Fonds de tiroir

Le 1er mai, c'est la fête internationale des travailleurs et des travailleuses. Internationale, voui, pas nationale et patriotique, frontières fermées, volets clos et hallebarde à portée de pogne. Et c'est donc à partir du 1er mai, fête internationale des travailleuses et des travailleurs que les travailleurs étrangers et les travailleuses étrangères verront leur accès au travail en Suisse (et donc leur libre circulation) limité par un contingentement décidé par le Conseil fédéral, qui a activé la « clause de sauvegarde » des accord bilatéraux pour «donner un signe» aux xénophobes (de droite et d'ailleurs -y'en a même à gauche), dans la perspective de votations à risques : celle sur l'élargissement de la libre circulation des personnes à la Croatie, celle sur l'initiative de l'UDC contre « l'immigration de masse » et celles des écoxénophobes d'Ecopop. Résultat des courses au signe : celui qu'on donne conforte les discours xénophobes et accrédite l'idée (si on peut parler d'idée) que ce sont les immigrants qui sont responsables du dumping salarial et de la dégradation des conditions de travail, et pas les patrons qui les embauchent, fixent leur salaire et déterminent leurs conditions de travail. Merci, le Conseil fédéral. Et bon Premier mai, Simonette.

Bon, ben voilou, avec cinq mois de retard, le canton de Genève a un budget. Adopté hier soir par 69 oui (tous les partis gouvernementaux, verts et socialistes compris) contre 20 oppositions (la droite de la droite d'au fond à droite). Commentaire de Julien Nicolet sur Facebook : « Si j'ai bien compris, ce qui reste de la gauche a accepté de renoncer à un projet qui lui tenait à coeur et a obtenu en échange un budget qu'elle estimait odieusement antisocial il y a quelques mois...» . Y'a de ça, en effet (même si c'est plus tout à fait le même budget qu'il y a quelques mois). Logique du « moindre mal », parce que ça commençait à coincer sérieusement dans les services de l'Etat, ne pouvant dépenser plus qu'en 2012 alors que les besoins (et les coûts) augmentent. L'instruction publique et le secteur pénitentiaire souffraient particulièrement de cette situation -voulue par le PLR, l'UDC et le MCG, et utilisée comme moyen de chantage sur la gauche. Le PS dénonce les «  enfantillages »  du PLR, ce qui est inuurieux pour les enfants et injuste pour Jean Piaget, et explique qu'il a finalement renoncé à exiger la suspension du « bouclier fiscal »  pour prix de son acceptation du budget (mais le projet de cette suspension est toujours à l'ordre du jour de la commission fiscale), parce qu'il s'agissait d'éviter des « coupes supplémentaires dans des domaines primordiaux, comme l'éducation et la formation », des postes d'enseignants en moins et des élèves en plus par classe. La demande du PS de suspendre le «bouclier fiscal»  avait été saisie comme prétexte par le PLR pour rallier les rangs de l'UDC et du MCG qui, eux, refusaient (et ont refusé jusqu'au bout) tout budget déficitaire. L'épisode aura au moins eu le mérite d'illustrer la nécessité d'un changement de majorité, pour éviter les marchandages de souks entre la gauche, la droite et l'extrême-droite et pour que le parlement soit capable de pondre, une fois par année, un budget couvrant les besoins des services publics. Ben quoi. c'est le printemps, non ? et au printemps, on peut rêver, non ?...

Combien la Suisse a-t-elle refoulé de juifs à sa frontière entre 1939 et 1945, et combien de ces juifs refoulés ont été déportée vers les camps de la mort ? Dans « Le Temps » de vendredi, les historiens Serge Klarsfeld et Marc Perrenoud confrontent et affrontent leurs chiffres : « la Suisse n'a pas refoulé plus de 3000 juifs » entre 1939 et 1945, et un millier d'entre eux ont été déportés, affirme Klarsfeld. « Un peu plus de 20'000 personnes ont été refoulées pendant la guerre » mais il est « impossible de calculer la proportion de personnes juives parmi celles-ci », précise Perrenoud, sur la base des travaux de la « Commission Bergier ». Et ce débat de chiffres nous laisse un goût amer. Parce que même si on admettait les chiffres de Klarsfeld (3000 refoulés, 1000 déportés), est-ce qu'on devrait en tirer la conclusion que c'est « pas si grave que cela » ou celle que, comme le relève Perrenoud, ces 3000 personnes « auraient pu être acceptées (en Suisse) sans risque » ? De plus, ces chiffres (ceux de Klarsfeld comme ceux de la Commission Bergier) ne concernent que la période de 1939 à 1945, alors que l'antisémitisme d'Etat nazi a sévi depuis 1933, et que la paranoïa xénophobe et antisémite en Suisse est même encore plus ancienne : en janvier 1939 (la Guerre Mondiale n'a pas encore éclaté), le chef de la police fédéral, Henrich Rothmund, revendique, tout fiérot, d'avoir (avec la Police des Etrangers) « lutté depuis vingt ans (...) contre l'augmentation de la surpopulation étrangère, et plus particulièrement contre l'enjuivement » (Verjudung) de la Suisse.  Voilà en tout cas de quoi nous raffraîchir utilement la mémoire avant le 9 juin, lorsqu'on devra (une fois de plus) se prononcer sur des restrictions au droit d'asile en Suise...

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