Dernier message électoral (quoique...) : Zavez voté ?

Zavez voté ? Non ? Ben il serait temps : vous avez jusqu'à ce soir pour envoyer votre bulletin par la poste, et dimanche matin pour voter à l'ancienne, avec vos petites mains dans un isoloir puis une urne. Nous, on a voté, forcément.  Pour le Grand Conseil, on a voté à la fois pour une liste (socialiste,) parce que si on ne vote pas pour une liste, on gaspille une partie des cent suffrages princièrement accordés à chaque électeur-trice, et pour des personnes, en ajoutant à notre liste les noms de candidates et de candidats présentés sur d'autres listes (quelques Vert-e-s, un peu plus d'Ensemble à Gauche) apparentées à la nôtre, vu qu'on a pas envie de faire des cadeaux à nos adversaires (on a déjà assez de mal à en faire à nos amis) et qu'on ne se résigne pas à ne voir dans nos alliés que des concurrents.... Donc voilà, notre devoir de citoyen est rempli, et notre choix de militant affirmé. Mais on est quand même assez content que la première partie de la campagne électorale soit bientôt terminée...

Rêver d'une démocratie ?

On déjà eu l'occasion, ici et ailleurs, de regretter que les campagnes électorales ne soient à l'intelligence politique que ce que la musique militaire est à la musique. On ajoutera à ce regret celui que le premier tour d'une élection gouvernementale submerge l'élection, en un seul tour, du parlement à qui le gouvernement devra rendre des comptes, et qui devra rendre des comptes au peuple...
C'était l'une des innovations de la nouvelle constitution cantonale, ç'en est, désormais, le premier dommage collatéral : la simultanéité du premier tour de l'élection du Conseil d'Etat et de l'élection du Grand Conseil a pour effet la submersion de la seconde par la première. L'élection du parlement est pourtant décisive, bien plus que le tri des prétendants (vingt-neuf, pour sept sièges...) à l'élection du gouvernement puisque du rapport des forces parlementaires dépendront à la fois la capacité d'agir et le contenu des actions du gouvernement -mais qui, hors les candidates et les candidats, se sent mobilisé pour l'élection du Grand Conseil ? Elle passe quasiment à l'as, cette élection...
L'électrice et l'électeur moyen, qui n'est ni membre d'un parti, ni militant d'une liste, ni candidate ou candidat, est ainsi invité à voter moins pour des idées, des programmes, des projets que pour des têtes. Moins pour ce qu'il y a dans ces têtes que pour l'image qu'elles donnent. Moins pour des têtes de députées et de députés que pour des têtes de ministres. Moins pour les têtes les mieux pleines que pour celles qu'on verra le plus -et qui, le cas échéant, oublieront leur parti et leurs colisier-e-s pour ne faire campagne que pour elles-mêmes. Votez pour moi, pour moi tout seul, et tant pis pour mes camarades...
Des idées, des programmes, des projets, il y en a pourtant, dans cette campagne. A gauche comme à droite, d'ailleurs. Et même au « centre », pour peu qu'on en admette l'existence. Mais des idées, ces programmes, ces projets aussi sont submergés par la personnalisation mécanique, induite par le système électoral, de l'élection au Conseil d'Etat. Une élection où certains candidats instrumentalisent d'ailleurs leurs propres partis, pour leur propre ambition d'être élu (ou réélu).

Alors on rêve : on rêve d'élections libres, sans quorum, et sans campagne électorale. Sans drague des citoyennes et citoyens. Sans stands au Molard. Sans manifs transformées en défilé de candidates et de candidats. Sans slogans réducteurs, caricaturaux, ne résumant rien mais rabotant tout.
On nous répondra, à raison, que nous en parlons à notre aise, n'étant nous-mêmes pas candidat au Grand Conseil. Et qu'il y a quelques confort à regarder, amusé  et compatissant, d'autres  s'agiter pour tenter d'être vus pour tenter d'être élus. Certes. Mais ce n'est évidemment pas par modestie, ou par quelque reconnaissance intime d'avoir atteint notre plafond de compétence (et donc notre niveau d'incompétence) -nous n'avons pas de ces humilités. C'est bien plutôt parce que le Grand Conseil est un législatif, qu'un législatif a pour fonction de faire les lois, et qu'il vaut mieux, après tout, que cette fonction de faire des lois soit confiée à des hommes et des femmes qui aient quelque propension naturelle à les respecter -et pas seulement à en exiger le respect par les autres. Et c'est aussi parce nous en sommes restés à la vieille promesse socialiste (de Louis Blanc, sauf erreur) de voir nos institutions politiques « passer du gouvernement des hommes à l'administration des choses » et qu'un Conseil municipal sied mieux à cette attente qu'un législatif.
Il n'empêche : en suivant cette campagne électorale, en en ayant suivi quelques précédentes, en s'apprêtant à en suivre quelques suivantes, on se prend tout de même à rêver d'une sorte de moment de réflexion, de pause de la démagogie, de confrontation intelligente de propositions documentées. A rêver d'un débat politique sur des enjeux politiques et des projets politiques.
A rêver, vous dis-je. A rêver d'une démocratie.

Finalement, on est peut être, nous aussi, tout simplement un peu con.

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