Lutte contre le dumping salarial : Le dire et le faire...


Une enquête, menée sur l'évolution de quatre secteurs de l'économie genevoise entre 2008 et 2010, signale que dans le gros œuvre de la construction, qui bénéficie d'une surveillance efficace des « partenaires sociaux », les cas de sous-enchère ont diminué en deux ans, à l'inverse de l'hôtellerie et la restauration, où ils ont doublé pour les employés qualifiés, et sont deux fois plus importants pour les femmes que pour les hommes. L'enquête aboutit à la conclusion que les principales victimes de la sous-enchère salariale sont les femmes, et confirme que l'importance de la main d'oeuvre frontalière dans un secteur n'a aucune influence sur l'importance de la sous-enchère salariale. Et que ce sont les contrôles par l'Etat et les «partenaires sociaux» qui font reculer ce dumping, là où ses contrôles sont effectifs. Pour cela, il faudrait deux fois plus de contrôleurs qu'actuellement. C'est ce que demande une initiative syndicale, combattue par le patronat... et la Conseillère d'Etat Isabel Rochat -qui n'en déclare pas moins que « la sous-enchère salariale n'est pas une fatalité ». Isabel Rochat non plus.

Une revendication exorbitante : faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs

Donc, l'étude du professeur Ramirez, bêtement publiée en période électorale, confirme que l'emploi de travailleurs frontaliers n'a aucune incidence sur le risque de sous-enchère salariale, mais qu'en revanche la faiblesse des contrôles publics et paritaires accroît ce risque. Dont les femmes sont les principales victimes.  Avec les travailleurs (et donc surtout les travailleuses) au statut précaire. Entre 2008 et 2010, le risque de dumping salarial dans le gros œuvre (construction) a nettement diminué. Et s'il est resté stable dans le commerce de détail (autour de 10 % pour les travailleuses sans CFC), il a augmenté dans l'hôtellerie et la restauration (où il est passé de 8 à 20 %, et même à 28% pour les femmes) et est considérable dans les «transports pour des tiers», avec un risque de dumping de 25 %... On observera au passage que le secteur étudié où la lutte contre le dumping salarial a été la plus efficace, le gros œuvre de la construction, dispose d'une convention collective de travail étendue à l'ensemble du secteur et des entreprises, et que les «partenaires sociaux» contrôlent ensemble les chantiers, alors que dans l'hôtellerie et la restauration, qui dispose pourtant aussi d'une convention collective, aucune commission paritaire n'existe pour en vérifier le respect, et que si la situation ne s'est pas dégradée dans le commerce de détail, où il n'y a plus de convention collective mais seulement un contrat-type, c'est que le canton a renforcé sa surveillance en réalisant plus de 350 contrôles.

La réduction du risque de dumping salarial dans le gros oeuvre « montre que le dispositif de contrôle mis en place par les partenaires sociaux est efficace », là où il a précisément été mis en place, résume la directrice de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail.  Mais s'il est efficace dans le gros oeuvre, dans l'hôtellerie et la restauration, en revanche, une seule personne doit contrôler tout l'Arc lémanique. Et le risque de dumping salarial a plus que doublé en deux ans. Or l'initiative syndicale qui exige le doublement des effectifs de contrôleuses et contrôleurs du travail, pour renforcer les possibilités de contrôle et combattre le dumping salarial là où il n'a pas encore pu être efficacement combattu,  fait face à l'opposition du patronat et du Conseil d'Etat,  lors même qu'un rapport commandité par l'Etat confirme que seule un système de contrôle plus efficace fait reculer le dumping salarial, et que la Conseillère d'Etat Rochat a annoncé l'intensification des contrôles -mais seulement dans le secteur de la vente, qui, n'étant pas couvert par une convention collective, permet une intervention plus facile de l'Etat.

Enfin, l'enquête du professeur Ramirez confirme que l'emploi de frontalier n'a aucun effet de dumping salarial. On le savait déjà. Et l'extrême-droite aussi, ce qui ne l'empêchait pas, et ne l'empêchera toujours pas de clamer le contraire : ceux à qui elle s'adresse se contrefoutent autant de la réalité qu'elle-même se contrefout de la situation des victimes de la sous-enchère salariale. C'est le principe de Goebbels : un mensonge répété finit toujours par passer pour une vérité. Surtout s'il arrange ceux à qui on l'assène. On rappellera tout de même celle-ci, de vérité : les coupables de la sous-enchère salariale, ce ne sont pas les salariées et les salariés sous-payés, ce sont les employeurs qui les sous-paient, y compris les employeurs membres (voire candidats) du MCG, et les pouvoirs publics qui refusent d'accorder au contrôle des conditions de salaire et de travail les moyens nécessaires à leur efficacité.  Or le canton ne dispose que de 17 inspecteurs et inspectrices du travail, soit un-e pour 17'000 postes de travail à surveiller. Il en faudrait au moins deux fois plus. C'est ce que demande l'initiative syndicale. Il conviendra, en se mobilisant pour la faire accepter par le peuple, de s'en souvenir (et de se souvenir de l'étude du  professeur Ramirez) lorsqu'elle arrivera en votation, et qu'on entendra la droite et l'extrême clamer que donner aux syndicats et à l'Etat les moyens de contrôler le respect des droits des travailleurs est une revendication exorbitante.

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