Les Suisses tiennent à leur armée de conscription...

Damned, encore raté !

Il a plu des décisions historiques, le premier jour de l'automne, en Suisse : les conscrits de l'armée fédérale pourront désormais aller s'acheter des saucisses à trois heures du matin sur l'autoroute. Mais seulement après s'être fait vacciner. Et au Tessin, ils devront enlever leur burqa. Mais à quelqu'enseignement les défaites peuvent être utiles : le score calamiteux de l'initiative du GSsA (sauf à Genève et dans le Jura, mais pour des raisons où l'individualisme consumériste tient sans doute plus de place que l'antimilitarisme -après tout, il n'était plus question de supprimer l'armée, mais seulement l'obligation d'y servir) devrait le, et nous, dissuader à l'avenir de tenter d'appâter les mouches militaristes modernistes avec des propositions que des antimilitaristes, précisément, ne peuvent soutenir sans incohérence.


L'armée dont on a envie et l'armée dont on a besoin ?

Pour en appeler au refus de l'initiative du GSsA, le Conseil fédéral invoquait une «identité suisse» dont la conscription serait l'une des marques. Or seule seule une personne sur cinquante habitant la Suisse fait réellement partie de son armée (elle comptait en effet, le 1er mars dernier, 155'000 militaires), que le parlement veut lui-même réduire à des effectifs de 100'000 têtes (ou plutôt 200'000 pieds), ce qui en ferait une armée aussi forte que celles de l'Autriche, de la Norvège, du Danemark et de la Suède réunis. Le PS proposait une armée de 50'000 têtes, les partisans de l'initiative du GSsA évoquent une armée de 20'000 hommes et femmes, tous volontaires), et nous on en reste à pas d'armée du tout (d'où, d'ailleurs, notre manque d'enthousiasme, et celuii d'une bonne partie de la gauche, à l'égard de l'initiative du GSsA).  Les 98 %  habitant-e-s de ce pays qui ne font pas partie de l'armée sont-ils (et elles) hors de l'identité nationale ? Les femmes sont-elles exlues de cette identité ? Et les objecteurs, les réfractaires, les réformés, les plus jeunes, les plus vieux ? Actuellement déjà, à peine 30 % des jeunes hommes d'une classe d'âge accomplissent la totalité de leurs obligations militaires, la moitié des conscrits sont exemptés d'un service auquel les Romands se soumettent bien moins que les Alémaniques et les citadins bien moins que les ruraux.  En fait, comme le fait observer le capitaine Pierre Maudet, l'armée suisse est déjà « par défaut » une armée de volontaires : seuls ceux qui veulent vraiment la faire la font.

Le Conseil fédéral et la droite (politique et économique) clamaient qu'une armée de 20'000 volontaires était inconcevable en Suisse, qu'on ne trouverait jamais assez de volontaires et que ceux que l'on trouverait seraient, selon Ueli Maurer, « en majorité ceux qui n'ont pas de travail, ceux qui sont passionnés par les armes et la violence »... mais l'armée suisse compte déjà 18'000 officiers et 30'000 sous-officiers volontaires pour un engagement supplémentaire à leurs obligations militaires : sont ils en majorité chômeurs, maniaques des armes et de la violence ? Selon le Rapport de politique de sécurité 2010, une armée de 22'000 hommes suffirait à assurer les tâches de défense nationale, les autres tâches que l'on fait, ou veut faire, remplir par l'armée, histoire de la rendre utile, pouvant l'être par d'autres corps, de la protection civile aux garde-frontières, en passant par la police. Or aujourd'hui, les effectifs de l'armée suisse dépassent les 150'000 soldats du seul fait de l'obligation de servir qui appelle chaque année 20'000 jeunes hommes au recrutement. « Nous avons une armée pléthorique » dont les chefs « cherchent péniblement ce que leurs hommes pourraient bien faire », résume l'économiste libertarien Reiner Eichenberger. Et  Ueli Maurer confirme que l'armée actuelle peine à « recruter les étudiants des hautes écoles » et même qu'elle «  manquera aussi (de) gens qui ont une maturité professionnelle ou un diplôme des HES». Il reste qui, alors, à recruter ? les analphabètes ?

Et puis, de quelle « identité nationale » dont l'armée serait l'ûn des piliers parlera-t-on quand l'armée suisse ne sera plus qu'une armée suisse alémanique ? L'Académie militaire du Poly de Zurich n'a promu aucun Romand dans ses seize futurs officiers de carrière de 2012. Or «normalement, on en compte un ou deux par session», commente le colonel Froidevaux (président de la société suisse des officiers), ce qui est déjà bien en dessous de la proportion de Romands dans la population suisse (30 %, en gros, ce qui équivaudrait à cinq ou sept galonnés romands par promotion). Explication : l'alémanisation galopante de notre glorieuse armée : au début des années 2000, il a été décidé que l'allemand serait désormais la «langue de commandement», les structures régionales ont été démantelées et centralisées, les institutions de formation se trouvent toutes en Suisse alémanique. Manque plus que le « drill » à la prussienne. Bref, l'armée suisse va bel et bien finir par être abolie. Pour être remplacée par une armée suisse-allemande. On n'aurait alors plus qu'à attendre une Jeanne d'Arc welche recevant 5 sur 5 (sur un vieux téléphone de campagne) des voix lui commandant de bouter les staubirnes hors de Romandie.

Pour la suite, car il y aura une suite si le GSsA retrouve ses fondamentaux et ne résigne pas à être dépassé sur sa gauche par le PSS -dont le programme revendique l'abolition de l'armée-, on aime beaucoup ce résumé par le colonel Froidevaux des deux raisons de vouloir une Suisse sans armée : «  On ne fait pas l'armée dont on a envie, mais celle dont on a besoin ».
Et comme on n'en a ni envie, ni besoin...

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