Vente des actions Naxoo de la Ville de Genève : Au moins offrant...

Le Conseil administratif de la Ville de Genève  propose au Conseil municipal de ratifier un accord conclu avec la société UPC-Cablecom pour la reprise par celle-ci des actions de la Ville dans l'opérateur de téléréseau Naxoo (Télégenève), dont Cablecom est déjà actionnaire minoritaire et qu'elle attend depuis des années de pouvoir se goinfrer. Grâce à une convention d'actionnariat donnant à l'actionnaire minoritaire un pouvoir exorbitant, Cablecom dispose d'un droit de préemption sur les actions de la Ville si celle-ci souhaite les vendre. C'est ce droit que Cablecom veut exercer -mais la vente n'est pas encore autorisée par le Conseil Municipal, et si elle devait l'être, elle serait soumise à référendum. Une occasion de se demander si la vente d'un réseau de communication majoritairement en mains publiques à une société privée n'est pas, forcément, une vente au moins offrant -non du point de vue financier, mais de celui du pluralisme des sources et moyens d'information...

La valeur d'usage et l'avaleur d'échange

Après des mois de discussions, en commission des finances du Conseil municipal mais également avec «tous les protagonistes du dossier», dont le personnel, le Conseil administratif propose de vendre les actions que la Ville de Genève détient, en tant qu'actionnaire majoritaire, dans l'opérateur de téléréseau Naxoo (Télégenève). Cette proposition est, quoi qu'on en pense, logique. Mais d'une logique qui n'est pas la nôtre : dans la logique d'une convention d'actionnariat passée en 2006 entre la Ville de Genève et la société UPC Cablecom, faisant de celle-ci le seul actionnaire minoritaire de Naxoo, et maintenant la Ville en tant que majoritaire dans le capital action et au Conseil d'administration (que préside de droit l'un de ses représentants), mais qu'actionnaire majoritaire mis, par la convention d'actionnariat, dans l'incapacité de faire usage de cette majorité pour développer la société.
La convention d'actionnariat a été signée le 28 août 2006 par la Ville de Genève, Cablecom et Télégenève alors que Cablecom ne détenait que 12,1 % des actions, à parité avec la Banque cantonale et les Services Industriels. La convention accompagnait la vente à Cablecom des actions de Télégenève détenues par la BCG et les SIG, ainsi que des actions propres de Télégenève. La BCG et les SIG avaient de toute façon décidé de céder leurs actions, la seule question étant alors de savoir à qui. La Ville aurait fort bien pu les racheter, ce qui l'aurait rendue maîtresse de la société, elle ne l'a pas fait et a délibérément laissé Cablecom s'assurer une confortable minorité de blocage, puisque les décisions les plus importantes concernant la structure, les activités et les alliances de la société doivent toutes, selon la convention d'actionnariat et selon les statuts de la société, être approuvées par l'actionnaire minoritaire, ce qui, a contrario, lui permettait de s'opposer victorieusement à toute proposition de l'actionnaire majoritaire (la Ville), aux projet de budget, de business plan, de règlement d'organisation de la société et même à la nomination de chacun des cinq membres de la direction.
Le but proclamé de la convention, passée « en vue d'assurer le succès commercial de la Société à long terme », était de permettre à Télégenève, propriétaire d'un réseau câblé desservant en août 2006 85'000 abonnés en Ville de Genève (sur 100'000 abonnés potentiels), de réaliser une modernisation du réseau pour pouvoir offrir à sa clientèle des services compétitifs en matière de triple play (télévision -y compris video on demand, téléphonie fixe et internet à haut débit), grâce à un contrat d'entreprise et un contrat-cadre passé avec Cablecom pour la réalisation des travaux correspondants. C'était bien beau, fort intéressant, ambitieux, et tout à fait cohérent avec le rôle d'une société de communication majoritairement en mains publiques... mais ce fut rendu impossible par la stratégie suivie par Cablecom, qui fut d'affaiblir délibérément Naxoo afin de pouvoir l'absorber.

Si la Ville devait lui vendre ses actions, Cablecom ferait une affaire à la poursuite de laquelle elle est depuis des années, en usant pour la conclure de tous les moyens que lui donnent une convention d'actionnariat ligotant littéralement la Ville et permettant à Cablecom d'empêcher tout développement de l'offre de Naxoo, et en particulier de proposer à ses abonnés le fameux triple pay que Cablecom propose à ses propres abonnés, et également de passer avec les services industriels et Swisscom un accord qui aurait permis à Naxoo de s'insérer dans le vaste projet de couverture de Genève en fibre optique. La valeur de Naxoo est estimée à 80 ou 100 millions de francs. A priori, et purement arithmétiquement, reprendre le 51,2 % des actions d'une société de cette valeur pour 57,5 millions de francs, ce n'est pas faire l'affaire du siècle pour le repreneur, ni brader son patrimoine pour le vendeur. A priori, et arithmétiquement. Mais on n'est pas dans un échange d'actions entre boursicoteurs, on est dans la vente à une société privée d'actions détenues par une collectivité publique, dans une société qui fournit un service au public, et que ceux à qui on projette de la vendre rêvent depuis des années de se goinfrer. Et cela change tout, parce que les critères d'une collectivité publique ne sont pas, ou ne doivent pas être, ceux d'une société privée (pour simplifier, on dira que la valeur d'usage doit primer pour la collectivité publique, quand la valeur d'échange primera pour la société privée), surtout lorsqu'il s'agit de communication, d'accès à l'information, et, au passage, d'une télévision locale.
 
 Le syndicat Syndicom a annoncé vouloir lancer un référendum contre la vente à Cablecom des actions municipales dans Naxoo. Si ce référendum est lancé, il sera, ici, soutenu. Pour la valeur d'usage, contre l'avaleur d'échange. Et pour ne pas récompenser Cablecom de sept ans de sabotage de Naxoo.

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