La Corée du Nord : qu'en faire ?

Kim et châtiment

La Corée du nord a dénoncé l'armistice, vieux de 60 ans, avec la Corée du sud et a multiplié les gesticulations et les déclarations belliqueuses...  mais l'armée « populaire » n'a pas été totalement mobilisée... Pourquoi cette démonstration, plus d'agitation que de force, et qui ne semble pas émouvoir plus que de raison  la Corée du sud ? A usage interne, pour asseoir l'autorité de Kim-Jong-Un (comme par les mêmes moyens celle de son père, Kim Jong Il, et,  par une guerre, celle de son grand père, Kim Il Sung) ? Ou pour asseoir l'autorité de l'armée sur le parti et son chef ? Ou à usage externe, pour s'assurer du soutien de la Chine et faire monter les enchères lors de négociations ultérieures ? Peu importent, après tout, les déraisons des postures nord-coréennes : la question qui se pose face au régime de Pyongyang est toujours la même : comment s'en débarrasser sans guerre, ni embargo, châtiments dont seul  le peuple nord-coréen a été, est et serait encore la victime  ?

L'ennemi de notre ennemi...

Sauf à réduire nos choix politiques, et nos solidarités, à l'idiot et calamiteux précepte selon lequel « les ennemis de nos ennemis sont nos amis », il faut bien admettre que le régime nord-coréen est à vomir. Mais comment le faire tomber, sans guerre ni embargo ? Et une fois tombé, par quoi, et par qui, le remplacer. en l'absence de toute opposition interne ? L'embargo et les sanctions sont inefficaces : ils affaiblissent, compliquent, ralentissent -mais ils se contournent, et pèsent sur les plus pauvres;  une guerre, avec un million de soldats déja massés de part et d'autres de la ligne de démarcation de 1953,  souderait le peuple autour du pouvoir et il n'y a pas en Corée du Nord d'opposition sur laquelle s'appuyer pour un renversement du régime. Alors, Pyongyang, qu'en faire ? Il faut sans doute ne poser la question ni à la Corée du Sud, ni aux Etats-Unis, ni à l'ONU, mais à la Chine. Par laquelle seule tient le régime nord-coréen. Et qui donne de plus en plus l'impression d'en avoir marre de cet espèce de protectorat qui ne dit pas son nom. Elle a d'ailleurs renforcé sa frontière avec la Corée du Nord, pour empêcher les nord-coréens fuyant les conditions de vie désastreuses qui prévalent chez eux de tenter de respirer chez elle. La non-délation d'immigrants illégaux nord-coréens est passible d'amende, leur porter assistance de prison. Mais en même temps, 80 % des biens de consommation disponibles en Corée du Nord, et la moitié de la nourriture, viennent de Chine (et sont en grande partie captés par la nomenklatura locale). La Chine est en outre la seule source de pétrole de la Corée du Nord, qui dans l'autre sens dirige 80 % de ses exportations vers la Chine.
Car la Corée du Nord est un pays du tiers-monde, et l'un des plus pauvres (un quart de la population souffre de la faim), et l'un des plus inégalitaires sous son vernis, sa logorrhée et ses prétentions « communistes » : l'armée (c'est-à-dire ses chefs) y possède les terres cultivables et un sixième seulement de la population vit, concentré dans la capitale, au-dessus du seuil de pauvreté. Les pénuries alimentaires sont chroniques, les standards de vie sont ceux de la Chine des années cinquante, et l'essentiel des ressources du pays sont consumées par le budget militaires. La Corée du Nord a l'arme nucléaire, mais les Coréens du nord rien à bouffer. Et la Corée du Nord gesticule au nom de son indépendance, mais dans les faits, n'est plus guère qu'un protectorat chinois (où la Chine se met d'ailleurs à délocaliser sa production, y compris celle servant à alimenter des usines restées en Chine et produisant pour l'exportation vers des pays qui sont supposés boycotter la Corée du Nord...).

L'histoire manie l'ironie avec une maestria confondante : le régime qui a, en Chine, inventé l'économie de marché à parti unique, est seul à pouvoir se défaire du régime qui, en Corée du Nord, a inventé le «  djoutché », ce mélange improbable de stalinisme et de confucianisme, de totalitarisme policier et de culte des ancêtres sous lequel 23 millions de personnes survivent dans des conditions qui sont celles d'un pays entier transformé en camp de travail forcé et en secte d'adulation obligatoire du chef, du père du chef et du grand-père du chef.
La dynastie des Kim « communistes » mais empereurs héréditaires  tient donc parce que Pekin n'a pas encore décidé de la laisser tomber. Mais la lassitude chinoise est désormais perceptible : « Personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région, et à plus forte raison le monde entier, par égoïsme », c'est-à-dire par volonté de rester au pouvoir coûte que coûte : c'est l'avertissement donné début avril par le président chinois, Xi Jinping.
A qui d'autre qu'au régime de Pyongyang cet avertissement sans frais ni destinataire explicite pouvait-il être destiné ? Et qui d'autre que la Chine peut faire tomber ce régime, qui doit tomber, pour que survive et respire, enfin, son peuple ?

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