Fonds de tiroir

L'agrandissement (100 places supplémentaires) de la prison de la Brenaz, c'est l'un des (nombreux) projets de métastase carcérale attendant dans le pipe-line de Pierre Maudet. Lequel avait promis aux communes concernées (Puplinge et Choulex) qu'elles seraient consultées avant le projet final. Résultat : elles ont pris connaissance du projet final, situé sur une zone arborisée à défricher, et impliquant des nuisances diverses et variées (bruit, éclairage nocturne, parking) en lisant la Feuille d'Avis Officielle, sans jamais avoir été consultées. Du coup, Puplinge s'apprêterait à émettre un préavis défavorable au projet et des habitants pourraient faire opposition. Faites gaffe, les gars, Maudet et Jornot ont pris l'habitude de les bourrer, les prisons, avec tout ce qui leur tombe sous la main, faut pas les chercher avec des oppositions, nos deux gesticulateurs sécuritaires...
Avant-hier matin, il y avait à Champ-Dollon 878 détenus pour un peu plus de 300 places de détention, et 278 gardiens. Débordés par le « bourrage » de la prison, les gardiens ont décidé d'appliquer, dans les déplacements des détenus à l'intérieur de la prison, le ratio d'un gardien par détenu, tant que les 95 gardiens supplémentaires que leur syndicat exige n'ont pas été engagés. Y'a une idée, là : on pourrait l'étendre aux responsables politiques (le procureur général Jornot et le Conseiller d'Etat Maudet) directement responsables de la situation dans la prison : leur coller un gardien (syndiqué) au train à chacun de leur déplacement. Parce que pour leur faire entendre raison, à ces deux là, on ne voit guère que ce genre de méthode.

Comme on le sait, si la victoire a beaucoup de géniteurs, la défaite est toujours orpheline : samedi, à l'assemblée des délégués du PLR suisse, le président du parti, Philipp Müller, a repoussé toute responsabilité du parti suisse dans les défaites électorales successives enregistrées en Argovie, au Tessin, en Valais et à Neuchâtel : c'est pas notre faute, c'est la faute aux sections cantonales, aux Neuchâtelois qui ont fait une alliance avec le centre pour obtenir une majorité au Grand Conseil en oubliant le Conseil d'Etat, aux Valaisans qui ont choisi un «  non-politique » (Varone) pour affronter un «politique» (Freysinger), aux Tessinois et aux Argoviens qui ont choisi de mauvais candidats pour les municipales et ont perdu les mairies de Baden et de Lugano... Le PLR, c'est un parti où on sait reporter ses responsabilités sur les autres. Et les partager entre les autres.

Or donc, à la surprise générale, le MCG a lancé sa campagne électorale en s'en prenant aux frontaliers. Problème, rien ne fonctionne à Genève sans les frontaliers. Même pas le MCG :  «  Le Temps  » d'hier nous apprend ainsi que le standard téléphonique du MCG emploie une frontalière sur trois téléphonistes. Et le personnel du Bar à Whisky que les Abott et Costello du parti, Gominator et Salazarounet, veulent reprendre (ou ont déjà repris) est aussi en grande partie formé de frontaliers et frontalières. Eh ouais : quand on a besoin de boucs-émissaires pour masquer son vide politique, on a intérêt à en prendre qui soient pas trop nombreux, parce que sinon, la connerie de l'exercice finit par sauter aux yeux.

La commission législative du Grand Conseil propose au parlement d'invalider partiellement l'initiative populaire de l'UDC demandant la réalisation d'une traversée de la rade dans les six ans, à qui elle reproche de ne pas respecter l'unité de genre, de ne pas respecter le droit supérieur et d'être inexécutable sous sa forme initiale. Elle propose de l'invalider tellement qu'au bout du compte, il n'en resterait plus qu'un voeu pie (une traversée en tunnel entre le Port Noir et l'avenue de France): plus d'obligation de prévoir un tunnel à deux fois deux voies, plus de jonction avec la route de Malagnou en deux fois une voie, plus de mesures d'accompagnement et plus de délai de six ans. Résultat : un texte qui, même s'il était adopté en votation populaire, ne sera jamais concrétisé. Mais qui, pour nous, a l'avantage, considérable, de plomber le projet du Conseil d'Etat d'une traversée du petit-lac. Projet dont on ne veut pas plus que du tunnel sous la rade proposé par l'UDC. « De la discorde chez l'ennemi », comme le théorisait le camarade Charles de Gaulle...

Le Département de la Sécurité annonce qu'un détenu de Champ-Dollon sur huit (12 % du total des détenus) a été mis en prison en avril pour le seul motif de « séjour illégal » en Suisse. Autrement dit, pour punir quelqu'un de séjourner illégalement à Genève, on l'oblige à y séjourner légalement. L'intelligence de la politique carcérale genevoise saute aux yeux.

C'est Marianne Enckell qui nous en a donné l'idée, et on l'en remercie : on a déposé une motion au Conseil Municipal pour honorer Louis Bertoni : « Une rue, une place, un square pour un irréductible ». Luigi Bertoni, devenu à Genève Louis Bertoni, est une figure d'une rare cohérence politique et personnelle. Editeur pendant près de cinquante ans du bimensuel en français et en italien "Le Réveil anarchiste-Il Risvelgio anarchico" (interdit, mais néanmoins édité, entre 1940 et 1943), il ne cessa de porter au plus haut et au plus libre ses idées et ses combats d'anarchiste, d'antimilitariste, d'anticlérical, d'internationaliste, de syndicaliste révolutionnaire, d'antifasciste et d'antistalinien (et donc d'antiléniniste), sans jamais rien en retirer que la fierté de n'en avoir jamais « rien lâché ». Les gens qui, politiquement, ne se sont jamais trompés, ni n'ont jamais trompé personne (et n'ont donc jamais été au pouvoir) sont trop rares pour qu'on les néglige. Genève s'honorerait d'honorer la figure de Luigi (Louis) Bertoni, en lui dédiant une rue, une place, un square.  Et à celles et ceux qui s'offusqueraient que pareil honneur soit accordé à un anarchiste, on se contentera de rappeler que d'entre les rues de Genève, quelques unes portent le nom de personnages politiquement bien plus douteux : René-Louis Piachaud ou Giuseppe Motta, par exemple... On propose donc au Conseil municipal de demander au Conseil administratif de (oui, on sait, c'est des trucs à tiroir...)   « faire en sorte que le nom de Luigi (Louis) Bertoni soit donné à une rue, une place ou un square de la Ville, dans un quartier marqué par sa présence ». On doute de rien, vu le temps qu'il a fallu pour qu'un bout de rue des Pâquis soit baptisé « rue Léon Nicole »... est-ce qu'un vieil anar fera peur aussi longtemps après sa mort qu'un vieux stal ? cela aussi serait une manière d'honorer Bertoni...

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