Encore Naxoo ? ben ouais, encore Naxoo...

On se doute bien que le sujet ne passionne pas vraiment les masses laborieuses, et que la plupart de nos (rares) lectrices et lecteurs n'y accordent qu'une attention distraite, voire impalpable, mais comme il nous tient pour le moment à cœur, et que notre égocentrisme foncier, quasiment stirnérien, nous fait préférer ce qui nous tient à cœur à ce qui vous intéresse, nous remettons le couvert sur Naxoo : Or donc, le groupe socialiste au Conseil Municipal de la Ville de Genève a décidé hier soir de soutenir la proposition de la commission des finances et du Conseil Administratif,  d'autoriser ce dernier à vendre à la multinationale UPC-Cablecom les actions que la Ville détient dans le téléréseau Naxoo-022 Télégenève, et de les vendre sans autres conditions que celles du contrat de vente prévu. Cela étant, cette position n'est que celle de la majorité du groupe socialiste : plusieurs élu-e-s voteront contre cette autorisation de vente, et soutiendront un amendement proposant de  soumettre l'autorisation de vente à la condition impérative, et préalable à la vente, d'un accord entre la Ville de Genève, Naxoo, Cablecom et le syndicat Syndicom.

La discipline fait la force des armées, pas leur intelligence


A entendre et à lire les discours et les prises de position publiques des uns et des autres, tous partis confondus, depuis l'annonce par le Conseil administratif de son intention de vendre à UPC Cablecom les actions que la Ville détient dans Naxoo, il y a au moins cinq objectifs qui devraient faire consensus: le maintien des emplois, le maintien de l'entreprise 022 Télégenève avec siège à Genève, le dialogue social, le partenariat social (et donc, conséquences logiques, le maintien de la convention collective de travail conclue entre le syndicat Syndicom et 022 Télégenève et la signature d'une CCT entre Cablecom et Syndicom) et le maintien des droits des salariés de 022 Télégenève. Cette unanimité est réjouissante. Un peu trop, sans doute. puisqu'elle n'est, pour l'heure, que rhétorique. Il s'agit donc pour nous de la traduire en décisions claires et précises. Or ni la proposition initiale du Conseil administratif, ni l'amendement de la Commission des finances, ni la recommandation de refus de la vente, exprimée par les deux rapports de minorité (celui du MCG et celui d'Ensemble à gauche), ne satisfont aux objectifs de maintien de l'emploi, de maintien de l'entreprise, de maintien des droits sociaux des salariés et de maintien du partenariat social. Par ailleurs, refaire l'histoire et réclamer la renégociation, ou l'annulation, de la convention d'actionnariat qui lie la Ville à un droit de véto accordé à Cablecom sur toute décision importante, n'a guère de sens, puisque ce droit de véto est repris dans les statuts de Naxoo Télégenève, et que ces statuts ne peuvent être modifiés sans l'accord de Cablecom -qui n'a aucun intérêt à le faire.

A ce stade de notre explication, la demie-douzaine de lecteurs et de lectrices ayant poussé le masochisme jusqu'à nous lire jusqu'ici se demanderont peut-être où nous voulons en venir, et ce que nous allons sortir de ce fatras... et bien nous allons en venir à ceci, et sortir ceci. que seules des conditions claires et précises, impératives et préalables à la vente, peuvent exprimer autre chose qu'une indifférence, même polie, aux conséquences de la vente de Naxoo à Cablecom, sur l'emploi, l'entreprise et le «partenariat social». D'où l'amendement qui sera déposé lundi au Conseil Municipal, et qui dit ceci :
« L'autorisation de vente, ainsi que toute décision lui étant liée, est soumise à la condition préalable de la conclusion d'un accord entre la Ville de Genève représentée par le Conseil administratif, 022 Télégenève, UPC Cablecom Sarl et le syndicat des médias et de la communication Syndicom, accord portant sur
a. Le maintien des emplois existants
b. Le maintien de l'entreprise 022 Télégenève avec siège à Genève
c. Le maintien de la convention collective de travail conclue entre le syndicat Syndicom et 022 Télégenève
d. La signature d'une convention collective de travail entre le syndicat Syndicom et UPC Cablecom Sarl
e. Le maintien de la caisse de pension à laquelle sont affilié-e-s les employé-e-s de 022 Télégenève »


Compte tenu des majorités politiques qui s'y forment, il y a évidemment peu de chances que cet amendement soit accepté par le Conseil Municipal (surtout si une partie du groupe socialiste refuse de s'y rallier, alors que les propositions faites correspondent à une position déjà exprimée par le PS),  mais s'il devait être accepté, le contrat de vente tel que proposé serait annulé et des négociations devraient (re)prendre entre la Ville et Cablecom, mais surtout avec le syndicat. Si ces négociations n'aboutissaient pas à un accord, la vente des actions ne serait pas autorisée -mais elle ne serait pas autorisée non plus si le Conseil Municipal décidait d'autoriser le Conseil administratif à vendre sans poser aucune condition préalable à cette vente, et que le référendum qui a déjà été annoncé contre cette décision aboutissait (il y a peu de doute à ce sujet)  et était ratifié par le peuple. Référendum qu'on se fera un plaisir de soutenir si les conditions que nous proposons au Conseil Municipal n'étaient pas retenues par lui.
Nous savons bien que le refus de la vente, en soi, ne sauvegardera ni les emplois, ni l'entreprise, ni la convention collective, ni les droits du personnel. Et c'est précisément parce que nous le savons que nous voulons poser comme conditions à la vente la sauvegarde de ce qui nous importe, importe aux syndicats (tous les syndicats genevois ont apporté leur soutien à Syndicom dans le lancement du référendum), importe aux salariés de Naxoo et devrait importer aux habitantes et habitants de cette ville -sans même évoquer l'absolue incohérence qu'il y aurait, de la part d'élu-e-s de gauche, à refuser de poser la défense de l'emploi et des droits des travailleurs comme conditions de la vente, par une collectivité publique de gauche, d'une entreprise bénéficiant d'une convention collective de travail à une entreprise refusant d'en signer une...

Il y a parfois des enjeux où la cohérence politique importe plus que la discipline de parti. Cet enjeu en est un. D'ailleurs, s'il est habituel de s'entendre dire que la discipline fait la force des armées, on n'a pas souvenir avoir entendu dire qu'elle faisait leur intelligence. Et nous tenons trop à la nôtre pour la sacrifier à une discipline oublieuse de la cohérence politique.

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