Abolition du forfait fiscal : Que Genève fasse le pas !

Le Grand Conseil genevois a rejeté (elle n'est soutenue que par le PS et les Verts) l'initiative populaire socialiste pour la suppression des «forfaits fiscaux ». Et, avec la même majorité de droite et d'extrême-droite, a lancé un contre-projet maintenant les forfaits fiscaux (en durcissant en peu leurs conditions d'octroi et de fixation), contre-projet auquel une partie de la droite se résignait difficilement, mais comprenait qu'elle ne pouvait donner l'image, trop réaliste, d'un bloc politique préservant un privilège -qui n'est accordé, pour tout compliquer, qu'à des étrangers. Zurich, Schaffhouse, Bâle et les Rhodes extérieures d'Appenzell ont déjà aboli les forfaits fiscaux, sans que leurs finances n'en souffrent. Une initiative fédérale de La Gauche propose de les abolir dans tout le pays. Ne serait-ce qu'au nom de l'égalité devant l'impôt, Genève devrait faire le pas. Malgré la droite et l'embûche qu'elle tend à l'initiative socialiste.

Mette fin à un archaïsme et à une injustice...

Le forfait fiscal est un vieux bricolage, qui, nous venant du XIXe siècle, nous renvoie presque aux temps de l'impôt sur les portes et fenêtres, de la taille et de la gabelle. Accordé alors aux riches retraités, cet archaïsme a mué en une imposition forfaitaire, basée sur la dépense, réservée aux riches étrangers sans activité lucrative en Suisse, qui passent une convention quinquennale avec le fisc.
Le forfait fiscal accordé à Genève à 690 personnes en 2010 (710 personnes en 2011) a rapporté environ 86 millions à la caisse cantonale, 41 millions à la caisse fédérale et 29 millions aux caisses communales... Les 115 millions de rentrées fiscales cantonale et communales ne représentent que 1,6 % des recettes fiscales genevoises. Et si le forfait fiscal était aboli, comme il l'a été par exemple à Zurich, et comme l'initiative populaire socialiste le demande, les rentrées fiscales qu'il procure seraient plus que largement compensées par celles que procurerait l'imposition normale, sur le revenu, des personnes qui en bénéficient, personne ne croyant sérieusement que toutes s'en iraient vaquer à leurs inoccupations professionnelles (seules les personnes n'ayant aucune activité lucrative en Suisse peuvent en bénéficier) de l'autre côté de la Versoix...  L'ancien ministre zurichois des Finances, le PLR Martin Vollenwyder, relevait que « la fiscalité n'est pas le critère principal pour attirer une entreprise. L'infrastructure générale et les conditions de vie prévalent bien souvent »; si la région zurichoise et l'« arc lémanique » attirent la plupart des entreprises étrangères voulant s'installer en Suisse, c'est sans doute moins en raison de leurs taux d'imposition qu'en raison de la concentration, dans un espace restreint, de toutes les offres et de toutes les commodités possibles, d'un opéra à une université, d'un aéroport. L'observation vaut pour le « forfait fiscal » -d'autant que ses bénéficiaires le sont d'infrastructures au financement desquelles ils ne contribuent que marginalement, et moins qu'ils le devraient. 

Les forfaits fiscaux créent en effet une inégalité inacceptable devant l'impôt : à revenu égal, un étranger bénéficiaire de l'imposition forfaitaire sur la dépense sera moins taxé qu'un Suisse ou un frontalier, imposé, eux, sur le revenu. A Genève, en 2010, l'économie pour le contribuable étranger imposé au forfait par rapport au contribuable suisse était de l'ordre d'une dizaine de milliers de francs pour un revenu de 595'000 francs (soit la dépense moyenne sur la base de laquelle était calculée l'imposition forfaitaire), et un forfait moyen de 168'000 francs. Une économie pour ces contribuables favorisés par le système, et une perte de ressources pour les collectivités publiques. Qu'importe à la droite : les bénéficiaires de forfaits fiscaux créent des emplois : « employées de maison, domestiques...», énumère le PDC Dal Busco. En oubliant d'évoquer les hôtesses des bars à champagne et les prestataires de services du Venusia...

Bref, le forfait fiscal est à la fois un archaïsme et une injustice, qu'il faudra abolir dans toute la Suisse : c'est ce que propose l'initiative de La Gauche. En attendant, l'abolir canton par canton fait plus que donner un signal : cela exprime une volonté politique de respecter une condition fondamentale de la légitimité de l'impôt : l'égalité des contribuables devant lui. On ne s'attendait guère, à vrai dire, à ce que le Grand Conseil dont est (encore, pour quelques mois) affublée Genève admette pareil argument : c'est au peuple des contribuables « normaux » qu'on l'adressera, puisque c'est lui qui décidera... 

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