le chemin de la civilisation...

Alors que l'Europe, obsédée par l'immigration en provenance du sud, ne cesse de renforcer ses barricades et ses dispositifs de filtrage, des centaines de milliers d'Européens quittent chaque année l'Europe pour tenter de faire le voyage inverse de la plèbe périphérique. Les bureaux des représentations angolaises, mozambicaines, brésiliennes au Portugal ploient sous la charge des Portugais désireux d'émigrer (plus de 100'000 Portugais se sont installés en trois ans en Angola, où ils sont désormais aussi nombreux que lorsque l'Angola était colonie portugaise...), en Espagne ce sont les représentations des pays d'Amérique latine qui sont assaillies, et de nombreux jeunes cadres français regardent l'Afrique avec les mêmes yeux que des centaines de milliers de jeunes Africains regardent l'Europe. Et du coup, la xénophobie d'Etat et la chasses aux immigrants illégaux se font des deux côtés de la Méditerranée et de l'Atlantique : les garde-côtes algériens renvoient en Espagne des Espagnols voulant se faire embaucher en Algérie, et les service de l'immigration angolais expulsent des Portugais en situation irrégulière. Quant à nous, ici, pendant que Maudet entasse des « sans-papiers » à Champ-Dollon, on attend avec impatience la première fournée d'immigrants clandestins suisses expulsés de France Et la création en Haute-Savoie d'un parti politique anti-frontaliers genevois. La Schadenfreude, ça s'appellera, notre ricanement...

Interrogé sur le budget de la campagne que son organisation patronale, l'Union patronale suisse, entend engager contre l'initiative syndicale pour un salaire minimum, le président de lUPS, Valentin Vogt répond (dans la « Tribune de Genève » du 9 avril) : « nous avons fait l'erreur de communiquer notre budget dans le cadre de la campagne contre l'initiative Minder, nous ne communiquerons plus sur ce point ». Ni d'ailleurs sur les moyens de communication (autres que les affiches) qui seront utilisés. Chat échaudé craint l'eau froide et patrons désavoués craignent la transparence, quoi. Mais ça suggère que des moyens encore plus considérables que ceux engagés en vain contre l'initiative Minder vont l'être contre l'initiative syndicale. Ben ouais : la lutte des classes, le patronat, il connaît. Et la lutte des classes, le patronat, il pratique.

« Cela fait quarante ans que le nombre de sous-alimentés, principalement des exclus ou des minorités, n'a pas diminué » et se situe toujours autour de 860 millions de personnes, dont 70 % de femmes et de filles, rappelle dans « Le Temps » de lundi le spécialiste du droit à l'alimentation, Christophe Golay. Pourquoi y'a-t-il toujours autant d'affamés ? A cause des inégalités dans l'accès aux ressources alimentaires, des gaspillages et du report de productions alimentaires humaines vers des productions alimentaires pour le bétail.  Et pourquoi les femmes et les filles sont-elle particulièrement frappées ? Du fait de discriminations multiples, à commencer par celles de salaires et de revenus. Christophe Golay rappelle que la terre a largement de quoi nourrir toute sa population humaine, laquelle augmente moins vite que la production agricole. Alors, proclamer le droit à l'alimentation, et même donner la possibilité de l'invoquer devant un tribunal, comme en Inde, c'est bien, mais l'Inde n'a pas réussi à réduire la sous-alimentation de sa population la plus pauvre, contrairement à la Chine, qui n'a pourtant adopté aucun dispositif légal de revendication du droit à l'alimentation. Et contrairement aussi au Brésil, qui a privilégié, sous la présidence de Lula, la mise en place d'un vaste système d'assistance sociale qui a permis de réduire des trois quarts la mortalité infantile. Rappeler que la faim n'est pas une fatalité, qu'elle est un produit des structures sociales, et qu'on peut donc l'éradiquer en modifiant ces structures, c'est utile, en ces temps où les vieux réflexes malthusiens renaissent un peu partout, et qu'on préfère (même chez nous, toutes proportions gardées, évidemment), s'en prendre aux pauvres qu'à la pauvreté. Et aux affamés qu'à la famine.

Pierre Maudet assure (dans « Le Temps » de mardi dernier) vouloir « travailler sans tabou » pour résoudre le problème de la surpopulation de la prison de Champ-Dollon. Ah ouais, « sans tabou », vraiment ? Alors il va peut-être renoncer à la bourrer de gens qui n'ont rien à y faire, la prison ? Non. faut pas pousser. Sans tabou, mais pas sans calcul, le Maudet, à quelques mois des élections : vider la prison de ceux qui n'ont rien à y faire, c'est pas porteur. Ce qui est porteur, c'est d'y enfourner un maximum de gêneurs. Et d'en construire de nouvelles, des prisons. Des tas de nouvelles. Qu'on pourra bourrer à leur tour...

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