Elections genevoises : « On ne lâche rien »

La gauche partira au deuxième tour de l'élection du Conseil d'Etat genevois avec deux candidatures socialistes, celles d'Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, et une candidature verte, celle d'Antonio Hodgers. Pouvait-il en être autrement ? Pouvait-on laisser tout le débat politique, pendant toute la campagne électorale du deuxième tour, se faire uniquement entre la droite et l'extrême-droite ? Laisser, sans combattre, en se contentant de maugréer dans notre coin une version de gauche du « tous pourris », deux (ou trois) sièges au MCG et à l'UDC ? Ce n'est pas chanter les vertus de la participation minoritaire de la gauche à un gouvernement de droite que répondre « non »  à ces questions : c'est dire qu'aucun terrain politique, aucun lieu de débat, aucun instrument d'action (« même institutionnel »), aucun moyen («même légal») ne doit nous être étranger. Ou, pour causer Méluche dans le texte : « on ne lâche rien ». Pas même ce sur l'utilité de quoi, parfois, nous avons quelques doutes : des sièges dans un gouvernement majoritairement de droite. Ne serait-ce que parce que la revendication de ces sièges passe par une élection populaire, et donc un débat politique face aux citoyennes et aux citoyens, et pas seulement entre nous.

Un bon, un vrai combat gauche contre droite (et extrême-droite)

La gauche présentera trois candidatures au deuxième tour de l'élection du gouvernement genevois (contre cinq candidatures de la droite traditionnelle et trois candidatures de la coalition de la droite de la droite, l'UDC, et de l'extrême-droite, le MCG). Les fronts sont donc constitués, et ils sont clairs. Bien plus que l'issue de l'élection elle-même, puisque les trois coalitions sont, a priori, de force électorale égale (un tiers de l'électorat et un tiers du parlement chacune), que la majorité absolue n'est plus requise pour être élu, et qu'il suffit pour l'être d'obtenir l'un des sept meilleurs résultats de l'élection. Les personnalités des candidates et des candidats vont certes jouer un rôle -mais celui des coalitions, et de la cohérence des votes, sera bien plus déterminant : si la gauche vote en bloc, elle passe. Si elle se disperse, si une partie trop importante de son électorat fait son marché en biffant telle ou telle de ses candidatures, ou en ajoutant telle ou telle candidature de droite, elle ouvre la porte à la défaite -et cela vaut d'ailleurs aussi pour les deux autres coalitions, celle de droite et celle d'extrême-droite.
La gauche qui part unie au combat électorat n'est sans doute pas celle dont rêve la « gauche de la gauche » -qui serait d'ailleurs bien emmerdée si le PS et les Verts étaient tels qu'« Ensemble à Gauche » leur reproche de ne pas être -on ne voit pas ce qui justifierait alors l'existence même d'une coalition s'autoproclamant la vraie gauche à elle toute seule (à quelques socialistes et verts « respectables » près -les vieux stals ayant toujours un copain social-démocrate, comme les antisémites ont toujours un copain juif qui « n'est pas comme les autres youpins »). La gauche ne sied pas à feue l'extrême-gauche, mais c'est la gauche telle qu'elle est aujourd'hui. Et, désolés,camarades, mais vous en faites parties, et on n'en a pas d'autre sous la main.

Dans un communiqué fleurant la bonne vieille langue de bois non rabotée (et on se plaint de la disparition de l'artisanat local ? heureusement qu'il nous reste quelques artistes de la rhétorique paléoléniniste), « Ensemble à gauche » explique que, n'étant pas pour la « politique du pire », elle appellera à voter pour les deux socialistes et le Vert « clairement et fermement, mais sans illusions ». La coalition de la « gauche de la gauche » ne pouvait sans doute pas aller plus loin dans le soutien aux candidat-e-s socialistes et vert, mais elle ne pouvait pas non plus rester sur le quai à regarder passer le train (blindé) de l'extrême-droite, et et du moins prend-elle conscience de l'enjeu : si les socialistes et les Verts avaient décidé de ne pas participer au deuxième tour de l'élection du gouvernement genevois, ils ouvraient forcément la porte à deux, voire trois, élu-e-s d'extrême-droite (la droite démocratique ne présente en effet que cinq candidatures pour sept sièges). 

Cela dit, on ne part pas seulement au combat électoral pour que le gouvernement genevois ne tombe pas aux mains des seules droite et extrême-droite. On y part aussi, et peut-être surtout, pour que le débat politique porte enfin sur les projets politiques. Et on y part avec la ferme intention de ne pas se contenter des miettes : nous l'avons dit ici, et répété lors de l'Assemblée générale du Parti socialiste : il ne doit pas être question, fût-ce en une seconde de découragement ou de résignation, d'accepter qu'un-e seul-e socialiste, ou un seul Vert, joue les utilités, ou, pire, les otages, d'un gouvernement pour le reste réparti, entre le PLR, le PDC et le MCG. Sur ce popnt, le débat reprendra lée résultat de l'élection connu.
Pour le reste, quelle que soit l'issue de l'élection du Conseil d'Etat, la gauche est dans l'opposition, qu'elle le veuille et l'accepte ou non. Elle y est et y restera, même si deux ou trois des siens siègent au gouvernement. Elle y est parce que ses programmes, ses projets, sa culture politique sont antagoniques de ceux de l'Entente, à plus forte raison de l'UDC, et plus encore de ceux, improbables quand ils ne sont pas vomitifs, du MCG. La seule question qui vaille est désormais : puisqu'elle est dans l'opposition, et qu'elle y est pour cinq ans, que va y faire, et en faire, la gauche ? Attendre que « ça se passe », ou user de toutes les armes, de tous les instruments, de tous les lieux dont elle peut user pour s'y reconstruire, s'y radicaliser, s'y réunir ? Si vous nous avez lu jusque là, aimables et patients lecteurs, vous aurez une idée de notre réponse à cette question. C'est le fameux « On ne lâche rien » de Méluche. Rien de ce que nous avons réussi à garder et à conquérir, rien de ce que nous avons à proposer, rien de ce que nous pouvons utiliser. C'est pour cela que nous avons soutenu le « ticket à trois » de l'Alternative : pour ne pas lâcher le moment du débat électoral et de la confrontation entre la gauche, la droite et l'extrême-droite, que cette confrontation se fasse pour la désignation du gouvernement ou qu'elle se fasse pour la reconquête de l'« opinion publique ».
Par « tous les moyens, même légaux ».

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