Politique genevoise des transports : Célafotakunzler et pis voilà !

Se déplacer à Genève tient soit du sport à risque (si on est piéton ou cycliste), soit de la grande migration des bancs de sardines (si on est usager des transports publics), soit de la transhumance ovine (si on est automobiliste). Qui est coupable de cette situation ? A question simple, réponse simple : les majorités politiques qui depuis des décennies entravent, freinent ou sabotent le changement de politique des transports n'y sont pour rien. Ni celles qui ont supprimé les lignes de trams dans les années cinquante et soixante. Ni celles qui prétendent soumettre le développement des transports publics à la création de nouvelles routes. La crise des transports à Genève n'a qu'une, et une seule, responsable : la conseillère d'Etat Michelle Künzler. D'ailleurs, c'est simple : si Michelle Künzler n'est pas réélue cet automne, tout s'éclaircira : le ciel, la circulation, les parkings, les transports publics. Tout. Michelle Künzler, c'est pas une conseillère d'Etat, c'est une démiurge. Ou la Gorgone. Ou la Méduse. Quand cet être nous manquera, tout sera repeuplé...

Le « libre choix du mode de transports », cette ânerie...

La droite et l'extrême-droite genevoises, unies, ont fait passer en commission des transports du Grand Conseil genevois une proposition digne de leur conception de la mobilité : soumettre la création de nouvelles lignes de trams ou de trolleybus à la création de nouvelles routes et à celle d'une traversée routière de la rade et du petit-lac. Comme si l'existence même d'une loi sur les transports publics et d'un contrat de prestations avec les TPG étaient si insupportables à la droite qu'elle se sentait le besoin urgent de les plomber en y inscrivant des dispositions qui n'ont rien à y faire. Ou un peu comme si on soumettait la création de nouveaux hôpitaux à celle de nouvelles maladies.
Le  «  libre choix du mode de transports », cette ânerie que la droitunie a fait inscrire, et maintenir, dans la constitution, n'est pas seulement une absurdité : c'est aussi une nuisance. Le refus proclamé de choisir entre ce qui encombre l'espace public et ce qui le libère, entre ce qui pollue et ce qui ne pollue pas, ce qui assourdit et ce qui est silencieux, ce qui écrase et ce qui est écrasé, ce refus explique à lui seul l'impasse dans laquelle se retrouve la politique des transports à Genève.  On ne peut pas mettre tout le monde sur la route, sans l'encombrer et paralyser la circulation (encore qu'un embouteillage, s'il pollue, ait au moins l'avantage d'exclure les excès de vitesses, de bloquer les chauffards et de laisser passer les piétons....).
Un tiers des genevois ne prend sa voiture que pour faire moins de trois kilomètres - or il n'y a à Genève, hors taxis et véhicules de livraisons, que 15 % d'automobilistes contraints, c'est-à-dire de personnes dont les déplacements ne peuvent se faire qu'en bagnole, par absence de lignes efficaces de transports publics sur leur parcours, ou aux heures où ils effectuent ce parcours, ou parce que les déplacements à pied ou en vélo leur sont physiquement impossibles. Cela signifie que 85 % de la circulation automobile genevoise est parasitaire.

La qualité de la vie des habitants d'une ville peut se mesurer par la comparaison de l'attention qu'on leur porte et de celle qu'on porte aux bagnoles. Il fut un temps, lointain certes, où toutes les rues étaient piétonnes : c'était avant l'invasion et la colonisation des villes par l'automobile -moins, désormais, par les bagnoles des habitants eux-mêmes que par celles des visiteurs et des pendulaires. Il fut un temps aussi, un peu moins lointain, où le réseau des trams genevois était l'un des plus denses et les plus efficaces : le tram allait jusqu'à Annemasse, jusqu'à Veyrier, jusqu'à Hermance. Le temps des villes essentiellement piétonnes est révolu (et celui du réseau de tram dense et efficace peine à revenir) : entre les voies de circulation et les espaces destinés au parcage des voitures, une part considérable de l'espace urbain est affecté au déplacement automobile et au stockage auto-immobile. Or si l'on veut, aujourd'hui ou demain, rendre la ville à ses habitants, la sauver de l'asphyxie, on n'a plus le choix : il faut opérer une véritable, et volontariste, discrimination entre les divers modes de se déplacer, et l'opérer décisivement au détriment de l'automobile, au profit des transports publics, des piétons (la piétonnisation de l'espace urbain est un embellissement -celui d'une ville moins polluée, moins bruyante, moins agressive) et des cyclistes. Car à chaque fois, dans chaque ville, où l'on a cru pouvoir absorber le flux automobile en le facilitant, que ce soit à l'entrée, à la sortie ou à l'intérieur de la ville, ou partout à la fois, un échec cinglant s'en est suivi et une évidence simple s'est imposée : la bagnole a horreur du vide, et elle s'approprie tout espace libre dès que cela lui est possible : les rues, les places, les parkings, les trottoirs, les espaces verts... Aux Grottes, il y a davantage de places de parking que d'habitants...
C'est donc d'un véritable programme de reconquête de la ville sur la bagnole qu'il s'agit d'accoucher :
- Nouveau partage de l'espace, réduisant au strict minimum celui consacré à l'automobile pour accroître d'autant celui affecté à la  « mobilité douce » (deux roues non motorisés, marche) et aux transports collectifs publics et privés (taxis);
- Mise en site propre de toutes les parcours des transports publics (bus et trams), développement des lignes de minibus dans les quartiers, renforcement des services le soir et la nuit, le week-end et les jours fériés, recréation de deux lignes de trams de ceinture (petite ceinture intramuros et grande ceinture, reliant les villes périphériques les unes aux autres);
- gratuité des transports publics en zone urbaine;
- aménagement des grands axes  « structurants » par la réduction des voies réservées à la circulation  automobile, l'élargissement des trottoirs, la limitation de la vitesse (toute la Ville doit être en zone 30);
- réduction massive du parcage en surface, moratoire sur la construction de parkings en sous-sol;
- création d'un véritable réseau  de quartiers piétons reliés par des rues piétonnes;
- interdiction des poids lourds au centre de la Ville, création de  « plate-formes intermodales » à l'entrée de la ville.

A votre avis, sagaces lecteurs, quelle majorité parlementaire et gouvernementale doit sortir des urnes, cet automne pour qu'un tel programme puisse se réaliser ?

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