Campagne électorale genevoise : indispensables frontaliers. Jusqu'au pilori.

Fidèle à sa pratique d'affiches boueuses pour des campagnes boueuses, le MCG a lancé sa campagne électorale pour les cantonales de cet automne en produisant une affiche attaquant personnellement le président du Groupement transfrontalier, Michel Charrat, portraituré en photo avec comme sous-titre : «les ennemis des Genevois»... Ennemis des « Genevois » sont donc celles et ceux qui langent les gosses des Genevois dans les crèches genevoises et les grand-parents des Genevois dans les EMS genevois, conduisent les bus et les trams genevois, torchent et soignent les Genevois dans les hôpitaux genevois. Le MCG fait campagne électorale contre les frontaliers, et alors ? même pour le pilori que le MCG a racheté aux héritiers de Géo Oltramare,  les frontaliers sont indispensables... Que serait le MCG, sans eux ? et à qui s'en prendrait-il pour exister ?
Aux pigeons ? absurde, ils votent déjà MCG...


A la soupe, comme tout le monde... mais en ayant craché dedans

Dans un monde en perpétuel changement, il est des repères dont la perte nous désorienterait : avec l'entame de la campagne électorale du MCG, on est dans le connu, et parti pour y rester encore un moment puisque deux quantités varient en parallèle à Genève, sans qu'aucune des deux n'explique ni ne conditionne l'autre : le nombre d'électeurs du MCG et le nombre de frontaliers.  La première quantité peut augmenter tant qu'on veut (ou qu'on ne veut pas), la seconde n'ein diminuera pas d'un poil, puisqu'elle résulte mécaniquement d'un manque de main d'oeuvre résidente et du développement spatial de l'agglomération genevoise.  Le MCG fait campagne électorale contre les frontaliers (y compris les dizaines de milliers de frontaliers « Genevois » installés, en lousdé dans la moitié des cas, de l'autre côté de la frontière ?), et alors ? Sur quoi rêviez-vous qu'il fasse campagne, en construisant quel programme, sur quelle idéologie ? D'idéologie, le MCG n'en a pas -le concept même d'idéologie, d'un ensemble d'idées organisées et structurées autour d'une idée centrale, fondamentale, est étranger à ce bac à compost politique, sauf évidemment à considérer « frontaliers, dehors ! » comme une idée et « tous pourris sauf nous ! » comme un principe. Principe que le MCG se garde bien, d'ailleurs, d'appliquer avec la rigueur qu'exigerait sa belle simplicité : quand c'est l'heure de la soupe, le MCG va à la soupe comme tout le monde, même en ayant craché dedans et même si elle lui est servie aussi par la gauche, par exemple au nom du « tournus des présidences de commission » du Conseil municipal de la Ville de Genève...

De toute façon, la question n'est pas dans l'absence de tout projet politique du MCG, et s'il fait toujours campagne contre les frontaliers, ce ne sont pas ni les frontaliers, ni leur nombre, ni leur provenance, ni leur emploi qui sont la cause de la progression du MCG dans la couronne urbaine genevoise, même s'il est assez vraisemblable qu'elle sera stoppée cet automne, mais dans le défi que lance cette progression à la gauche genevoise, et en particulier à la « gauche de la gauche » (à laquelle on s'autorisera à rattacher la gauche du PS, dont on s'autorisera à proclamer l'existence) -le même défi lancé à la gauche française par la progression du Front National dans les couronnes urbaines des grandes villes françaises. Ce n'est pas que le MCG ou le FN aient bouté l'« extrême-gauche » hors des banlieues, c'est, plus simplement, plus tristement aussi, qu'elle s'y est évaporée, et que cette droite de la droite a pris une place que le PC ou le Parti du Travail, et les diverses variantes des fronts de gauche, ont abandonnée. A Vernier, Onex, Lancy, il n'y a plus rien, politiquement, à gauche du PS. A Meyrin, presque plus rien. A Carouge et en Ville, en revanche, où la gauche de la gauche est toujours présente, et alliée au PS et aux Verts, la gauche fait front, et mieux que cela quand elle s'en donne les moyens.

Quoi de commun entre Marine Le Pen, Umberto Bossi, Christoph Blocher et Eric Stauffer ? « Le populisme » (de droite), répondra-t-on. Mais encore ? Car il y a un populisme de gauche, et un populisme révolutionnaire (toutes les révolutions dont nous pouvons nous revendiquer furent d'ailleurs « populistes » depuis 1789, puisque se faisant au nom du peuple). Mais ce n'est pas au populisme héroïque des narodniki russes que nous avons à nous colleter aujourd'hui, mais à un populisme de droite, avec une forte composante d'extrême-droite en son sein. Ce populisme-là, construit sur la désignation de boucs-émissaires (frontaliers, immigrants, Rroms, peu importe...) progresse dans toute l'Europe depuis les années '90 du siècle passé, et il n'y a donc pas d'exception genevoise dans l'apparition du MCG : ce que l'historien Damir Skenderovic appelle la « prolétarisation du vote populiste », c'est-à-dire le passage d'une partie de la classe ouvrière du camp communiste au camp de la droite populiste, voire de l'extrême-droite, n'est pas un phénomène local, et rien n'est aujourd'hui plus international que le populisme xénophobe, et rien n'est de plus démocratique. Le populisme de droite n'est pas antidémocratique. Bien au contraire : il est même démolâtre. Il se situe et prospère dans un cadre démocratique, et y prospère d'autant mieux que ce cadre contiendra le plus d'éléments de démocratie directe. Mais à l'intérieur du cadre démocratique, et en l'exploitant (populismes de gauche et de droite se distinguent en ceci que le premier rêve de donner le pouvoir au peuple, le second de l'exercer au nom du peuple), le populisme de droite constitue en mêlant des éléments puisés dans des cultures politiques  de gauche comme de droite, un concept de «  peuple » qui n'est ni le peuple souverain des démocrates radicaux, ni le peuple-classe des marxistes, ni le peuple-nation des jacobins, ni le peuple réel des sociétés modernes, mais une sorte de grande tribu élargie dont on n'aura exclu que les « élites » -ces mêmes élites dont les chefs et petits chefs populistes font, ou rêvent de faire, partie, et à la porte desquelles ils ne brâment que pour que le portier les laisse entrer.
Comme de vulgaire clients du Bar à Whisky...

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