Une Genferei : Victoire électorale de l'extrême-droite...

Genève a donc élu son parlement. Enfin, quand on dit « Genève »... avec 60 % d'abstention, disons que dans une République dont la moitié des habitant-e-s n'ont pas le droite de vote, une minorité de celles et ceux qui l'ont a expédié au parlement trois « blocs » de force à peu près égale (un tiers des sièges chacun) : la gauche (en y incluant les Verts), la droite démocratique, l'extrême-droite. L'élection des Etats généraux accouche d'un tiers d'Etat, dans l'abstention du Tiers Etat. Qui gagne ? La droite d'opposition. Moins parce qu'elle est la droite qu'elle est d'opposition. Qui perd, lourdement ? deux partis gouvernementaux (le PLR et les Verts). Qui stagne ? le PS et le PDC. Qui perd-gagne ? la «gauche de la gauche», qui revient au Grand Conseil, mais en perdant presque le tiers (encore un tiers...) de son électorat. Ce résultat, et la nouvelle configuration du partement cantonal font ressembler, politiquement, la République occidentale au canton méridional : Genève a élu « alla ticinese », avec un MCG jouant le rôle de la Lega.

 Une Chambre Introuvable. Pas « bleu horizon » : « kaki frontière »

L'extrême droite (MCG) et la droite de la droite (UDC) sont les grandes gagnantes du scrutin genevois d'hier. Ensemble, elles constituent le tiers d'un parlement divisé en trois blocs, ce qui promet une législature plus intéressante du point de vue de la dynamique de groupe que de la capacité à jouer son rôle législatif. Mais ce n'est pas une catastrophe. D'abord, parce que le MCG ne sera pas plus « efficace » avec 20 sièges qu'il ne l'était avec 17 sièges, s'il il pèsera plus lourd dans les votes. Surtout sur la droite démocratique, réduite à un état de faiblesse inédit par l'effondrement du PLR. Ensuite, parce que le parlement, ce n'est pas le seul lieu de l'action politique.

Remettons ces élections en perspective. Pas trop longue,  mais suffisante pour nous organiser et nous mobiliser pour le mois à venir : le parlement a été élu, pas le gouvernement -et là, tout reste ouvert. Si l'hypothèse d'une majorité gouvernementale de gauche relève désormais du délire dadaïste ou de la tentation du suicide politique, celle du maintien des trois sièges de la gauche gouvernementale reste tout à fait plausible : en n'étant présentés que par leurs partis respectifs, sans liste commune, deux socialistes et un vert sont déjà à l'issue du premier tour en meilleure position électorale, si une alliance se fait entre les trois composantes de l'«Alternative», y compris la « gauche de la gauche », que le MCG Poggia s'il n'est soutenu que par l'UDC... 
Le parlement genevois sortant était marqué par un rapport de force déséquilibré, et dénué de toute représentativité des choix électoraux, entre la gauche et la droite (extrême-droite comprise), mais c'était la conséquence de l'incapacité de la «gauche de la gauche » à s'unir sur une seule liste. Le nouveau parlement sera tout aussi déséquilibré, mais il sera cette fois représentatif des choix de la minorité de citoyennes et de citoyens qui ont consenti à faire usage de leurs droits politiques. On ne pourra donc attribuer la faiblesse de la gauche à sa composante la plus à gauche : elle a fait son boulot. Elle a certes perdu le tiers de son électorat en quatre ans, mais elle a au moins su unir ses faibles forces pour redevenir une force parlementaire. La faiblesse, à un niveau exceptionnel depuis septante ans, de la gauche genevoise n'est due aujourd'hui à rien d'autre qu'à son incapacité de maintenir son électorat dans son camp.
Le PS a certes résisté (il a même un peu progressé en quatre ans, sans que cela lui rapporte un siège de plus), mais il reste à un niveau incomparablement plus bas que dans les autres cantons comparables : 14 % des suffrages pour les socialistes, il faut remonter aux années soixante pour trouver un PS aussi faible au parlement cantonal... « Ensemble à Gauche » revient certes s'asseoir sur les bancs (inconfortables) du Grand Conseil, mais elle recule par rapport à l'addition de ses deux listes d'il y a quatre ans. Quant aux Verts, leur lourde défaite explique à elle seule (comme celle du PLR pour son camp) celle de la gauche (malgré deux sièges gagnés), pour autant -et c'est bien là le problème- que l'on puisse situer les Verts à gauche et pas  quelque part du côté du « centre ».
Le retour d'« Ensemble à gauche » au parlement ne fait ainsi que compenser la perte par les Verts de près de la moitié de leurs sièges. Où sont passés les électeurs perdus par les Verts ? ils ne se sont pas reportés sur le PS (qui avance peu), ni sur Ensemble à gauche (qui, tout en entrant au parlement, perd une partie de son électorat), ni sur les Verts libéraux (qui végètent largement en dessous du quorum)... Quant au PS, s'il ne recule pas (et vu le résultat général, c'est déjà une sorte de performance, pour un parti gouvernemental écartelé entre son « sens des responsabilités » et son rôle politique), il plafonne, largement en dessous de ses possibilités. Et il laisse sa place de premier parti de la Ville de Genève... au PLR...

Dès lors, c'est ailleurs qu'au parlement cantonal qu'il va falloir « faire de la politique » -faire une politique qui mérite son nom et son étymologie. Genève a hérité des urnes une Chambre Introuvable. Non pas « bleu horizon » mais «kaki frontière » ... Et plus elle sera « ingérable », plus le poids  des communes de gauche, des droits démocratiques (le référendum,  l'initiative) seront grands, et plus la rue nous sera accueillante. N'oublions tout de même pas que, dans une République dont la moitié de la population n'a pas le droit de vote, où 60 % de celles et ceux qui en disposent n'en font rien, et où aucun parti, ni aucun groupe, ni aucune alliance n'est majoritaire, le « sort des urnes » n'est qu'une péripétie. Et que dans ces conditions, même le Conseil d'Etat pourrait nous être utile. Il sera de toute façon moins à droite que le parlement, et on pourrait en user non pour « faire avancer » les choses mais pour éviter de reculer plus encore. Un gouvernement de blocage pour éviter de débloquer, en somme...
Et pour tout le reste, un mot d'ordre, un seul, devrait s'imposer : l'unité.

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